En partenariat avec Al Madaniya – Note de RenĂ© Naba directeur de la rĂ©daction du site www.madaniya.info
www.madaniya.info se fait un devoir de publier cette tribune de Haytham Manna, Co prĂ©sident de du Conseil dĂ©mocratique de Syrie (CDS), collectif reprĂ©sentant le courant de lâopposition dĂ©mocratique et laĂŻc de Syrie, de surcroĂźt non affiliĂ© Ă aucun groupe dâĂ©tat, et par voie de consĂ©quence nâĂ©margeant sur le budget dâaucun Ă©tat, contrairement Ă lâopposition syrienne wahhabite.
Ce tĂ©moignage a Ă©tĂ© expressĂ©ment demandĂ© par le Journal Le Monde lors dâun entretien dâun correspondant du quotidien, Ă sa demande, avec M. Haytham Manna, en marge des pourparlers de paix sur la Syrie. Lâentretien a durĂ© deux heures trente au terme duquel lâassurance quâaucune retouche ne serait apporter au texte a Ă©tĂ© donnĂ©e Ă lâopposition historique au rĂ©gime syrien.
Le Journal le Monde sâest particuliĂšrement distinguĂ© dans la couverture de Syrie par une vision hĂ©miplĂ©gique du cours de la guerre, abritant plusiseurs sites sur la question notamment le site «un Ćil sur la Syrie», animĂ© par un ancien rĂ©sident de Damas de la diplomatie française, Ignace Leverrier alias al Kazzaz, de son vrai nom Pierre Vladimir Glassman, un deuxiĂšme site par un qatarophile compulsif incompressible Nabil En Nasri, reconverti dans la «dĂ©-radicalisation» aprĂšs avoir longtemps soufflĂ© sur les braises depuis les colonnes mĂȘme du Monde.
Ignace Leverrier, dĂ©cĂ©dĂ© lâĂ©tĂ© 2015, la rĂ©animation de son site «Un Ćil sur la Syrie» a Ă©tĂ© confiĂ©e Ă Nicolas Henin,un journaliste, ancien otage des djihadistes de Syrie, sans doute victime du syndrome de Stockholm, consacre ses Ă©crits et ses interventions tĂ©lĂ©visĂ©es non pas Ă fustiger ses anciens geĂŽliers, mais le pouvoir baasiste, exclusivement le pouvoir baasiste, certes Ă©minemment critiquable, sans jamais Ă©mettre la moindre critique sur les dĂ©rives de la diplomatie française et son alliance contre-nature avec le djihadisme erratique, dont lâun des fleurons nâest autre que «Jabhat An Nosra», qui fait «du bon travail en Syrie», selon lâexpression du sortant Laurent Fabius.
Le jour de la publication du tĂ©moignage de M. Manna, prĂ©vu le mardi 9 FĂ©vier 2016, pour le journal datĂ© du mercredi 10 FĂ©vrier, lâauteur a reçu de la direction du Monde Gaidz Minassian , la rĂ©ponse suivante:
«Je vous remercie pour lâarticle. Mais il ne convient pas ni sur la forme, ni sur le fond. Sur la forme, il est beaucoup trop long. Il faudrait le ramener Ă 6000 signes espaces compris. Sur le fond, il est trop anglĂ© tĂ©moignage et pas assez analyse des nĂ©gociations en Syrie. Bien cordialement,».
Le journal Le Monde âŠ.Le Nec plus ultra de la fourberie.
Pour aller plus loin sur ce sujet
- 1 â A propos de GuaĂŻdz Minassian
- 2- A propos de la couverture de la guerre de Syrie par Le Monde
- 3- Une tribune du journal Le Figaro sur les pourparlers de paix de Syrie parue le jour du refus du journal Le Monde du tĂ©moignage de M. Haytham Manna sur le mĂȘme thĂšme
Ci joint le témoignage de M. Haytham Manna refusé par Le Monde
LES DESSOUS DâUNE NĂGOCIATION MAL PRĂPARĂE, PAR HAYTHAM MANNA
La rĂ©volte de 18 mars 2011 est partie de ma ville natale (Deraâa), propulsĂ©e par des mots dâordre dâavant-garde de la rĂ©sistance civile: la istibdad wala fassad, la Ikhwan wala salafia bidna daoula madaniya.. (Non au despotisme et Ă la corruption, Ni Salafistes ni FrĂšres Musulmans, nous voulons un Ătat civil et civilisĂ©).
Pour notre courant, la militarisation du conflit de Syrie ne pouvait quâaccentuer la riposte militaro-sĂ©curitaire du pouvoir Assad et dĂ©tourner le mouvement de protestation populaire de son cours civique et civile vers lâislamisation, lâextrĂ©misme et la confessionnalisation du conflit.
