Golfe / Armement: Autant en emporte le vent 2/2

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René Naba le fév 25 2011.

Le sursaut populaire arabe de l’hiver 2011 avec le renversement de deux dictatures Hosni Moubarak (Egypte) et Zine El Abidine Ben ALI (Tunisie), les soulĂšvements dans huit pays arabes (Libye, BahreĂŻn, au YĂ©men, AlgĂ©rie, Maroc, Jordanie, Irak) illustrent l’usage que font les dirigeants arabes de leur surarmement, la rĂ©pression de leur concitoyens plutĂŽt que la dĂ©fense de l’espace nationale arabe contre ses ennemis rĂ©els (IsraĂ«l) ou virtuels (Iran).

Le contrat de l’ordre de 123 milliards de dollars, conclu Ă  l’automne 2010 entre l’AmĂ©rique et quatre pays du Golfe, en vue de renforcer leur capacitĂ© dĂ©fensive «face Ă  l’Iran» constitue un tĂ©moignage Ă©loquent de cette politique de dilapidation financiĂšre pour des motifs d’armement.

Golfe / Armement : Autant en emporte le vent 2/2
René Naba | 25.02.2011 | Paris

OPEP versus OPEA: La victoire des marchands d’armes sur les pĂ©troliers (1)

Loin d’ĂȘtre un exercice d’auto flagellation, le constat est manifeste et le dĂ©compte affligeant. Pendant prĂšs d’un quart de siĂšcle de 1970 Ă  1994, pĂ©riode marquĂ©e par une succession ininterrompue de conflits majeurs, la guerre civile jordano-palestinienne de « Septembre Noir Â» de 1970, la troisiĂšme guerre israĂ©lo-arabe d’octobre 1973, la guerre du Liban (1975-1990), la guerre Irak-Iran (1980-1989), la deuxiĂšme guerre du Golfe (1990-1991), sans parler de l’invasion amĂ©ricaine de l’Irak en 2003, le Moyen-Orient aura absorbĂ© 45 pour cent des armes vendues au tiers monde, trente pour cent de la totalitĂ© des achats mondiaux d’armement, alors que sa population ne reprĂ©sente que cinq pour cent de celle de la planĂšte au point de parvenir Ă  possĂ©der plus d’armements par habitant (pour les chars et l’artillerie) que la totalitĂ© de la trentaine de pays europĂ©ens compris dans les anciens Pacte de l’OTAN et du Pacte de Varsovie (2)

Au premier rang des « conflits budgĂ©tivores Â», la guerre irako iranienne (1979-1989) et la guerre du Golfe (1990-, 1991) qui auront durablement compromis le dĂ©veloppement Ă©conomique de la rĂ©gion, ainsi que la guerre du Liban (1975-1990), qui aura complĂštement dĂ©sarticulĂ© un pays jadis pilote de l’ensemble arabe tant au niveau Ă©conomique qu’au niveau de la pratique dĂ©mocratique.

A raison de cinq cent millions de dollars par mois pour chacun des belligĂ©rants sur neuf ans, le conflit entre l’Irak et l’Iran, l’un des plus meurtriers de l’époque contemporaine avec un million de victimes (300.000 morts et 700.000 blessĂ©s) aura coĂ»tĂ© la bagatelle de 108 milliards de dollars, sans compter les dĂ©gĂąts collatĂ©raux infligĂ©s Ă  l’occasion de la « guerre des pĂ©troliers Â» (258 cargos, pĂ©troliers et caboteurs dĂ©truits) provoquant en tonnage des pertes maritimes du mĂȘme ordre que celles enregistrĂ©es pendant la Seconde guerre mondiale. Ces prĂ©cisions n’incluent pas les dĂ©penses d’armement.

Les Arabes ont dĂ©boursĂ© 426 milliards de dollars en achat d’armement durant la dĂ©cennie 1980-1990 et 60 milliards de dollars rien que dans les deux annĂ©es qui ont suivi la Guerre du Golfe (1991-1992).

