Le Parlement libanais a accordé sa confiance au gouvernement de Nawaf Salam, un vote décisif dans un contexte de crise politique et économique prolongée. Avec 95 voix en faveur, 12 contre et 4 abstentions, cette majorité parlementaire donne à l’exécutif une marge de manœuvre pour engager les réformes attendues. Cependant, les divisions internes persistent, et la gouvernance du pays s’annonce semée d’embûches.
Un vote révélateur des rapports de force parlementaires
Une majorité relative mais non absolue
L’obtention de la confiance par Nawaf Salam constitue un signal fort de soutien, mais il ne s’agit pas d’un blanc-seing. Dans un Parlement libanais morcelé, ce vote n’assure pas un consensus sur la durée. Si 95 députés ont approuvé la nouvelle équipe gouvernementale, le fait que 12 se soient opposés et 4 aient choisi l’abstention illustre la persistance des clivages politiques qui ont longtemps entravé la gestion des affaires publiques au Liban.
Les députés ayant voté contre la confiance appartiennent principalement à des formations politiques critiques de la ligne gouvernementale. Parmi eux, des membres du Courant patriotique libre (CPL), qui expriment des réserves sur la répartition des ministères et les engagements du gouvernement sur certains dossiers sensibles. L’abstention de quatre députés peut être interprétée comme un signe de prudence, voire une forme de désaveu implicite sur des points précis du programme gouvernemental.
Un Parlement fragmenté et des alliances en mutation
Depuis les dernières élections législatives, aucun bloc politique ne détient une majorité absolue, ce qui contraint le gouvernement à composer avec plusieurs forces politiques antagonistes. Cette situation pousse Nawaf Salam à adopter une stratégie de compromis, en cherchant l’adhésion de divers groupes parlementaires sans aliéner ses soutiens principaux.
Le Hezbollah, qui conserve une influence déterminante sur l’échiquier politique, a adopté une position pragmatique vis-à-vis du nouveau gouvernement. L’enjeu pour ce mouvement est de préserver ses acquis stratégiques, notamment en matière de défense et de relations extérieures. Toutefois, cette neutralité bienveillante ne garantit pas un soutien indéfectible, en particulier si le gouvernement venait à adopter des décisions contraires aux intérêts du parti chiite.
Le mouvement Amal et ses alliés semblent, pour leur part, enclins à donner du temps à Nawaf Salam pour mettre en œuvre ses premières mesures. Cependant, la patience des forces politiques risque d’être limitée si les réformes annoncées tardent à se concrétiser.
Une opposition fragmentée mais influente
Si l’opposition à Nawaf Salam n’a pas réussi à bloquer son investiture, elle reste une force avec laquelle il devra composer. Les 12 votes contre émanent en grande partie de députés refusant l’orientation économique et diplomatique du nouveau cabinet. Le Courant patriotique libre de Gebran Bassil, malgré son affaiblissement progressif, constitue toujours un acteur incontournable. Ses critiques portent notamment sur les choix économiques du gouvernement et ses relations avec les partenaires étrangers, notamment occidentaux.
De leur côté, certains indépendants et forces de la société civile, bien que favorables à un renouvellement politique, jugent insuffisantes les garanties offertes par Nawaf Salam quant à la mise en œuvre réelle des réformes. Ils dénoncent une continuité avec les précédents gouvernements, plutôt qu’une véritable rupture avec les pratiques ayant conduit le pays à la faillite.
Les implications de ce vote pour la gouvernance
L’obtention de la confiance donne au gouvernement une légitimité institutionnelle, mais elle ne signifie pas une stabilité politique assurée. La suite du mandat de Nawaf Salam dépendra de sa capacité à maintenir un dialogue ouvert avec les différentes forces du Parlement, tout en accélérant la mise en œuvre des réformes économiques et structurelles.
Dans un climat social marqué par une crise économique inédite, la population libanaise attend des actions concrètes. Le temps des compromis politiques risque d’être de plus en plus court face à l’urgence des réalités économiques et sociales.
Le gouvernement de Nawaf Salam prend ses fonctions avec une feuille de route définie, axée sur la relance économique, la lutte contre la corruption et la stabilisation des institutions publiques. Face à un pays en crise, ces priorités sont impératives pour rétablir la confiance tant au sein de la population que vis-à-vis des acteurs internationaux. Cependant, leur mise en œuvre se heurte à des obstacles politiques, économiques et structurels.