Deux mois aprĂšs le dĂ©but du soulĂšvement, le pouvoir Assad a relĂąchĂ©, en Mai 2011, les djihadistes salafistes de la prison de Sednaya, Ă la pĂ©riphĂ©rie de Damas, et procĂ©dĂ©, parallĂšlement, Ă lâarrestation dâune centaine des militants de la rĂ©sistance civile.
Entre le 1er et le 15 août 2011, le pouvoir Assad a assassiné mon frÚre Maen, un des principaux dirigeants de la résistance civile et une dizaine des militants pacifistes.
En dépit de cette épreuve personnelle, nous avons néanmoins maintenu le cap et confirmé nos options: résistance civile et solution politique.
En Septembre 2011, je me suis rendu au Caire en compagnie dâAbdel Aziz al Khaiyer, Raja al Nasser et Saleh Muslim (1) pour conclure un programme commun avec le Conseil National Syrien.
Lâaccord signĂ© le 31 dĂ©cembre 2011 a capotĂ©, moins de 24 heures aprĂšs sa signature, Ă la suite de lâintervention directe de M. Hamad Ben Jassem, Ă lâĂ©poque premier ministre qatari, qui considĂ©rait cet accord trop pacifiste et mou.
Nous avons veillĂ© Ă ne pas vendre de lâillusion Ă nos concitoyens, les prĂ©venant que notre histoire sera longue car tant le pouvoir Assad que lâopposition militaire concentraient leur mobilisation sur trois objectifs qui se sont rĂ©vĂ©lĂ©s des mythes: Le changement du rapport des forces, lâacquisition des armes spĂ©cifiques et une victoire militaire).
La banalisation de lâidĂ©e de lâintervention militaire Ă©trangĂšre a produit un effet dâaspirateur sur le pays, faisant dĂ©ferler vers la Syrie prĂšs de 60.000 combattants Ă©trangers dans les deux camps.
La destruction de lâinfrastructure de Syrie est Ă©valuĂ©e Ă 300 milliards de dollars. Le dĂ©placement dĂ©mographique touche prĂšs de 55% de la population, en superposition Ă plus dâun million dâhandicapĂ©s, alors que le chiffre des victimes (morts ou blessĂ©s) dĂ©passe les 300.000.
Le 30-31 janvier 2013, jâai organisĂ© Ă GenĂšve une confĂ©rence de lâopposition syrienne dĂ©mocratique en prĂ©sence de plus de 200 dĂ©mocrates laĂŻcs de plus de 30 organisations politiques et civiles.
Nous avons critiquĂ© lâadoption par la coalition Nationale de Doha dâun article qui proclamait son refus du dialogue et Ă la nĂ©gociation (non au dialogue, non Ă la nĂ©gociation). Nous avions alors dĂ©fendu une solution politique fondĂ©e sur le communiquĂ© de GenĂšve.
La rĂ©union des ministres John Kerry-SergueĂŻ Lavrov, deux mois plus tard, a marquĂ© une avancĂ©e dans la mĂȘme direction, dĂ©blayant la voie Ă lâidĂ©e de GenĂšve 2
Toutefois, malgrĂ© le parrainage des deux grandes puissances, les nĂ©gociations ont avortĂ© du fait de la mauvaise prĂ©paration de la confĂ©rence et des questions connexes tenant tout Ă la fois Ă la reprĂ©sentativitĂ© partielle de lâopposition ainsi quâau refus du pouvoir Assad de nĂ©gocier les mesures visant Ă bĂątir la confiance entre les divers protagonistes de mĂȘme que la question clĂ© de la transition du pouvoir.
Lâabandon de la confĂ©rence de GenĂšve en 2014 a tournĂ© sur le terrain Ă lâavantage des deux groupes terroristes (Daech et Jabhat Al Nosra), qui contrĂŽlent pratiquement prĂšs de 40% du territoire syrien, en superposition Ă une prĂ©sence iranienne multiforme. Avec, en prime, deux ans de souffrance complĂ©mentaires, de destructions et dâexode forcĂ© des millions de Syriens.
Lâintervention de la coalition internationale et de lâarmĂ©e russe en Syrie ont confĂ©rĂ© Ă la recherche dâune solution politique le caractĂšre dâune urgence absolue.
Nous avons organisĂ© la confĂ©rence de lâopposition syrienne pour une solution politique (Le Caire 9-10 juin 2015).
Jâai soumis Ă Monsieur Staffan Di Mistura, lâĂ©missaire spĂ©cial de lâONU sur la Syrie, notre feuille de route, pour son information, quinze jours avant son adoption au Caire.