A lui seul le KoweĂŻt a dĂ©boursĂ© en cinq ans (1990-1995), la fantastique somme de 70 milliards de dollars pour financer tout Ă  la fois l’effort de guerre de la coalition internationale et sa reconstruction et prĂ©server aussi son indĂ©pendance par des achats massifs d’équipements militaires et du matĂ©riel de sĂ©curitĂ©.

Par leur coĂ»t opĂ©rationnel, leurs dĂ©gĂąts et les prĂ©judices annexes, les deux guerres contre l’Irak (1990-1991 et 2003), auront coĂ»tĂ© la bagatelle de mille six cent soixante dix (1.670) milliards de dollars, Ă©pongeant les surplus financiers gouvernementaux et gelant bon nombre de projets de dĂ©veloppement Ă  dimension interarabe.

La guerre de la coalition internationale contre l’Irak, consĂ©cutive Ă  l’occupation du KoweĂŻt (1990-1991) a coĂ»tĂ© 670 milliards de dollars aux pays arabes, selon le rapport du Conseil de l’UnitĂ© Economique Arabe paru en AoĂ»t 1995 au Caire, tandis que l’invasion amĂ©ricaine de l’Irak, en 2003, infligeait, elle, des pertes de l’ordre de mille milliards de dollars (931 millions d’euro) au produit intĂ©rieur brut (PIB) des pays arabes du fait des pertes civiles et militaires, de la dĂ©gradation de l’environnement par l’usage des mines et des armes de destruction massive notamment l’uranium appauvri, de la baisse des recettes du transport aĂ©rien et maritime et de la hausse du coĂ»t des assurances et des rĂ©assurances (3).
Douze mille milliards de dollars de pertes au Moyen orient depuis 1991
Strategic Foresight Group (SFG), chiffre, quant Ă  lui, Ă  douze mille milliards de dollars la somme perdue suite aux guerres qui ensanglantent l’ensemble du Proche-Orient depuis 1991. Ce coĂ»t englobe aussi bien les pertes humaines que les dĂ©gĂąts infligĂ©s Ă  l’écologie, aux rĂ©percussions sur l’eau, le climat, l’agriculture, en passant par la croissance dĂ©mographique, le chĂŽmage, l’émigration, la hausse des loyers, le prix du pĂ©trole, voire mĂȘme l’éducation.
Le rapport de 170 pages se fonde sur 95 paramĂštres. Plus de cinquante experts d’IsraĂ«l, des territoires palestiniens, d’Irak, du Liban, de Jordanie, d’Egypte, du Qatar, du KoweĂŻt et de la Ligue arabe ont participĂ© Ă  cette Ă©tude menĂ©e ce groupe de rĂ©flexion basĂ© en Inde et soutenu par la Suisse, la NorvĂšge, le Qatar et la Turquie. Le chercheur indien Sundeep Waslekar, prĂ©sident du SFG, prĂ©cise:
« On doit parler d’une cascade de coĂ»ts dont une partie n’est pas quantifiable financiĂšrement comme les atteintes Ă  la dignitĂ© humaine. Â» Le rapport pointe par exemple les centaines de milliers d’heures de travail perdues par les Palestiniens aux check points (barrages israĂ©liens). Il rĂ©vĂšle aussi que 91% des IsraĂ©liens vivent dans un perpĂ©tuel sentiment de peur et d’insĂ©curitĂ©.
Au seuil du XXI me siĂšcle, le Monde arabe apparaĂźt ainsi comme une zone sous tutelle marquĂ©e par une prĂ©sence militaire Ă©trangĂšre aussi importante qu’à l’époque coloniale avec un important pays, l’Irak, sous la coupe amĂ©ricaine, des bases dans le Golfe et des facilitĂ©s militaires dans dix pays arabes, dont l’Egypte et l’Arabie Saoudite, deux des principaux chefs de file du monde arabe, soit la moitiĂ© des Ă©tats de la Ligue arabe.
Pour la premiĂšre fois dans l’histoire, la prĂ©sence militaire amĂ©ricaine est institutionnalisĂ©e sur les zones pĂ©trolifĂšres du Golfe et de la pĂ©ninsule arabique, Ă  l’épicentre du monde arabe, Bagdad, l’ancienne capitale de l’Empire abbasside. FragilisĂ©s par la flambĂ©e islamiste anti-amĂ©ricaine et le tribut de la guerre rĂ©clamĂ© par Washington Ă  ses obligĂ©s monarchiques, le Royaume wahhabite, jamais colonisĂ© mĂȘme sous l’empire ottoman, le KoweĂŻt et le Qatar se trouvent aussi sous un « protectorat de facto Â» des Etats-Unis. Soixante dix ans aprĂšs la dĂ©colonisation du tiers-monde, l’ordre amĂ©ricain s’est substituĂ© Ă  l’ordre arabe,

