Une tempête économique en gestation
Le 11 avril 2025, Scott Reynolds Nelson, professeur d’histoire à l’Université de Géorgie, publie dans Foreign Policy un article intitulé « L’Histoire désastreuse des tarifs douaniers et des dépressions ». Avec une précision rare, il analyse l’escalade des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine, marquée par une taxe douanière américaine de 145 % sur les importations chinoises et une riposte de Pékin à 125 %. Cette guerre tarifaire, gelant la relation commerciale bilatérale la plus importante au monde, menace de précipiter une crise économique globale. En s’appuyant sur les leçons des crises du XIXe siècle, Nelson met en garde contre les conséquences imprévues de ces politiques et les risques d’un effondrement financier mondial en 2025. Cet article détaille son analyse, enrichit les données sur les impacts économiques et adopte une perspective critique face à une réforme qui, bien que nécessaire, semble fragile dans un contexte de défiance généralisée.
Le contexte de 2025 : un choc commercial sans précédent
Le 2 avril 2025, le président américain Donald Trump annonce des tarifs douaniers massifs sur presque toutes les importations, culminant à 145 % sur les biens chinois, selon une clarification de la Maison-Blanche le 10 avril (The New York Times, 10 avril 2025). Pékin réplique le 11 avril en portant ses taxes sur les produits américains à 125 %, contre 84 % auparavant (Reuters, 11 avril 2025). Ces hausses, décrites comme une « plaisanterie » par le ministère chinois des Finances, rendent le commerce bilatéral économiquement inviable, selon Zhiwei Zhang, économiste chez Pinpoint Asset Management (CNBC, 11 avril 2025).
Les marchés financiers réagissent violemment. Entre le 2 et le 9 avril, 3,1 trillions de dollars s’évaporent des bourses américaines, selon des estimations relayées sur X (ShangguanJiewen, 4 avril 2025). Le S&P 500 chute de 3,5 % le 10 avril, après un rebond éphémère (The New York Times, 11 avril 2025). Les obligations américaines, piliers du système financier mondial, voient leurs rendements grimper à 4,5 %, signalant une fuite des investisseurs (The New York Times, 11 avril 2025). En Asie, le Nikkei perd 5 % avant de limiter ses pertes à 3 %, tandis que l’Europe enregistre des baisses modérées (The Washington Post, 11 avril 2025).
Nelson compare cette situation aux paniques financières du XIXe siècle, où des politiques protectionnistes ont amplifié des crises initialement localisées. Il cite l’exemple de la panique de 1873, déclenchée par la faillite de la banque Jay Cooke & Co., qui a entraîné une dépression mondiale aggravée par des tarifs élevés. En 2025, les tarifs sino-américains menacent de provoquer une inflation galopante aux États-Unis – estimée à 6,7 % pour les 12 mois à venir par l’Université du Michigan (The New York Times, 11 avril 2025) – et une déstabilisation des chaînes d’approvisionnement globales.
Les leçons du XIXe siècle : tarifs et dépressions
Nelson s’appuie sur trois crises historiques pour éclairer les risques actuels :
- Panique de 1837 : La hausse des tarifs britanniques sur le coton américain, combinée à une spéculation bancaire, provoque un effondrement des prix agricoles et une récession transatlantique. Les exportations américaines chutent de 30 % en deux ans, selon les archives du Département du Commerce.
- Panique de 1873 : Déclenchée par la faillite d’une banque liée aux chemins de fer, cette crise est amplifiée par des politiques protectionnistes en Europe et aux États-Unis. Le tarif Hawley-Smoot de 1930, bien que postérieur, est un écho : il réduit le commerce mondial de 66 % entre 1929 et 1934, selon l’historien Barry Eichengreen (Smoot-Hawley Tariff Act, 1930).
- Panique de 1893 : Une surproduction agricole et des tarifs élevés sous la loi McKinley (1890) précipitent une récession, avec un chômage atteignant 18 % aux États-Unis, selon les données du Bureau of Labor Statistics.
Ces crises montrent comment des tarifs, en perturbant les flux commerciaux, déclenchent des chocs en cascade : hausses de prix, faillites bancaires, chômage de masse. En 2025, Nelson redoute un scénario similaire. Les importations chinoises, représentant 440 milliards de dollars en 2024 (Business Insider, 11 avril 2025), sont vitales pour les consommateurs américains. Une taxe de 145 % pourrait doubler le coût de produits comme les smartphones (70 % fabriqués en Chine) et les jouets (80 % d’origine chinoise), selon le Budget Lab de Yale (10 avril 2025).