Comme notre dĂ©lĂ©gation mentionnait la nĂ©cessitĂ© dâune rĂ©solution du Conseil de sĂ©curitĂ© sur la Syrie, Di Mistura a rĂ©agi: Une rĂ©solution? Mais de quelle nature? Walid Al Bunni, qui Ă©tait assis Ă ma droite, a alors ouvert son portable et lu Ă haute voix le texte du projet de la rĂ©solution que nous souhaitions voir adopter.
Le groupe de Vienne est nĂ© dâun accord Kerry-Lavrov, la premiĂšre rĂ©union Ă©tait rĂ©solument dĂ©favorable Ă lâopposition syrienne. Et le groupe de la confĂ©rence du Caire a multipliĂ© les dĂ©placements au Caire, Ă Berlin, Ă GenĂšve et Vienne pour tenter un rĂ©Ă©quilibrage dans la perspective de Vienne 2.
Nous pouvons soutenir quâavec lâaide des pays amis, nous avons rĂ©ussi Ă limiter les dĂ©gĂąts. De mes entretiens avec le vice-ministre russe des affaires Ă©trangĂšres, Guennadi Gatilov, jâai retirĂ© lâimpression que la rĂ©union de New York dĂ©boucherait finalement sur une rĂ©solution du Conseil de SĂ©curitĂ© sur la Syrie.
Le Conseil de la Syrie dĂ©mocratique (CDS) (2) a soutenu sans rĂ©serve la rĂ©solution 2254. De mon cĂŽtĂ©, le soir mĂȘme de lâadoption du document onusien, jâai personnellement adressĂ© mes remerciements au SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de lâONU, Ban Ki-Moon, ainsi quâĂ MM. Lavrov et Kerry de leurs efforts.
Le 1er Janvier 2016, jâai envoyĂ© une lettre au PrĂ©sident uruguayen du Conseil de sĂ©curitĂ© et Ă Monsieur Ban Ki-Moon leur demandant de veiller Ă la constitution dâune dĂ©lĂ©gation reprĂ©sentative de lâopposition syrienne, tenant compte de ses diverses composantes, Ă savoir: la confĂ©rence du Caire, le Forum de Moscou et la confĂ©rence du Riyad, leur laissant le choix de sa structure: Que lâopposition syrienne soit reprĂ©sentĂ©e au sein dâune dĂ©lĂ©gation commune, ou au sein de deux dĂ©lĂ©gations distinctes.
Jâai doublĂ© ma dĂ©marche dâun courrier au Conseil de sĂ©curitĂ© lâinvitant Ă assumer ses responsabilitĂ©s en vertu des articles 10 Ă 14 concernant les mesures dâĂ©tablissement de confiance entre les diverses parties.
Lors de la rencontre Kerry-Lavrov de Zurich, M. Lavrov a dĂ©fendu lâĂ©largissement de la dĂ©lĂ©gation de Riyad avec lâinclusion de 5 noms du groupe Le Caire-Moscou, dont trois du CDS. Ou Ă dĂ©faut, la prĂ©sence de 2 dĂ©lĂ©gations distinctes de lâopposition.
Les chancelleries occidentales ont pris contact avec moi pour exprimer leurs craintes que notre dĂ©lĂ©gation ne soit un instrument aux mains de la Russie. De son cĂŽtĂ©, le ministĂšre suisse des affaires Ă©trangĂšres nous a proposĂ© un rencontre le 26 Janvier 2016 Ă Lausanne pour la constitution dâune liste commune des exclus du Riyad.
Deux jours avant la rĂ©union, dans ce qui apparaĂźt comme une manĆuvre de contournement, M. Lavrov avait demandĂ© Ă M. Di Mistura dâadopter la liste de Moscou comme partie prenante aux nĂ©gociations et dâenvoyer les invitations avant notre rĂ©union Ă Lausanne. M. Di Mistura a envoyĂ© 10 invitations et Ă©cartĂ© 5 kurdes de la liste. Jâai dĂ©clarĂ© immĂ©diatement Ă la presse que «la soupe russe ne sera pas avalĂ©e» par le CDS.
Le 27 janvier, le reprĂ©sentant de la Russie Ă lâONU est venu partager notre dĂźner Ă Lausanne en prĂ©sence de 5 militants kurdes. Il a alors soutenu la nouvelle composition de notre dĂ©lĂ©gation et notre dĂ©marche en faveur dâune dĂ©lĂ©gation reprĂ©sentative et forte.
Toutefois, lâadjoint de M. Di Mistura est revenu sur lâengagement russe, nous faisant clairement savoir, vingt heures aprĂšs ce dĂźner, que nous devions accepter dâentrer dans les nĂ©gociations sans nos camarades kurdes. Jâai exprimĂ© clairement mon opposition.
