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Nouvelle tarification des prix des générateurs de quartier

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Le 28 mars 2025, le ministère libanais de l’Énergie et des Eaux a publié, via son bureau de presse, une nouvelle tarification officielle pour les générateurs électriques privés applicable au mois de mars 2025. Cette annonce intervient dans un contexte de crise énergétique chronique, où les Libanais dépendent massivement de ces générateurs pour pallier les défaillances d’Électricité du Liban (EDL), limitée à environ 35 % de la demande nationale. Selon le communiqué, le prix moyen d’une page de mazout (20 litres) pour février, qui sert de base au calcul pour mars, s’élève à 1 338 852 livres libanaises (LL), basé sur un taux de change moyen de 89 700 LL par dollar sur le marché parallèle. Cette tarification, fixant le coût par kilowattheure (kWh) entre 29 974 LL et 32 972 LL selon les zones, reflète les défis persistants d’un pays en proie à une instabilité économique et politique. Voici une analyse approfondie des implications de cette décision.

Détails de la tarification : une structure à deux vitesses

La tarification pour mars 2025 distingue deux catégories de zones géographiques, une pratique courante pour refléter les coûts variables d’exploitation des générateurs :

  • Pour les abonnés avec compteurs dans les villes, zones densément peuplées ou à une altitude inférieure à 700 mètres :
    • Puissance de 5 ampères : 385 000 LL (fixe) + 29 974 LL par kWh consommé mensuellement.
    • Puissance de 10 ampères : 685 000 LL (fixe) + 29 974 LL par kWh consommé mensuellement.
  • Pour les abonnés avec compteurs dans les villages, zones dispersées ou à une altitude supérieure à 700 mètres :
    • Puissance de 5 ampères : 385 000 LL (fixe) + 32 972 LL par kWh consommé mensuellement.
    • Puissance de 10 ampères : 685 000 LL (fixe) + 32 972 LL par kWh consommé mensuellement.
  • Supplément : Une majoration de 300 000 LL est ajoutée au montant fixe pour chaque tranche supplémentaire de 5 ampères, reflétant les coûts accrus pour les abonnements de plus forte puissance.

Cette structure repose sur un calcul intégrant le prix moyen du mazout pour février (1 338 852 LL par page), les frais d’exploitation (huiles, filtres, usure des générateurs), les coûts de distribution depuis les stations-service, et une marge de profit raisonnable pour les propriétaires de générateurs. Le taux de change de 89 700 LL par dollar, stable depuis plusieurs mois en 2025, sert de base pour convertir les coûts en devises étrangères, vu que le mazout est importé. Le ministère note que cette tarification pour mars a été ajustée en coordination avec le ministère de l’Économie et du Commerce pour inclure les frais de transport du mazout jusqu’aux générateurs.

Base légale et méthodologie : un cadre ancien sous pression

Le ministère précise que cette tarification s’appuie sur un tableau de calcul adopté le 14 octobre 2010, renforcé par le décret n° 2 du Conseil des ministres du 14 décembre 2011, qui charge le ministère de l’Énergie et des Eaux de réguler les prix des générateurs privés en coordination avec les ministères de l’Intérieur et de l’Économie. Une circulaire conjointe du 20 décembre 2011 définit cette responsabilité, liant les tarifs au prix du mazout en fin de mois précédent – ici, février 2025 pour mars. Ce cadre, bien qu’ancien, reste en vigueur faute de mise à jour significative, malgré les bouleversements économiques depuis 2019, notamment l’effondrement de la livre libanaise.

Le communiqué annonce une étude future pour ajuster cette formule, afin qu’elle reflète mieux les fluctuations des taux de change et les réalités socio-économiques des citoyens, tout en tenant compte des besoins des opérateurs de générateurs. Cette promesse, bien que récurrente, souligne la difficulté de moderniser un système devenu inadapté face à une crise sans précédent. Le ministère a également envoyé des courriers aux ministères de l’Intérieur et de l’Économie pour assurer le suivi et l’application de cette tarification, conformément au mécanisme de contrôle conjoint.

Implications économiques : une charge écrasante pour les ménages

Dans un pays où le salaire minimum officiel stagne à 9 millions de LL par mois (environ 100 dollars au taux du marché parallèle de 89 700 LL), cette tarification représente un fardeau colossal. Prenons l’exemple d’un ménage urbain abonné à 5 ampères consommant 200 kWh par mois (une moyenne basse pour une famille dépendant des générateurs pour l’éclairage, les appareils électroménagers et la climatisation) :

  • Coût fixe : 385 000 LL
  • Coût variable : 200 kWh × 29 974 LL = 5 994 800 LL
  • Total : 6 379 800 LL

Cela équivaut à environ 71 % du salaire minimum, un pourcentage prohibitif qui force de nombreux ménages à réduire leur consommation ou à chercher des alternatives comme les panneaux solaires – coûteux à installer (environ 1 000 dollars pour une petite installation). Dans les zones rurales ou montagneuses, où le tarif grimpe à 32 972 LL par kWh, le même calcul donne un total de 6 979 400 LL, soit près de 78 % du salaire minimum, aggravant les disparités régionales.