Les convulsions guerriĂšres de l’espace arabe du dernier quart de siĂšcle (1975-2000) auront ainsi laissĂ© sur le tapis 73 millions de pauvres, 65 millions d’analphabĂštes, dix millions de sous alimentĂ©s et douze millions de chĂŽmeurs, reprĂ©sentant 15 pour cent de la main d’oeuvre sur un marchĂ© du travail gravement segmentĂ© et dysfonctionnel. Le PIB (produit intĂ©rieur brut) des 21 pays de la ligue Ă©tait lĂ©gĂšrement supĂ©rieur Ă  celui de l’Espagne, en 1999, reprĂ©sentant la moitiĂ© du PIB par habitant de celui de la CorĂ©e avec un cinquiĂšme de la population vivant avec moins de deux dollars par jour.
Selon le rapport 2009 sur le dĂ©veloppement Ă©conomique du monde arabe, la zone compte le taux de chĂŽmage le plus Ă©levĂ© au monde, se situant Ă  14,4 % alors que la moyenne mondiale est de 6,3 %. Compte tenu de la croissance dĂ©mographique actuelle, les pays arabes devront crĂ©er 50 millions d’emplois d’ici 2020 pour absorber l’augmentation prĂ©vue de la population active. «La richesse tant vantĂ©e des pays arabes provenant des hydrocarbures prĂ©sente une image trompeuse de leur situation Ă©conomique, qui masque les faiblesses structurelles de nombreuses Ă©conomies arabes et l’insĂ©curitĂ© des pays et des populations qui en rĂ©sulte», dit Walid Khadduri, consultant pour le Middle East Economic Survey et membre de l’équipe principale de rĂ©daction du Rapport arabe sur le dĂ©veloppement humain 2009.
Vingt pour cent (20 %) de la population de la rĂ©gion arabe vivent en deçà du seuil de pauvretĂ© reconnu sur le plan international de 2 dollars par jour. Toutefois, une proportion bien plus Ă©levĂ©e de la population des pays Ă©tudiĂ©s dans le rapport, vit en deçà du seuil de pauvretĂ© national et ne peut pas subvenir Ă  ses besoins essentiels. En fait deux Arabes sur cinq (2 sur 5) vivent dans la pauvretĂ©. Le nombre de personnes souffrant de malnutrition dans la rĂ©gion est passĂ© de 19,8 millions en 1990-1992 Ă  25,5 millions en 2002-2004. Fait plus grave, un manque gĂ©nĂ©ralisĂ© de sĂ©curitĂ© humaine s’oppose au dĂ©veloppement humain en ce que la sĂ©curitĂ© humaine ne constitue pas uniquement une question de survie, mais pour les populations Ă  risque Ă  retrouver le cap d’une existence plus stable, au moyen des structures politiques, Ă©conomiques, sociales et culturelles garantes d’un avenir meilleur.
Le Monde arabe compte trois cent vingt mille (320.000) millionnaires totalisant une fortune de 1,1 trillions de dollars (trois mille milliards de dollars), mais la recherche scientifique, pourtant un des leviers du décollage économique et stratégique arabe, demeure une activité marginalisée et apparaßt comme le véritable parent pauvre des sciences humaines.

