10 années ont passé… 10 années après un conflit que personne n’attendait. On était encore dans l’euphorie de l’année 2005, rempli de l’espoir que le Liban, enfin progresserait vers un Monde Meilleur, vers un Etat de Droit, un Etat tout simplement.

10 ans ont été gâchés en fin de compte. On pouvait s’attendre à ce que le dialogue politique devient l’arène de l’insulte, que les camps opposés s’invectivent. Cela participe en fin de compte au concept démocratique de pays tels que le nôtre.

Les erreurs ont été depuis nombreuses et on ne fait qu’en réaliser aujourd’hui la portée, et ce malgré les nombreux coups de semonces des années précédentes. À la fracture politicienne en 2 camps, 14 et 8 Mars, aujourd’hui, répond le dialogue et l’ouverture, avec d’un côté ce dialogue entre Al Moustakbal et le Hezbollah et de l’autre celui de la main tendue entre le CPL et les Forces Libanaises et cela en dépit des différences politiques voir, fort malheureusement dans un système tel que le nôtre communautaire.

Il n’en a évidemment pas toujours été ainsi. L’écho des armes nous ont fait, à plusieurs reprises, plonger au bord de l’abîme de la guerre fratricide, mais à chaque fois, le libanais à une habitude et fini par relever la tête hors de l’eau. On se souviendra de la guerre de juillet et août 2006, marquée en dépit de tout, par une solidarité inter-libanaise en dépit des différences politiques habituelles. On se souviendra également des évènements du fameux 7 mai, marqué par l’ouverture du dialogue entre les partis politiques et aboutissant aux fameux accords de Doha, sous la tutelle du Qatar. On se souviendra de Nahr Bared et de l’héroïsme de l’Armée Libanaise, confrontée avec peu de moyens, déjà aux barbares d’une organisation fondamentaliste qui ressemble étrangement à ce qu’on appelle aujourd’hui communément Daesh. On se souviendra des soubresauts sécuritaires entre Tripoli et notamment Jabal Moshen et Bab Tabbaneh et où aujourd’hui règnent entre les 2 quartiers une paisible coexistence. S’il n’y avait pas eu des morts, on finirait par dire qu’à quelque chose, malheur est bon … du moins au final.

10 ans, depuis le conflit de 2006 ont passé. 10 ans d’une leçon qu’on pourrait qualifier de formidables puisqu’on a finalement appris qu’on se doit, en dépit de tout, vivre ensemble, au-delà de la politique qui nous désuni. Il est cependant dommage qu’on ne puisse comprendre ces leçons qu’à travers le conflit et non le dialogue préalable au conflit.

Mais au-delà de l’aspect d’une leçon de réalisme politique, le système, lui, reste grippé. Les accords de Doha ont permis l’élection en 2007 d’un nouveau Président de la République. Aujourd’hui, le désaccord entre les grands parrains, à savoir l’Arabie Saoudite et l’Iran, bloque à nouveau l’élection d’un nouveau locataire du Palais de Baabda. Plus encore, notre système politique semble donc ne pas être représentatif de la volonté populaire mais dépendante du bon-vouloir de puissances étrangères qui règlent sur notre sol, leurs différents. Plus encore comme du temps des moments où le conflit israélo-arabe était exacerbé, le Liban est l’arène d’un combat qui n’est pas le sien. Face hier au face à face entre idéologies sionistes et nationalistes arabes, aujourd’hui, le conflit religieux entre sunnites et chiites menace notre région et plus particulièrement les pays comme le notre ou ses 2 communautés hier coexistaient et aujourd’hui se trouvent être dans 2 camps opposés, l’un iranien et l’autre saoudien et notamment au travers, pour changer de leurs implications réciproques sur le théâtre syrien.

Le pouvoir lui, reste silencieux, miné par ses propres faiblesses. La faute revient au défaut de réforme de ce système politique au profit d’une libanisation de nos représentants. L’impossibilité d’un processus de réforme pour former un pouvoir exécutif politiquement cohérent et non d’une pseudo-entente nationale où l’autre organe de pouvoir, le Parlement se trouve être démuni de son rôle primordial de débat entre majorité et opposition constitue un problème majeur. L’émergence de mouvements dits de la société civile n’est pas une cause de désordre comme certains laissent le faire croire depuis les manifestations de l’été 2015 mais un symptôme qui démontre que ce mal, désormais provoque un malaise généralisé.

La réponse politique n’a été qu’une nouvelle fois décevante, refusant de voir que le problème dépasse le plan stricte de la problématique des ordures, du manque d’électricité ou du manque de sécurité. La sphère politique refuse de se remettre elle-même en cause et au-delà d’elle, celle des grands parrains étrangers. Corruption, défaut de gérance des affaires publiques, conflit d’intérêts multiples, scandales Sukleen ou Ogero pour ne nommer qu’eux. Ils ne nous ont rien épargné en 10 ans et cela au mépris de nos portefeuilles et même de notre santé aujourd’hui.

La population n’en a pas marre de la politique mais elle exprime un certain raz-le-bol de la manière avec laquelle le débat politique se trouve être monopolisé au détriment de la majorité devenue depuis ces différents incidents, silencieuse. Mais peut-être que pour résoudre ce dilemme, fort malheureusement, 10 années supplémentaires seraient nécessaires, le temps qu’une nouvelle génération prenne sa place.

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