Pour un abonné à 10 ampères consommant 400 kWh – typique pour une maison plus grande ou un petit commerce – le coût en ville atteint 12 674 600 LL (685 000 LL + 400 × 29 974 LL), soit plus de 141 % du salaire minimum, un montant intenable sans revenus supplémentaires. Dans les villages, ce total grimpe à 13 873 800 LL (685 000 LL + 400 × 32 972 LL), dépassant largement les capacités financières de la majorité des ménages.

Cette tarification intervient dans un contexte économique où les prix des carburants, publiés le même jour, montrent une légère baisse du mazout à 1 293 000 LL par page (contre 1 338 852 LL en février), mais une hausse de l’essence à 1 396 000 LL pour le 95 octane. Cette corrélation entre les prix des carburants et ceux des générateurs reflète la dépendance totale du Liban aux importations pétrolières, exacerbée par l’absence de production locale ou de réserves stratégiques significatives.

Répercussions sociales : une population au bord de l’effondrement

La dépendance aux générateurs privés, qui fournissent environ 70 % de l’électricité au Liban en 2025, est un symptôme de l’effondrement du service public d’électricité. Avec EDL incapable de dépasser 4 à 6 heures de couverture quotidienne dans les meilleures zones, les générateurs sont devenus une nécessité vitale, mais leur coût croissant alimente un sentiment d’injustice et d’abandon parmi les Libanais. Cette tarification pour mars, bien que basée sur un calcul technique, est perçue comme une nouvelle taxe déguisée imposée à une population déjà exsangue.

Dans les zones urbaines densément peuplées, comme Beyrouth ou Tripoli, les ménages à faible revenu – souvent des familles de 4 à 6 personnes entassées dans de petits appartements – doivent jongler entre l’électricité des générateurs, les factures alimentaires et les frais médicaux, dans un pays où l’inflation a dépassé 200 % en 2024. Dans les régions rurales ou montagneuses, comme le Chouf ou le Hermel, où le tarif par kWh est plus élevé en raison des coûts de transport du mazout et des conditions climatiques, les habitants se retrouvent encore plus isolés, souvent contraints de réduire leur consommation à des niveaux minimaux, plongeant dans l’obscurité dès la tombée de la nuit.

Les propriétaires de générateurs, bien que bénéficiaires d’une marge de profit intégrée au calcul (estimée à 10-15 % selon les experts), font face à leurs propres défis : hausse des coûts de maintenance, difficulté d’approvisionnement en mazout, et pressions des abonnés pour réduire les factures. Cette tension entre opérateurs et citoyens risque d’alimenter des conflits locaux, comme ceux observés en 2024 à Saïda, où des abonnés avaient vandalisé des générateurs en réponse à des factures jugées exorbitantes.

Implications politiques : un gouvernement sous tension

Cette tarification intervient sous le gouvernement de Nawaf Salam, formé en février 2025, et le président Joseph Aoun, dont la coalition avec Nabih Berri reste fragile. Le ministère de l’Énergie, dirigé par un technocrate proche de Salam, tente de maintenir une apparence de régulation dans un secteur anarchique, mais cette annonce met en lumière l’incapacité de l’État à fournir une alternative viable à EDL. La promesse d’une étude pour ajuster la formule tarifaire sonne creuse face à des années d’inaction sur la réforme énergétique, un dossier bloqué par des luttes politiques et des intérêts privés.

La coordination entre les ministères de l’Énergie, de l’Intérieur et de l’Économie – soulignée dans le communiqué – vise à renforcer le contrôle des prix, avec une injonction claire aux opérateurs pour installer des compteurs et respecter les tarifs. Cependant, l’application reste douteuse : en 2024, des rapports de l’ONG Transparency International ont révélé que moins de 60 % des générateurs étaient équipés de compteurs, et les surfacturations illégales (TVA fictive, frais de maintenance) étaient monnaie courante. Le ministère appelle à une « surveillance stricte » par le ministère de l’Économie et les municipalités, mais les ressources limitées de ces institutions – combinées à la corruption endémique – rendent cet objectif ambitieux.

Politiquement, cette tarification pourrait devenir un point de friction pour Salam, qui avait promis une gouvernance transparente et une amélioration des services publics. L’opposition, incarnée par des figures comme Tarek Mitri, pourrait exploiter ce mécontentement pour critiquer l’absence de progrès sur le front énergétique, dans un contexte où les négociations avec le FMI – exigeant une réforme du secteur électrique – stagnent.

Mesures spécifiques et limites pratiques

Le communiqué inclut des précisions pratiques pour éviter les abus :

  • Pour les ascenseurs et espaces communs (triphasé) : Le coût fixe est calculé sur une base monophasée, par exemple 985 000 LL pour un abonnement triphasé de 3×15 ampères (et non 2 785 000 LL), une clarification visant à réduire les surfacturations dans les immeubles.
  • Interdictions explicites : Ajout de TVA non justifiée, frais supplémentaires (maintenance, réseaux), tarification en devises étrangères, ou pénalités pour les utilisateurs de panneaux solaires sont prohibés, sous peine de sanctions.

Ces mesures, bien intentionnées, se heurtent à une réalité pratique : le manque de moyens pour faire respecter ces règles. Les municipalités, souvent sous-financées, et les forces de l’ordre, débordées par d’autres priorités, peinent à contrôler un secteur informel tentaculaire. Le ministère promet de publier un tableau détaillé sur son site (www.energyandwater.gov.lb), mais l’accès limité à Internet pour beaucoup de Libanais réduit l’efficacité de cette transparence.

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Newsdesk Libnanews
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