Le Monde arabe compte huit mille chercheurs (contre 400.000 aux Etats-Unis), dont certains figurent parmi les brillants cerveaux de la planĂšte tel l’égypto amĂ©ricain Ahmad Zewail, Prix Nobel de Chimie 1999, professeur de physique et chimie Ă  l’UniversitĂ© Caltech (Etats-Unis) et premier arabe dĂ©tenteur de cette distinction. Il ne consacre pourtant que quatre dollars par habitant Ă  la recherche scientifique, Soit 300 fois moins que les Etats-Unis tandis que les budgets affectĂ©s Ă  la recherche ne reprĂ©sentent que 0,25% du PNB en moyenne dans les pays arabes, contre 3 Ă  3,5 pour cent dans les pays dĂ©veloppĂ©s. Au niveau universitaire, les quelque 200 universitĂ©s arabes consacrent prĂšs de 1% de leur budget annuel Ă  la recherche, alors qu’aux Etats-Unis cette part dĂ©passe souvent les 40 pour cent.

PrĂšs de cinquante ans aprĂšs avoir brandi l’arme du pĂ©trole, en octobre 1973, dans la foulĂ©e de la troisiĂšme guerre israĂ©lo-arabe, l’OPEP (organisation des pays exportateurs de pĂ©trole), particuliĂšrement le groupe arabe dont il Ă©tait le fer de lance dans le combat pour son indĂ©pendance Ă©nergĂ©tique et sa promotion politique, aura finalement ployĂ© devant l’OPEA (organisation des pays exportateurs d’armes), accentuant durablement la dĂ©pendance arabe. Ce rĂ©sultat a Ă©tĂ© avalisĂ© par la premiĂšre guerre du Golfe qui constitue la Â»premiĂšre alliance militaire objective entre IsraĂ«l, l’Egypte et les pĂ©tromonarchies arabes, mais Ă©galement la premiĂšre guerre Nord-sud par la rĂ©alisation de l’union sacrĂ©e des consommateurs de pĂ©trole contre l’un de leurs principaux fournisseurs du sud Â»(4). Un exploit financĂ© de surcroĂźt, faut-il le souligner, avec les deniers arabes.

Pour une rupture avec la logique de vassalité

Au delĂ  de cette chronique d’une dĂ©confiture annoncĂ©e, trois vĂ©ritĂ©s s’imposent :

1Ăšre vĂ©ritĂ©: Le monde arabe est redevable Ă  l’Iran d’une part de sa culture et l’Islam, d’une part, de son rayonnement qu’il s’agisse du philosophe Al FĂąrĂąbĂź, du compilateur des propos du prophĂšte Al Boukhary, du linguiste Sibawayh, du thĂ©oricien du sunnisme Al Ghazali, des historiens Tabari et Shahrastani, du mathĂ©maticien Al Khawarizmi (Logarithmes), et naturellement le conteur du cĂ©lĂšbre roman Kalila wa Doumna, Ibn al Moukaffah et Avicenne et l’expansion de l’Islam en Asie centrale aux confins de la Chine n’a pu se faire sans le passage par la plateforme iranienne.

2Ăšme vĂ©ritĂ©: Le monde arabe est redevable Ă  l’Iran d’un basculement stratĂ©gique qui a eu pour effet de neutraliser quelque peu les effets dĂ©sastreux de la dĂ©faite arabe de juin 1967, en substituant un rĂ©gime alliĂ© d’IsraĂ«l, la dynastie PahlĂ©vi, le meilleur alliĂ© musulman de l’Etat hĂ©breu, par un rĂ©gime islamique, qui a repris Ă  son compte la position initiale arabe scellĂ©e par le sommet arabe de Khartoum (AoĂ»t 1967) des «Trois NON» (non Ă  la reconnaissance, non Ă  la normalisation, non Ă  la nĂ©gociation) avec IsraĂ«l, offrant Ă  l’ensemble arabe une profondeur stratĂ©gique en le libĂ©rant de la tenaille israĂ©lo iranienne, qui l’enserrait dans une alliance de revers , compensant dans la foulĂ©e la mise Ă  l’écart de l’Egypte du champs de bataille du fait de son traitĂ© de paix avec IsraĂ«l. La RĂ©volution Islamique en Iran a Ă©tĂ© proclamĂ©e le 9 FĂ©vrier 1979, un mois avant le traitĂ© de Washington entre IsraĂ«l et l’Egypte, le 25 mars 1979.