Une relance économique sous surveillance
La crise économique que traverse le Liban depuis 2019 est l’une des plus graves de son histoire contemporaine. L’effondrement de la livre libanaise, la faillite des banques et l’explosion de la dette publique ont plongé des centaines de milliers de familles dans la pauvreté. Nawaf Salam doit donc agir rapidement pour éviter que la situation ne devienne irréversible.
Stabiliser la monnaie et rétablir la confiance financière
L’une des premières mesures que le gouvernement s’est engagé à prendre est la stabilisation du taux de change de la livre libanaise. Sa dépréciation rapide a affaibli le pouvoir d’achat des Libanais et accentué les tensions sociales. Le gouvernement cherche à renforcer les réserves en devises étrangères, notamment en obtenant une aide du Fonds monétaire international (FMI).
Cependant, les négociations avec le FMI restent compliquées, car elles exigent des réformes structurelles que de nombreux acteurs politiques refusent encore d’adopter. La levée des subventions, la restructuration du secteur bancaire et la mise en place d’une nouvelle gouvernance financière sont des conditions incontournables pour obtenir les financements nécessaires.
Réformer le secteur bancaire et restaurer la confiance
Le secteur bancaire libanais, autrefois considéré comme l’un des piliers économiques du pays, a perdu toute crédibilité. Les restrictions informelles imposées par les banques sur les dépôts en dollars, ainsi que l’incapacité du système à garantir les retraits des citoyens, ont détruit la confiance du public.
Le gouvernement de Nawaf Salam prévoit donc de :
- Restructurer les banques en difficulté, en forçant certaines institutions à fusionner ou à liquider leurs actifs non performants.
- Établir une transparence financière, en imposant des audits aux banques pour évaluer leur solvabilité réelle.
- Protéger les petits déposants, en mettant en place un plan de compensation progressif pour ceux qui ont perdu leurs économies.
Cette réforme est cruciale, mais elle risque de se heurter à la résistance des élites bancaires et des hommes politiques influents qui contrôlent une partie du secteur.
Une lutte contre la corruption encore incertaine
L’un des engagements les plus médiatisés du gouvernement Nawaf Salam est la lutte contre la corruption. Le Liban figure parmi les pays les plus corrompus du monde, selon les classements internationaux, et la mauvaise gestion des finances publiques a été l’un des déclencheurs de la crise actuelle.
Des promesses de transparence et de responsabilité
Le gouvernement prévoit :
- Un audit des finances publiques, pour identifier les détournements de fonds et les responsabilités dans la gestion désastreuse du pays.
- Un renforcement de la justice, en donnant plus de moyens aux magistrats pour poursuivre les responsables de corruption.
- Une refonte des marchés publics, afin d’empêcher les détournements de fonds dans les projets d’infrastructure et les contrats publics.
Cependant, ces mesures restent très difficiles à appliquer. Le système politique libanais est dominé par des alliances et des clientélismes qui rendent toute sanction contre les figures corrompues extrêmement délicate. De plus, l’absence d’indépendance du pouvoir judiciaire freine les initiatives en faveur d’une véritable responsabilisation des acteurs politiques et économiques.
La relance des négociations avec le FMI : un passage obligé
L’une des priorités majeures du gouvernement est de relancer les discussions avec le Fonds monétaire international (FMI). Ces négociations sont cruciales pour permettre au Liban d’obtenir une aide financière d’urgence, mais elles sont politiquement sensibles, car elles impliquent des réformes douloureuses.
Les conditions imposées par le FMI
Le FMI a posé plusieurs conditions avant d’accorder un prêt au Liban :
- Une réforme du secteur bancaire pour garantir une répartition équitable des pertes entre les banques, l’État et les déposants.
- La mise en place d’un taux de change unifié, afin d’éliminer les distorsions économiques causées par la multiplicité des taux.
- Une réduction des dépenses publiques, notamment en diminuant les subventions sur les carburants et l’électricité.
Ces mesures sont impopulaires et risquent de provoquer de nouvelles tensions sociales. En effet, la suppression des subventions entraînerait une hausse des prix, alors que le taux de pauvreté dépasse déjà les 70 %. Nawaf Salam devra donc trouver un équilibre entre l’application des réformes exigées par le FMI et la préservation du pouvoir d’achat des citoyens.