Les impacts économiques en 2025 : chiffres et réalités
Les tarifs sino-américains de 2025 menacent des pans entiers de l’économie mondiale. Voici les données clés :
- Commerce bilatéral : Les États-Unis importent 440 milliards de dollars de biens chinois, contre 145 milliards exportés vers la Chine en 2024, soit un déficit de 295 milliards (Business Insider, 11 avril 2025). À 145 % et 125 %, ce commerce risque de s’effondrer, réduisant les échanges à quelques niches.
- Inflation aux États-Unis : Le Budget Lab de Yale estime une perte de pouvoir d’achat de 4 700 dollars par ménage américain en 2025, due à la hausse des prix. L’indice des prix à la consommation pourrait bondir de 2 points, atteignant 6,7 % (The New York Times, 11 avril 2025).
- Chine : Pékin, en proie à un ralentissement immobilier et un chômage des jeunes à 15 % (The Washington Post, 11 avril 2025), perd un marché clé. Goldman Sachs abaisse sa prévision de croissance à 4 %, contre 5 % visés (The Washington Post, 11 avril 2025).
- Marchés financiers : Les obligations américaines, avec des ventes massives par la Chine (1 000 milliards de dollars détenus en 2024), voient leurs rendements grimper, menaçant la stabilité du dollar (Reuters, 12 avril 2025). L’or atteint un record historique, signe d’une fuite vers les valeurs refuges (Reuters, 12 avril 2025).
- Risque de récession : JPMorgan évalue à 60 % la probabilité d’une récession mondiale d’ici fin 2025, contre 40 % un mois plus tôt (NPR, 9 avril 2025).
Ces chiffres traduisent une réalité alarmante : chaque jour sans planification économique accroît l’incertitude. Les entreprises, incapables d’anticiper les coûts, réduisent leurs investissements. Aux États-Unis, les importateurs absorbent déjà des pertes : un conteneur de biens chinois, taxé à 145 %, coûte 10 000 dollars de plus qu’en mars 2025 (The New York Times, 10 avril 2025). En Chine, les exportateurs, employant 50 millions de travailleurs, risquent des licenciements massifs, selon l’Asia Society (The Washington Post, 10 avril 2025).
Une perspective critique : l’impasse stratégique
Nelson critique l’approche de Trump, qu’il juge impulsive et déconnectée des réalités historiques. Les tarifs, loin de « ramener la Chine à la table des négociations » comme l’espère la Maison-Blanche (Reuters, 12 avril 2025), renforcent la défiance de Pékin. Xi Jinping, lors d’une rencontre avec le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez le 11 avril, appelle l’UE à contrer le « bullying » américain (The Guardian, 11 avril 2025). Cette rhétorique, couplée à des restrictions sur les films hollywoodiens et 18 entreprises américaines (Al Jazeera, 10 avril 2025), montre que la Chine diversifie ses ripostes.
Côté américain, la volte-face de Trump – suspendant les tarifs sur 86 pays pour 90 jours, mais maintenant la pression sur la Chine – révèle une stratégie erratique. Nelson y voit un écho des politiques protectionnistes du XIXe siècle, qui ont amplifié les crises par manque de coordination. En 1873, l’absence de filet de sécurité bancaire a transformé une panique en dépression. En 2025, l’absence de dialogue sino-américain risque de reproduire ce schéma. Laurence Fink, PDG de BlackRock, prévient d’une récession imminente (The New York Times, 11 avril 2025), tandis que Victor Gao, du Centre pour la Chine et la Globalisation, prédit un arrêt total du commerce bilatéral d’ici quelques semaines (NPR, 11 avril 2025).
Cette escalade est d’autant plus préoccupante que les deux leaders semblent prisonniers de leur orgueil. Trump, qualifiant Xi d’« ami » tout en imposant des sanctions, croit à un accord imminent (The Washington Post, 11 avril 2025). Xi, de son côté, refuse de céder pour ne pas « perdre la face », selon Wilbur Ross (NBC News, 11 avril 2025). Cette impasse, pour Nelson, rappelle les rivalités commerciales de 1890, où des tarifs mal calibrés ont prolongé les crises.
Les failles de la réponse globale
Nelson déplore l’inaction des autres acteurs mondiaux. L’UE, bien que temporairement épargnée par la pause de 90 jours, n’a pas de stratégie unifiée. Ursula von der Leyen annonce une suspension des contre-tarifs, mais prévient que « toutes les options restent ouvertes » (The Washington Post, 11 avril 2025). Le Japon et la Corée du Sud, touchés par des baisses boursières, discutent des impacts sans proposer de médiation (NPR, 11 avril 2025). Cette fragmentation contraste avec les crises du XIXe siècle, où des conférences internationales, comme celle de Londres en 1874, ont tenté – sans succès – de stabiliser les marchés.