En retour, les Arabes, dans une dĂ©marche d’une rare ingratitude, vont mener contre l’Iran, dĂ©jĂ  sous embargo, une guerre de dix ans, via l’Irak, Ă©liminant au passage le chef charismatique de la communautĂ© chiite libanaise, l’Imam Moussa Sadr (Libye 1978), combattant dans le mĂȘme temps l’Union soviĂ©tique en Afghanistan, le principal pourvoyeur d’armes des pays du champ de bataille contre IsraĂ«l.

3eme vĂ©ritĂ©: Le Monde arabe s’est lancĂ©, au-delĂ  de toute mesure, dans une politique d’équipements militaires, pendant un demi siĂšcle, payant rubis sur ongle de sommes colossales pour d’arsenal dĂ©suets, pour des livraisons subordonnĂ©es Ă  des conditions politiques et militaires draconiennes, alors que, parallĂšlement, les Etats-Unis dotaient, gracieusement, IsraĂ«l de son armement le plus sophistiquĂ©.

IsraĂ«l a bĂ©nĂ©ficiĂ©, Ă  ce titre, de cinquante et un (51) milliards de dollars de subventions militaires depuis 1949, la majeure partie depuis 1974, plus qu‘aucun autre pays de la pĂ©riode postĂ©rieure Ă  la II me Guerre mondiale, selon une Ă©tude du spĂ©cialiste des affaires militaires Gabriel Kolko, parue dans la revue «Counter punch» en date du 30 mars 2007 (5).

A cette somme, il convient d’ajouter 11,2 milliards de dollars de prĂȘts pour des Ă©quipements militaires ainsi que 31 milliards de dollars de subventions Ă©conomiques, sans compter la promesse de George BushJr, au terme de son mandat, de fournitures de l’ordre de trente milliards de dollars, dont des missiles Ă  guidage laser, des bombes Ă  fragmentation, des bombes Ă  implosion, un dĂŽme d’acier de protection anti balistique, en vue de prĂ©server la suprĂ©matie militaire israĂ©lienne au Moyen Orient

A deux reprises au cours du dernier quart de siĂšcle, les pays arabes ont participĂ© Ă  des guerres lointaines par complaisance Ă  l’égard de leur alliĂ© amĂ©ricain, parfois au dĂ©triment des intĂ©rĂȘts Ă  long terme du monde arabe, s’aliĂ©nant mĂȘme un alliĂ© naturel, l’Iran un voisin millĂ©naire, dans la plus longue guerre conventionnelle de l’époque contemporaine, sans pour autant bĂ©nĂ©ficier de la considĂ©ration de leur commanditaire amĂ©ricain.

A l’apogĂ©e de sa puissance, au plus fort de son alliance avec l’Iran, l’AmĂ©rique n’a jamais rĂ©ussi Ă  faire restituer Ă  leur propriĂ©taire arabe lĂ©gitime ces trois Ăźlots. En phase de puissance relative, saura-elle au moins protĂ©ger durablement ces relais rĂ©gionaux, au moment oĂč ses dĂ©boires en Irak et en Afghanistan la place sur la dĂ©fensive, alors que, parallĂšlement, l’Iran, fort de sa maĂźtrise de la technologie nuclĂ©aire et des succĂšs militaires des ses alliĂ©s rĂ©gionaux, le Hezbollah (Liban), Moqtada Sadr (Irak) et le Hamas (Palestine) se pose en parfait contre exemple de la servitude monarchique, avec un rayonnement se projetant bien au-delĂ  des zones Ă  fortes minoritĂ©s chiites arabes dans les rĂ©gions pĂ©trolifĂšres d’Arabie Saoudite, de BahreĂŻn, du KoweĂŻt, d’Irak, et dans la zone limitrophe d’IsraĂ«l dans le sud du Liban pour s’étendre Ă  l’ensemble de la sphĂšre arabo musulmane?