Des réformes institutionnelles sous haute tension
Le gouvernement s’engage également à réformer les institutions publiques pour améliorer leur efficacité et réduire les gaspillages. Cependant, la question de la décentralisation administrative et politique demeure sensible.
Réduire l’ingérence politique dans l’administration
L’administration libanaise souffre d’une politisation excessive, où les nominations sont souvent basées sur des critères confessionnels et clientélistes plutôt que sur la compétence. Le gouvernement souhaite réformer le mode de recrutement pour privilégier les compétences et limiter l’influence des partis sur les institutions publiques.
Par ailleurs, des efforts seront faits pour moderniser l’administration, en digitalisant certains services pour réduire la bureaucratie et limiter les opportunités de corruption.
Vers un nouveau pacte politique ?
Le gouvernement Nawaf Salam pourrait également chercher à réformer le système politique libanais, qui repose sur un équilibre confessionnel contesté. Si cette réforme n’est pas une priorité immédiate, certaines figures politiques plaident pour une refonte du pacte national, afin d’adapter les institutions aux évolutions démographiques et sociales du pays.
Cependant, toute tentative de révision du système confessionnel risque de raviver les tensions communautaires et d’être bloquée par des partis qui bénéficient du statu quo.
Un calendrier serré pour des attentes élevées
Le gouvernement de Nawaf Salam n’a pas le luxe du temps. La population attend des résultats rapides, et tout retard dans la mise en œuvre des réformes pourrait provoquer une crise de confiance. De plus, les tensions sociales risquent de s’aggraver si des mesures impopulaires sont prises sans alternatives concrètes pour protéger les citoyens les plus vulnérables.
Dans ce contexte, Nawaf Salam doit faire preuve d’une gouvernance efficace et pragmatique, en évitant les jeux politiques qui ont paralysé les précédents gouvernements. L’avenir de son mandat dépendra de sa capacité à naviguer entre les exigences économiques, les pressions internationales et les attentes sociales, dans un pays où chaque décision est un exercice d’équilibriste.
Le gouvernement de Nawaf Salam fait face à une série de défis majeurs qui vont tester sa capacité à gouverner efficacement et à traduire ses engagements en actions concrètes. Malgré le vote de confiance du Parlement, les tensions politiques, les attentes de la population et la pression internationale pèsent lourdement sur son mandat. Stabilité économique, lutte contre la corruption, relations internationales, réformes institutionnelles : chaque dossier est un champ de mines à désamorcer.
Une crise économique persistante et des marges de manœuvre limitées
L’inflation et l’effondrement du pouvoir d’achat
L’un des principaux défis du gouvernement Nawaf Salam reste la crise économique et monétaire. La livre libanaise continue de perdre de la valeur, plongeant la population dans une précarité grandissante. L’inflation galopante, qui dépasse les 150 % sur certains produits essentiels, aggrave l’insécurité alimentaire et l’accès aux services de base.
Si la stabilisation du taux de change fait partie des priorités du gouvernement, les options sont limitées. La Banque du Liban n’a plus les réserves en devises étrangères nécessaires pour soutenir la monnaie nationale, et les restrictions bancaires continuent d’alimenter la colère des déposants. L’absence de confiance dans le système bancaire empêche également tout retour des capitaux privés.
Le poids de la dette publique et la dépendance aux bailleurs de fonds
Le Liban est lourdement endetté, avec une dette publique qui dépasse 170 % du PIB. L’État ne peut plus assurer le paiement des fonctionnaires, ni financer les infrastructures de base, notamment dans les secteurs de l’électricité, de l’eau et des transports.
Pour obtenir des financements, le gouvernement compte sur une aide du Fonds monétaire international (FMI) et sur des investissements étrangers conditionnés à des réformes de gouvernance. Toutefois, ces financements ne viendront qu’après des engagements concrets en matière de lutte contre la corruption et de réformes structurelles, ce qui risque de prendre plusieurs mois, voire plus.
Le plan de sauvetage économique repose donc sur une course contre la montre :
- Obtenir des financements avant une détérioration sociale irréversible.
- Réformer les secteurs clés sans provoquer une explosion sociale.