La Chine, elle, cherche à rallier des alliés. Xi entame une tournée en Asie du Sud-Est, visant à consolider les liens avec le Vietnam, la Malaisie et le Cambodge (The Guardian, 11 avril 2025). Ces pays, eux-mêmes taxés par les États-Unis, hésitent à s’aligner pleinement, craignant des représailles de Washington (NPR, 11 avril 2025). Ce jeu diplomatique, pour Nelson, complique toute désescalade.
Une réforme bancaire libanaise en toile de fond
En parallèle, le Liban adopte une réforme bancaire le même jour, visant à restructurer un secteur en crise depuis 2019 (Agence nationale de l’information, 11 avril 2025). Ce texte, détaillé dans un article précédent, promet de protéger les petits déposants et de répondre au FMI, mais reste suspendu à un futur projet sur le déficit de 73 milliards de dollars. Nelson ne mentionne pas explicitement le Liban, mais son analyse des crises globales s’applique : des politiques mal coordonnées, comme les tarifs ou les réformes partielles, risquent d’aggraver les fragilités locales. Au Liban, où 80 % de la population vit sous le seuil de pauvreté (ONU, février 2025), une récession mondiale pourrait anéantir les espoirs de redressement.
Les scénarios pour 2025 : entre chaos et compromis
Nelson envisage deux issues possibles :
- Effondrement : Sans dialogue, les tarifs sino-américains déclenchent une récession. Les chaînes d’approvisionnement, déjà tendues par la pandémie de 2020, s’effondrent. Les semi-conducteurs, 60 % produits en Asie, deviennent inaccessibles, paralysant l’industrie mondiale (Asia Society, 10 avril 2025). Les ménages américains absorbent 1,1 % de perte de PIB, soit 300 milliards de dollars (Budget Lab, 10 avril 2025).
- Négociation : Une médiation, peut-être via l’UE ou l’ASEAN, ramène les parties à la table. Trump, sous pression des marchés, et Xi, face à un ralentissement interne, acceptent des concessions. Un tel scénario, improbable à court terme, requerrait un recul des deux leaders.
Les données penchent vers le premier scénario. Les échanges commerciaux sino-américains, représentant 15 % du commerce mondial en 2024 (WTO, 2025), s’étiolent. Les exportations agricoles américaines (soja, porc), déjà taxées à 15 % par la Chine en février 2025 (The Washington Post, 10 avril 2025), risquent de s’effondrer, touchant 2 millions d’emplois dans les États républicains (USDA, 2025).
Une critique des choix politiques
Nelson reproche à Trump une méconnaissance des dynamiques historiques. Les tarifs, s’ils protègent certains secteurs, désorganisent les économies interconnectées. En 1873, la chute des exportations américaines a ruiné les fermiers du Midwest ; en 2025, les consommateurs paieront le prix fort. Côté chinois, la stratégie de Xi, axée sur l’autosuffisance, sous-estime les besoins d’exportation : 30 % du PIB dépend des marchés étrangers (World Bank, 2025).
Cette guerre tarifaire, pour Nelson, n’a pas de gagnants. Les 145 % américains et les 125 % chinois, qualifiés d’« absurdes » par Victor Gao (NPR, 11 avril 2025), annihilent le commerce sans résoudre les déséquilibres. Pire, ils fragilisent des alliés comme le Liban, où la réforme bancaire, bien que prometteuse, ne résistera pas à un choc global. Le texte libanais, critiqué pour son flou sur les pertes (The New Arab, 12 avril 2025), illustre cette vulnérabilité : sans stabilité mondiale, les efforts locaux s’effondrent.
Vers un avenir incertain
Nelson conclut sur une note sombre : « Chaque jour où les entreprises ne peuvent planifier, les rouages de l’économie ralentissent. » En 2025, le monde observe une crise en temps réel, sans mécanisme pour l’enrayer. Voici les chiffres clés :
Indicateur | Valeur |
---|---|
Tarifs USA sur Chine | 145 % |
Tarifs Chine sur USA | 125 % |
Pertes boursières USA (avril) | 3,1 Tn $ |
Inflation prévue USA (2025) | 6,7 % |
Croissance Chine (prévision) | 4 % |
Perte PIB USA (estimée) | 1,1 % (300 Mds $) |
Probabilité récession mondiale | 60 % |
Le Liban, avec sa réforme bancaire, symbolise les espoirs fragiles des petites nations dans ce chaos. Mais sans un recul sino-américain, ces efforts risquent de sombrer. Comme en 1873, l’orgueil des dirigeants pourrait coûter cher à des millions de citoyens, des fermiers de l’Iowa aux ouvriers de Shenzhen.