La mĂ©thode «bricolage» a prĂ©valu Ă tous les niveaux. Le vice-ministre russe, Guennadi Gatilov, mâa reçu pour rĂ©pĂ©ter le mĂȘme discours. Jâai claquĂ© la porte.
TrĂšs sincĂšrement, jâai vu se profiler lâĂ©chec des nĂ©gociations. Car «le Qui fait quoi» ne faisait que dĂ©truire un bon dĂ©marrage des nĂ©gociations:
- Les obligations dĂ©coulant des articles 10 Ă 14 relĂšvent de la compĂ©tence du Conseil de SĂ©curitĂ© et de SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de lâONU, qui ne lâont pas fait bouger dâun pouce.
- La stratĂ©gie et le plan des nĂ©gociations relĂšvent de la responsabilitĂ© de M. Di Mistura qui en a concĂ©dĂ© aux AmĂ©ricains et aux Russes lâessentiel de son propre mandat.
- La nature bilatĂ©rale ou multilatĂ©rale des nĂ©gociations est restĂ©e vague et confuse; de mĂȘme le statut de la troisiĂšme dĂ©lĂ©gation a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© Ă chaque partie dâune façon diffĂ©rente de lâautre pour faire avaler la pilule Ă la dĂ©lĂ©gation du Riyad.
- Les compromis entre Russes et AmĂ©ricains ont Ă©tĂ© imposĂ©s Ă tous: De la participation dâAhrar al Sham et Jaish al Islam, au veto turc sur la prĂ©sence des kurdes au sein de notre dĂ©lĂ©gation, Ă la progression de lâarmĂ©e syrienne sur le terrain et aux mesures dâĂ©tablissement de la confianceâŠ
- En contre-champs, la délégation gouvernementale était confortablement installée pour des discussions sur des modalités superficielles administratives et organisationnelles.
- Lâabsence de stratĂ©gie de nĂ©gociation dans la dĂ©lĂ©gation de Riyad a Ă©tĂ© fatale Ă la phase prĂ©paratoire. JusquâĂ lâentretien de clĂŽture entre Hijab et Di Mistura, les deux interlocuteurs se demandaient laquelle des questions devait ĂȘtre prioritaire: lâhumanitaire ou le politique.
Des pourparlers prĂ©parĂ©s dans la prĂ©cipitation, sur fond dâaccumulation des erreurs, une planification sous tutelle, improvisĂ©e piĂšce par piĂšce, a donnĂ© Ă cette phase de lancement lâaspect dâun bricolage de mĂ©diocre qualitĂ©.
Si la reprise est programmĂ©e pour le 25 fĂ©vrier, il me semble que tout le dispositif des nĂ©gociations devra ĂȘtre reconsidĂ©rĂ©.
- Abdel Aziz al Khaiyer a Ă©tĂ© enlevĂ© par les Mukhabarat syriens Ă notre retour dâune visite officielle Ă PĂ©kin le 20 septembre 2012; Raja al Nasser, lui aussi, enlevĂ© dans le centre de Damas, un an plus tard, le 20 Novembre 2013. Saleh Muslim a quittĂ© Damas aprĂšs un mandat dâarrĂȘt Ă son Ă©gard.
- Le Conseil de la Syrie DĂ©mocratique est une coalition nĂ© le 10 DĂ©cembre 2015. Elle regroupe 22 partis politiques, 14 ONG des droits de lâHomme et de la sociĂ©tĂ© civile et les Forces de la Syrie DĂ©mocratique.
Note
Le journal Le Monde a demandĂ© Ă M. Haytham Manna dâĂ©crire un article sur les nĂ©gociations de GenĂšve. Manna a reçu le jour de sa publication prĂ©vu, la rĂ©ponse suivante: «Je vous remercie pour lâarticle. Mais il ne convient pas ni sur la forme, ni sur le fond. Sur la forme, il est beaucoup trop long. Il faudrait le ramener Ă 6000 signes espaces compris. Sur le fond, il est trop anglĂ© tĂ©moignage et pas assez analyse des nĂ©gociations en Syrie. Bien cordialement».
Haytham Manna: Initiateur des trois NON (Non Ă la Violence, Non au confessionnalisme et Non aux interventions militaires Ă©trangĂšres), premier citoyen syrien Ă dĂ©fendre le CommuniquĂ© de GenĂšve plaidant en faveur dâune solution politique en Syrie. Une position qui lui a valu dâĂȘtre lâobjet de la vindicte publique de tous les dĂ©tracteurs dâun rĂšglement politique. Fondateur du Courant Qamh (Valeurs, CitoyennetĂ©, Droits), il est coprĂ©sident du Conseil de la Syrie DĂ©mocratique.