- Négocier avec les créanciers internationaux tout en préservant une souveraineté nationale mise à mal.
Une situation sociale explosive
Les tensions sociales et la montée des contestations
Les Libanais n’attendent plus des discours, mais des résultats. Depuis 2019, le pays a connu plusieurs vagues de manifestations contre l’élite politique, accusée de corruption et d’incompétence. Les coupures d’électricité, l’effondrement des services publics et la crise des salaires dans la fonction publique ont renforcé la défiance envers l’État.
Le gouvernement Nawaf Salam devra donc éviter une nouvelle crise sociale qui pourrait dégénérer en mouvements de protestation de grande ampleur. Pour cela, il devra trouver des solutions immédiates pour répondre aux besoins des citoyens :
- Améliorer l’accès à l’électricité, alors que l’État ne fournit que quelques heures par jour de courant.
- Mettre en place des aides sociales ciblées, notamment pour les familles les plus vulnérables.
- Assurer la sécurité alimentaire, alors que le prix du pain et des produits de première nécessité ne cesse d’augmenter.
Sans réponses rapides, le risque d’une explosion sociale est réel.
Une diplomatie sous haute tension
Le Liban est au cœur d’un jeu géopolitique complexe, entre influences régionales et pressions internationales. Le gouvernement Nawaf Salam devra naviguer entre des alliances fragiles et des intérêts divergents pour obtenir du soutien, sans s’aliéner de puissants acteurs régionaux.
Les relations avec le FMI et les pays donateurs
Pour sortir de la crise, le Liban doit rétablir la confiance avec la communauté internationale. Les pays du Golfe, la France et les États-Unis attendent des signaux clairs avant d’envisager toute aide financière. Le FMI exige des réformes claires et rapides avant d’accorder un prêt indispensable à la relance économique.
Cependant, ces aides restent conditionnées :
- Transparence dans la gestion des finances publiques.
- Réduction des déficits et lutte contre la corruption.
- Réformes structurelles, notamment dans le secteur de l’électricité et des banques.
Le défi pour Nawaf Salam est de convaincre ses partenaires étrangers tout en évacuant les résistances internes qui s’opposent à ces réformes.
Le dilemme des relations avec le Hezbollah et l’Iran
Le Hezbollah reste un acteur clé de la politique libanaise. Si le gouvernement de Nawaf Salam veut obtenir un soutien international, il devra se distancier du Hezbollah sans provoquer une crise interne. Or, cela s’avère particulièrement difficile.
Les États-Unis et certains pays du Golfe conditionnent leur aide à une marginalisation du Hezbollah, tandis que ce dernier détient encore un poids politique majeur et contrôle des secteurs essentiels comme la défense et la sécurité. Toute tentative de limiter son influence pourrait provoquer des tensions internes et même un blocage institutionnel.
En parallèle, les relations avec l’Iran restent un sujet sensible. Si le gouvernement veut renforcer ses liens avec l’Occident, il devra prendre des positions claires sur les ingérences régionales, notamment en ce qui concerne la guerre en Syrie et l’influence iranienne au Liban.
Les tensions avec Israël et les risques de conflit
Le Liban reste techniquement en état de guerre avec Israël, et les tensions aux frontières sont fréquentes. Les récentes frappes israéliennes en Syrie et au Liban, ainsi que les incursions aériennes, pèsent sur la stabilité du pays.
Le gouvernement Nawaf Salam devra gérer avec prudence cette situation, notamment en :
- Évitant une escalade militaire qui pourrait provoquer un conflit direct.
- Préservant la souveraineté libanaise, tout en évitant les représailles israéliennes.
- Collaborant avec l’ONU pour maintenir la stabilité à la frontière sud.
Toute erreur diplomatique ou militaire pourrait rapidement faire basculer le pays dans une nouvelle crise sécuritaire.
Un équilibre fragile et des perspectives incertaines
Le gouvernement Nawaf Salam démarre dans un contexte extrêmement complexe, où chaque décision sera scrutée de près par la population, les acteurs politiques et la communauté internationale.
Ses trois principaux défis immédiats sont :
- Lancer des réformes économiques sans provoquer une crise sociale.
- Rétablir la confiance avec les bailleurs de fonds sans froisser les acteurs locaux.
- Gérer les tensions régionales sans plonger le Liban dans une nouvelle instabilité.