“L’Iran a menti”, le nouveau one man show en anglais de Netanyahu à l’attention d’un audimat acquis, au premier rang duquel le président américain Donald Trump qui n’en doutons pas sera bon public. Contrairement à Saint Thomas, ce dernier est disposé à croire sans voir, quitte parfois à voir sans croire.

Mise en scène soignée, ton dramatique, suspens garanti, Netanyahu a entamé son intervention par ces mots : “Ce soir, nous allons vous montrer quelque chose que le monde n’a jamais vu.” Un effet d’annonce assuré et un nouveau round dans la bataille de la communication menée par Israël contre un accord qu’il n’a cessé de dénoncer à corps et à cris et à la signature duquel il s’était opposé en vain. Pour Netanyahu, il « offre une voie royale à l’Iran vers un arsenal atomique », et « n’aurait jamais dû exister.”. L’objectif est clair : Il s’agit de convaincre le président américain de casser l’accord et de s’assurer du soutien des Etats-Unis en cas de confrontation futur entre Israël et l’Iran. D’ailleurs, quelques instants après son discours, la Knesset a voté une loi simplifiant le processus de décision d’entrer en guerre sans devoir réunir l’ensemble du gouvernement. Désormais cette cette responsabilité revient au cabinet restreint de sécurité qui peut décider d’une opération militaire ou d’une guerre sans consulter le gouvernement. Un paragraphe autorise même le premier ministre et le ministre de la Défense, seuls, de décider d’une telle opération en cas de « conditions extrêmes ».  Dans la foulée, alors que les regards étaient rivés sur la prestation de Netanyahu, le Parlement israélien a adopté Mardi en première lecture le très controversé projet de Loi qui consacrerait le caractère juif de l’Etat dans les lois fondamentales du pays et définirait Israël comme « le foyer national du peuple juif ».

Il s’agirait de plus de 100 000 documents relatifs au projet “AMAD” et que se seraient procurés les services de renseignements Israéliens ;   certains constitueraient des preuves “nouvelles” et “inédites” que l’Iran poursuit un programme nucléaire clandestin et qu’il aurait menti en affirmant ne pas chercher à développer des armes nucléaires. Nous avons souvenir d’une époque où juste un document aurait suffi …

Des informations qualifiées de réelles et d’authentiques par le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo, un faucon fraichement débarqué de la CIA. Il faut dire que ces « révélations » confortent le président Trump dans son hostilité à cet accord et sa volonté maintes fois exprimée de s’en retirer. Autant dire que Netanyahu prêche un convaincu et que sa performance tombe à point nommé à moins de 10 jours de la fin de l’ultimatum posé par Trump aux Européens pour obtenir des concessions iraniennes, faute de quoi les Etats-Unis pourraient se retirer de l’accord sur le nucléaire iranien signée en Juillet (le JCPOA) à Vienne entre Téhéran et les « 5+1 ». Il semblerait du reste, qu’une décision en ce sens était déjà quasiment prise mais qu’il reste à définir les modalités de sortie. D’ailleurs, sa réaction ne s’est pas faite attendre ; dès lundi il estimait que « c’est un accord qui n’a pas été approuvé par beaucoup de monde et c’est un accord horrible pour les Etats-Unis … Cela montre que j’ai eu raison à 100% ». En effet, hormis Israël, l’Arabie Saoudite et quelques pays du Golfe cet accord n’aura obtenu que l’aval de l’ensemble de la communauté internationale, des 5 membres permanents du Conseil de sécurité ainsi que de l’Union européenne …

100 000 documents mais rien de nouveau sous le soleil, en tout cas aucun qui atteste que l’Iran aurait violé les termes du JCPOA. La majorité des informations révélées par Netanyahu étaient déjà connues et ont déterminé le régime d’inspection mis en place par l’accord sur le nucléaire. Pour les Européens, la masse d’informations recueillies par Israël ne justifie pas une remise en cause de l’accord ; bien au contraire elles sembleraient conforter son bien-fondé. Quand à l’AIEA, en charge de l’application et du respect de l’accord, elle a renvoyé aux conclusions contenues dans un de ses rapports de 2015 et selon lesquelles, contrairement à ce que dit M. Netanyahu, elle n’a “aucune indication crédible d’activités en Iran liées au développement d’un engin explosif nucléaire après 2009″. Du reste, des documents clés exposés par Netanyahu avaient déjà été soumis et étudiés par l’agence dès 2005 et qu’elle avait rendus publics en 2011. Son Directeur général, Yukiya Amano, avait par ailleurs déclaré en décembre 2015 que « l’Agence estime également que ces activités n’ont pas dépassé le stade des études scientifiques et de faisabilité et de l’acquisition de certaines compétences et capacités techniques pertinentes. L’Agence ne possède aucune indication crédible d’activités correspondant à la mise au point d’un engin explosif nucléaire en Iran après 2009.”

L’exposé théâtrale de Netanyahu intervient dans un contexte extrêmement tendu, Israël mettant la pression à l’Iran sur tous les fronts, multipliant les offensives aériennes contre les positions iraniennes en Syrie. Il a eu lieu au lendemain de frappes importantes probablement menées par Israël dans les régions d’Alep et d’Hama. Parmi les cibles, la Brigade 47, une base militaire dans la province d’Hama. L’explosion d’un entrepôt de missiles sol-air récemment livres par l’Iran y a été mesurée à 2,6 sur l’échelle de Richter.