Plus prĂ©cisĂ©ment, l’AmĂ©rique, pourra-t-elle protĂ©ger ses relais des turbulences internes attisĂ©es par les frasques monarchiques rĂ©pĂ©titives, en parfait dĂ©calage avec les dures conditions de la rĂ©alitĂ© quotidienne de la multitude de leurs concitoyens et qui gangrĂšnent inexorablement les assises de leur pouvoir?.

Le Monde arabe a engagĂ© prĂšs de deux mille milliards de dollars au titre des dĂ©penses militaires depuis le dernier tiers du XX me siĂšcle, soit environ 50 milliards de dollars par an en moyenne, sans avoir pu se doter ni d’une capacitĂ© de projection de puissance, ni d’une capacitĂ© de dissuasion nuclĂ©aire, encore moins de la capacitĂ© spatiale du renseignement, autant d’attributs de la puissance moderne qui lui font cruellement dĂ©faut Ă  l’ùre de la sociĂ©tĂ© de l’information et de son application militaire, l’info guerre.

Une telle disparitĂ© de traitement entre IsraĂ©liens et Arabes au regard des AmĂ©ricains, l’un s’équipant Ă  l’Ɠil, alors que les autres sont contraints de payer cash, en dĂ©pit de la contribution financiĂšre et humaine des pays arabes aux Ă©quipĂ©es amĂ©ricaines tant en Afghanistan qu’au Nicaragua contre le bloc soviĂ©tique, de mĂȘme que leur comportement erratique Ă  l’égard de leurs alliĂ©s naturels (l’Union soviĂ©tique et l’Iran), expliquent le discrĂ©dit du monde arabe sur la scĂšne internationale et une part de son collapsus stratĂ©gique.

La rĂ©cente tournĂ©e de Hilary Clinton, secrĂ©taire d’état dans le Golfe, le 10 janvier 2011, pour mobiliser les pĂ©tromonarchies face Ă  l’Iran, Ă  la veille de la confĂ©rence d’Ankara entre l’Iran et les Occidentaux, parait avoir pĂąti des rĂ©vĂ©lations de WikiLeaks sur la duplicitĂ© et la connivence des riverains arabes du Golfe, Ă  l’égard de leur voisin iranien. Le Sultanat d’Oman, le plus pro occidental des Ă©tats de la rĂ©gion, qui abrite la base aĂ©ro navale britannique de Massirah, s’est refusĂ© Ă  se joindre Ă  de nouvelles sanctions. Oman envisage d’amĂ©nager un port stratĂ©gique Ă  AD DOKKOM, Ă  l’intersection du Golfe arabo-persique et de l’OcĂ©an indien, pour servir de dĂ©bouchĂ© au marchĂ© iranien et Ă  l’Asie centrale. Ce projet, d’une valeur de 26 milliards de dollars, serait prolongĂ© d’une voie ferrĂ©e menant au port de SAHHAR, au-delĂ , au port iranien de Bandar Abbas, le point de transit vers l’Iran et le Caucase.

Telle devrait ĂȘtre la leçon Ă  mĂ©diter, alors que les pĂ©tromonarchies s’engagent dans une aventure aux consĂ©quences incertaines, une nouvelle Ă©quipĂ©e pour les besoins stratĂ©giques de leur maĂźtre amĂ©ricain, pour le plus grand bĂ©nĂ©fice de son alliĂ© israĂ©lien.

