Amours farouches

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Si tu veux comprendre ce qui se passe aujourd’hui dans la basse-cour, tu dois savoir que tout est uniquement en rapport avec les élections parlementaires dans six ou huit mois. Rien d’autre. D’ailleurs, si tu as entendu le Estez, qui est le chef d’orchestre local, parler de “panier global”, tu as compris qu’il s’agit de la répartition conviviale et dans la bonne humeur à qui sera ministre et qui sera député. Remarque d’ailleurs qu’il n’y a plus de 8 et de 14 depuis le cake de Meerab, juste une bande d’octogénaires et leurs poulains en train de faire une bataille de polochons. Ceci engendre des situations loufoques, comme Imad Hout, député de la Jamaa musulmane qui jouait le super méga cool cravaté soucieux de la coexistence islamo-chrétienne et du partage équitable du pouvoir face à un Naamtallah Abi Nasr à deux doigts de se proclamer pape et de relancer les croisades. Pourtant, il n’y a pas longtemps, Naamtallah était un gentil qui défendait le mariage civil pendant que Hout annonçait qu’il n’y a pas de viol conjugal, seulement des amours farouches. Normal, puisque Naamtallah compte se faire élire dans la province du Kesrouan peuplée d’irréductibles autochtones et que Hout a vu le vent tourner avec les dernières élections municipales de Tripoli.

Pas très loin de là, dans le même esprit de séduction, utilisant la ruse de l’éléphant dans le magasin de porcelaine, Elie Marouni, oubliait qu’il y a plus de viol dans tous ces jolis pays qui nous entourent et où la morale prévaut que sur les plages de nudistes en Europe. Personne ne lui avait dit qu’il y a plus de violées en Burka, Niqab et Tchador que de violées en bikini. Human Rights Watch déclarait d’ailleurs, il n’y a pas longtemps (2013) que 99,3 % des femmes et jeunes filles égyptiennes (très bien habillées depuis leur dernier printemps arabe) ont été victimes de harcèlement sexuel. Marouni a aussi oublié la saoudienne sous sa burka tendance Zadig et Moustafa qui s’est fait violer par 40 degrés à l’ombre par toute une bande de jeunes. Elle était tellement couverte qu’elle aurait pu être la mère d’un des sept étalons sans qu’il ne s’en rende compte. Quoi qu’il en soit, notre député annonçait clairement qu’il fallait tenir compte de la responsabilité de la femme dans les crimes de viol. Avec cet esprit-là, Il n’en faut pas beaucoup pour qu’il soutienne le port du burkini sur les plages de Kaslik. Tu cries à la honte ? Calme-toi: ceci n’empêchera pas les belles Kataebistes de voter pour lui aux prochaines élections puisque, comme dit le proverbe, ” il n’y a pas de berger sans moutons”.

Et d’ailleurs, à propos de moutons et de bergers, les aounistes tenteront bientôt une nième sortie sous le slogan « Aoun président ». Nous, on veut bien, puisqu’il n’y a que lui pour régler le problème des ordures, sauver la veuve et le chrétien, restaurer la justice sur tout le territoire, nous donner l’électricité que le gendre avait promis, redresser l’économie, arrêter la fuite des cerveaux et l’invasion des idiots, trouver une solution aux deux millions de réfugiés, fermer définitivement la frontière dans les deux sens, nous permettre de boire une bière sur les 10452 même durant les mois de fête sans se faire taper dessus, te permettre de voir YouTube sans que ça coupe toutes les trois secondes, facturer le téléphone dix fois moins cher, trouver le remède contre le cancer, initier le contact avec les civilisations extraterrestres, t’expliquer la fin du film Matrix, et restaurer les droits du Grec Catholique (j’ai laissé le moins possible pour la fin). Seulement, comme je l’ai vu dans mon rêve prémonitoire avec Leila Abdelatif et comme c’est maintenant coutume, n’essaie même pas de tirer au sort, sur toutes les cartes tu as le nom du Général Kahwagi. D’ailleurs, c’est qui qui dirait non avec une armée qui se surpasse envers et contre tous (oui, tous!) et des exploits quotidiens dignes des films d’action, comme, récemment, la capture du prince daeshiste de l’usine à terroristes que tous les zaïms (oui, tous!) sont d’accord pour ne pas désarmer.

Elections ? Pas d’élections ? Tu as enfin quelque chose à regarder à la télé autre que « The Voice ». Tu en as pour tous les goûts entre les Myriam Klink qui accusent Mark Zuckerberg de bloquer personnellement leurs comptes où ils affichent leur amour pour la résistance, les futuristes tellement dépassés qu’ils te parlent du futur au passé antérieur, les geageaistes qui te parlent de Aoun comme s’ils s’étaient rencontrés dans “Blue Lagoon”, tu es bien servi. En plus, ça te donne de l’espoir, et la preuve que ce qui unit les Libanais est plus fort que ce qui les désunit : En effet, lorsqu’on aura tout donné à notre zaïm, il nous restera des montagnes, des plaines et des vallées d’ordures à découvrir, et aussi des états de barbares qui ne nous ressemblent pas à servir, et des fautes à nous rejeter pour expliquer notre bêtise transcommunautaire.

Nasri Messarra
Nasri Messarra est maître de conférences et docteur en gestion, spécialisé dans la communication et les stratégies du marketing viral sur Internet et sur les réseaux sociaux en ligne. Il joue le rôle de consultant auprès de plusieurs entreprises, organisations et individus (personal branding) depuis 1994.

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