Israël n’a toujours pas revendiqué la responsabilité de l’opération qui aurait faite au moins 26 morts, dont une majorité de conseillers militaires iraniens selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme. Il faut dire qu’Israël confirme ou dément rarement ses attaques du moins pas dans l’immédiat. Le timing est des plus opportuns au moment où l’Iran est soumis à d’intenses pressions et où Israël peut bénéficier du soutien plein et inconditionnel de son allié américain, un allié que Tel Aviv aimerait voir plus impliqué en Syrie, mais aussi de celui de nombreux pays arabes notamment du Golfe. Déterminé à imposer ses lignes rouges, Israël étend désormais ses opérations à l’ensemble du territoire syrien et non plus seulement au Sud afin d’empêcher toute implantation des forces iraniennes ou de leurs proxys en Syrie. Selon des officiels américains de haut rang cités par la chaine NBC News, les dernières frappes auraient été menées par des F-15 Israéliens contre une base syrienne abritant un stock de missiles anti-aériens iranien. Cependant selon Teshrin, organe de presse officiel du gouvernement syrien, qui cite des « sources sur le terrain », les frappes seraient le fait de 9 missiles balistiques lancés à partir de bases américano-britanniques dans le Nord de la Jordanie.

Quoiqu’il en soit, elles ont eu lieu quelques heures après la visite du Secrétaire d’Etat Mike Pompeo à Tel Aviv lors de laquelle il a conforté Netanyahu dans sa posture anti-iranienne. A l’issu de leur rencontre les deux hommes ont réaffirmé leur volonté commune d’endiguer le projet iranien de « domination régionale » ainsi que leur détermination à l’empêcher de se doter de l’arme nucléaire. Cette rencontre a été précédée d’une conversation téléphonique entre le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le Président américain Donald Trump. La Maison Blanche a déclaré que les deux dirigeants ont discuté des menaces et des défis auxquels le Moyen-Orient est confronté, « notamment les problèmes posés par les activités déstabilisatrices du régime iranien ».

Certes, si l’Iran est, sur de nombreux théâtres, un facteur d’instabilité au Moyen-Orient et s’il constitue une telle menace régionale, cela est due essentiellement aux choix stratégiques hasardeux et aux interventions désastreuses des Etats-Unis et de leurs alliés régionaux depuis 2003. On pourrait en dire tout autant d’Israël et de l’Arabie Saoudite qui n’ont fait qu’alimenter les conflits régionaux et contribuer à exacerber les tensions. Belliqueux, provocateur et agressif, l’Etat hébreux est l’une des sources principales de l’instabilité du Moyen Orient. Il y maintient un climat de guerre et de confrontation permanent, entretient les tensions et s’oppose à tout accord, bilatéral ou multilatéral, à même d’instaurer une détente ou des mesures en faveur de la paix, du moins à la mise en œuvre d’un dialogue ou d’un processus de paix. Imperméable à toute concession, il recourt en tout lieu et tout temps à la violence et à la force. Concédons aussi que l’Iran aurait mise en place un programme secret d’enrichissement de l’uranium dans le but inavoué de posséder l’arme nucléaire. N’est-ce pas aussi le cas d’Israël qui contrairement à l’Iran est déjà en possession de la bombe atomique depuis le milieu des années 60 ?

Officiellement son programme nucléaire était destiné à la recherche atomique bien qu’il se soit secrètement doté d’armes nucléaires. Israël n’a jamais confirmé ni démenti sa capacité à utiliser l’atome à des fins nucléaires s’en tenant à une doctrine d’ambiguïté délibérée qui constitue la règle israélienne en la matière. D’autant plus qu’il n’a presque jamais subi de pression ni même a été interrogé sur la question, encore moins soumis à des inspections internationales. Israël qui interpelle l’AIEA alors qu’il a toujours refusé catégoriquement que ses installations nucléaires militaires soient contrôlées par l’AIEA.

Israël possède des ogives nucléaires capables d’être transportées par les missiles balistiques Jéricho I, II et III, des sous-marins de classe Dolphin dotés missiles de croisières Popeye Turbo, ainsi que des avions F 15 et F 16.

Est-il aussi besoin de rappeler qu’Israël, contrairement à l’Iran, n’a jamais adhéré au « TNP », Traité de non-prolifération nucléaire, en dépit des demandes répétées de l’AIEA ?

Concernant le nucléaire, les armes de destructions massives, ainsi que sur toutes les questions relevant du droit international, Israël continue de bénéficier d’un blanc seing et d’une impunité absolus ainsi que d’un deux poids, deux mesures à toute épreuve.

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Camille Najm
Analyste, chercheur, consultant et journaliste politique basé entre Genève et Beyrouth. Auteur d’études, de rapports, d’articles de presse et pour revues spécialisées, d’éditoriaux, de chroniques. D.E.A en Science politique et relations internationales – Université de Genève. Domaines de spécialisation : Les rapports entre la culture, la religion, identité et la politique – Les minorités religieuses, culturelles, ethniques du monde arabe – Les relations islamo-chrétiennes – le christianisme dans le monde arabe – Laïcité, communautarisme et multiculturalisme – Le Vatican – Le système politique libanais, les institutions et la démocratie – De nombreuses problématiques liées au Moyen Orient (Liban, Syrie, conflit israélo-arabe).

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