Telle est la leçon Ă  mĂ©diter afin d’éviter que les factotums sunnites ne soient Ă  nouveau «les dindons de la farce», la risĂ©e universelle de la planĂšte, les grands perdants de l’histoire, entraĂźnant dans leur chute l’ensemble des pays arabes. L’éviction de Hosni Moubarak (Egypte), de Zinedine ben Ali (Tunisie) et le vent d’Est qui fait tanguer BahreĂŻn, la Libye, la Jordanie, le YĂ©men, l’AlgĂ©rie et le Maroc en constituent la sanction d’un sursaut salutaire.

Sauf Ă  entraĂźner le monde arabe dans un dĂ©clin irrĂ©mĂ©diable, une claire rupture avec la logique de la vassalitĂ© s’impose, alors que la scĂšne internationale s’achemine vers un choc entre le leader en devenir (la Chine) et la puissance dĂ©clinante (les Etats-Unis), impliquant une vaste redistribution des cartes gĂ©opolitiques Ă  l’échelle planĂ©taire.

Références

1- Pour la problĂ©matique du collapsus arabe, Cf. «Aux origines de la tragĂ©die arabe» par RenĂ© Naba – Editions Bachari Paris 2006 particuliĂšrement le prologue «Une dĂ©mocratie cathodique»

2- Marie Luce Dumas in « Moyen-Orient/Occident: Ordres et dĂ©sordres », Armement, courses et contrĂŽle- Les Cahiers de l’Orient N°29, premier trimestre 1993 et « Les cent portes du Proche-Orient »- Alain GRESH et Dominique Vidal- Les Ă©ditions de l’Atelier Octobre 1996.

3- DĂ©claration de MILWATT TALLAMI, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de la commission Ă©conomique et sociale de l’ONU pour l’Asie occidentale (ESCWA), in Le Monde 2 avril 2003. A cela il convient d’ajouter les pertes des financiĂšres arabes, en 1997-1998, de l’ordre de cent (100) milliards de dollars du fait de l’effondrement de l’économie russe et de la crise financiĂšre asiatique. Une perte de cinquante milliards de dollars a Ă©tĂ© enregistrĂ©e lors du Krach boursier d’octobre 1997 du fait de la dĂ©valorisation de leurs placements Ă  l’étranger, qui sont, eux, estimĂ©s entre 600-800 milliards de dollars, la moitiĂ© appartenant aux pĂ©tromonarchies du Golfe, la majeure partie concentrĂ©e dans les pays grands pays industrialisĂ©s (Etats-Unis, Grande-Bretagne, Allemagne, Suisse, France), dont 20 pour cent en bons du trĂ©sor. (Al-Charq Al-Awsat, 9 janvier 1999).

4- Jacques Attali, « VERBATIM » Tome 3 (1988-1991)- Fayard- octobre 1995

5- Gabriel Kolko, spĂ©cialiste de l’histoire militaire, est l’auteur de plusieurs ouvrages de rĂ©fĂ©rence
-«Anatomie d’une guerre, le Vietnam, les Etats-Unis et l’expĂ©rience historique moderne »
-«La grande histoire de la Guerre mondiale
-«Century of war: Politique, conflits et société depuis 1945 »

ReneNaba
RenĂ© Naba | Journaliste, Ecrivain, En partenariat avec https;//www.Madaniya.info Français d’origine libanaise, jouissant d’une double culture franco arabe, natif d’Afrique, juriste de formation et journaliste de profession ayant opĂ©rĂ© pendant 40 ans au Moyen Orient, en Afrique du Nord et en Europe, l’auteur dont l’expĂ©rience internationale s’articule sur trois continents (Afrique Europe Asie) a Ă©tĂ© la premiĂšre personne d’origine arabe Ă  exercer, bien avant la diversitĂ©, des responsabilitĂ©s journalistiques sur le Monde arabo-musulman au sein d’une grande entreprise de presse française de dimension mondiale.

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