Ces derniers jours ont été marqués par un débat sur la hausse du dollar douanier qui devrait ainsi passer de la parité officielle de 1507 LL/USD à 8 000 LL/USD selon certains voire même à 12 000 ou même 20 000 LL/USD. Le gouvernement Mikati qui envisage cette hausse estime nécessaire de trouver de nouvelles sources de revenus pour financer les salaires de la fonction publique et éviter ainsi l’effondrement de l’état sans recourir à la planche à billet, synonyme de nouvelle détérioration du pouvoir d’achat. Cependant, dilemme, pour le reste de la population, cela signifie aussi détérioration du pouvoir d’achat en raison de la hausse des prix qui suivrait alors que le Liban importe 70% de ses besoins. Deux solutions proposées par les autorités, aux conséquences, tout aussi insupportables pour la population, les unes par rapport aux autres.

Il est cependant à noter que ce débat autour du dollar douanier est un débat tronqué. Dès l’ouverture des négociations entre le Liban et la communauté internationale pour entrer dans l’Organisation du Commerce Mondial en 1999, il a été question d’un ensemble de mesures dont l’abandon des barrières à l’entrée des marchandises. Il était donc plutôt question d’abandonner le dollar douanier au bénéfice d’une réforme fiscale plus flexible, plus juste mais surtout plus équilibrée notamment avec l’instauration d’une taxe sur la valeur ajoutée qui a été depuis mise en place mais sans abandonner ce fameux dollar douanier, et en parallèle fortifier aussi les secteurs productifs locaux via un ensemble de mesures donc une dérégulatisation permettant de réactiver une économie libérale et non, comme aujourd’hui, une économie de monopoles principalement destructifs de richesse et basés sur des importations et non des exportations.

On a vu ces 3 dernières années, un débat s’instaurer concernant les réformes économiques à mettre en place pour favoriser une économie compétitive et productive. Malheureusement, s’il devait en théorie protéger les industries locales, le dollar douanier a plutôt favorisé l’inverse: celui-ci a amené à la mise en place d’un système de bakchich au sein des administrations publiques en charge de contrôler l’entrée de marchandises et ainsi favoriser les détournements de fonds publics au bénéfice à la fois de fonctionnaires véreux et d’importateurs peu scrupuleux qui désiraient payer le moins de taxe possible pour augmenter leurs marges au détriment de l’intérêt public.

C’est justement le principal grief aujourd’hui de la population libanaise vis-à-vis des mafias économiques et des systèmes de corruption qui gouvernent en réalité le Liban et qui se finançaient via des instruments administratifs dont le dollar douanier faisait partie.

Un rapport de la Banque Mondiale, il y a quelques années, estimait en effet que sortir simplement une marchandise du port de Beyrouth coutait aussi cher que l’acheminement depuis le port de Marseille jusqu’au port de Beyrouth. Le ministre des finances lui-même Ali Hassan Khalil admettait aussi que plusieurs dizaines de milliards de dollars étaient ainsi détournés annuellement, une somme qui aurait été suffisante à désendetter l’état.

L’explosion du Port de Beyrouth, en août 2020, n’a fait que révéler au grand jour ce que tout le monde savait déjà, un système de corruption généralisé au sein des différentes administrations publiques en charge de surveiller les entrées comme les douanes dépendant des services fiscaux pour n’évoquer que cette partie et sans entrer dans la polémique judiciaire actuelle.

Le dollar douanier n’a plus vocation d’exister dans le cadre des réformes à venir, dont beaucoup ont été demandées lors des conférences Paris I, II et III ou encore CEDRE ou encore celles aujourd’hui du FMI pour le déblocage de l’aide internationale face à la crise économique actuelle comme l’unification des taux de change ou les autres pendants du travail à accomplir, puisqu’il s’agit de nettoyer les écuries d’Augeas que sont devenues nécessaires et pourtant rien n’était fait parce que c’est faute de les avoir appliqués que le Liban traverse aujourd’hui cette situation.

Mais au lieu de cela, on continue à tergiverser au lieu d’aller de avant au lieu d’être plus ambitieux et poursuivre sur le chemin des réformes nécessaires justement à améliorer la situation sociale et économique de l’ensemble de la population en préemptant sur les demandes visant à débloquer l’aide nécessaire.

Eclairage

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Exemple à ce sujet, l’adoption cette année d’une loi concernant l’abolition des agences exclusives, une autre mesure pour entrer au sein de l’OMC, une loi présentée par le gouvernement dans le cadre des négociations avec l’OMC en décembre 2008, exigée par le FMI aujourd’hui. Les autorités libanaises n’ont eu d’autre choix que de la faire adopter qu’aujourd’hui.

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