Revue de presse du 10/06/25: la pression monte autour de la FINUL et du rôle israélien au Sud-Liban

68

Les quotidiens libanais du 10 juin 2025 convergent autour d’un même thème central : l’intensification des tensions politiques, militaires et diplomatiques liées au mandat de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL) et à l’implication croissante d’Israël dans le Sud du pays. Ce sujet, omniprésent en première page, témoigne d’un climat de crispation stratégique, sur fond de pressions internationales, d’initiatives diplomatiques occidentales et de fermeté affichée par la présidence libanaise.

Les enjeux du renouvellement du mandat de la FINUL

Selon Al Akhbar du 10 juin 2025, le dossier du renouvellement du mandat de la FINUL cristallise les tensions entre les partenaires internationaux du Liban. L’article évoque des pressions conjointes des États-Unis et d’Israël sur le gouvernement libanais pour modifier en profondeur les règles d’engagement de la FINUL, voire déléguer son rôle à l’armée libanaise. Al Akhbar décrit une volonté israélo-américaine de « vider la mission de son sens » en réduisant son autonomie opérationnelle, tout en maintenant le cadre d’une présence internationale pour légitimer leurs actions dans la zone. Le journal cite un diplomate occidental anonyme affirmant que « les pressions américaines s’accentueront jusqu’à la date butoir de renouvellement fin août ».

Publicité

Du côté de Al Joumhouriyat, on souligne également que ce renouvellement se fait dans un climat de « double feu croisé » entre, d’une part, les exigences de Tel Aviv pour obtenir une limitation drastique des zones d’opérations de la FINUL, et d’autre part, une frilosité croissante de certains contributeurs européens à continuer de financer la mission. Le journal évoque ainsi la possibilité d’un retrait de contingents si les conditions de sécurité ne sont pas garanties, notamment à la suite de plusieurs incidents récents entre les forces onusiennes et les habitants locaux.

Une posture de fermeté de la présidence libanaise

Face à cette pression croissante, Ad Diyar du 10 juin 2025 rapporte que le président de la République, Joseph Aoun, a posé ce qu’il nomme les « trois non négociables » : pas de réduction du mandat, pas de redéploiement imposé, et pas de désengagement politique ou militaire unilatéral. Ces propos, tenus avant son départ pour une visite d’État en Jordanie, ont été décrits par le journal comme un message clair à la communauté internationale. Le journal parle d’un « sursaut souverainiste » de la présidence, indiquant que « le Liban n’est pas prêt à accepter un diktat stratégique occidental sous prétexte de stabilisation ».

Le même journal met en lumière un « état de colère contenu » à Baabda après des déclarations israéliennes soutenues tacitement par Washington concernant la « nécessité de neutraliser les milices pro-iraniennes », une allusion directe au Hezbollah. Toujours selon Ad Diyar, Joseph Aoun aurait déclaré à ses proches que « le retrait de la FINUL sur injonction extérieure serait perçu comme un acte d’hostilité directe contre la souveraineté nationale ».

Un front diplomatique en mouvement

Les tractations diplomatiques se multiplient. Al Liwa’ du 10 juin 2025 fait état de l’arrivée imminente à Beyrouth de Jean-Yves Le Drian, envoyé spécial français, et de Thomas Barrack, émissaire américain pour le Moyen-Orient. Leur venue est perçue comme un ultime effort pour imposer un compromis avant le prochain Conseil de sécurité. Le journal souligne que si la France souhaite préserver l’engagement onusien dans le cadre d’une coopération renforcée avec l’armée libanaise, Washington privilégierait un redéploiement des troupes vers des bases moins exposées, voire un retrait progressif.

Annahar du même jour ajoute que les discussions autour de la FINUL s’inscrivent dans un contexte plus large de reconfiguration des équilibres militaires dans la région. Le journal cite des sources diplomatiques affirmant que « toute réduction du rôle de la FINUL pourrait ouvrir la voie à une escalade entre Israël et le Hezbollah, en l’absence de tampon neutre ». Le quotidien met en garde contre un scénario où « les tirs croisés diplomatiques se transformeraient en échanges de feu bien réels ».

Tensions sur le terrain et guerre des narratifs

Al Sharq et Al Bina’ insistent sur l’évolution du discours israélien, de plus en plus offensif, à l’encontre de la présence du Hezbollah dans le Sud-Liban. Al Bina’ cite un rapport du renseignement israélien fuité dans la presse de Tel Aviv, estimant que « la FINUL est devenue une couverture pour les mouvements tactiques du Hezbollah ». Le journal évoque même des préparatifs militaires israéliens pour renforcer les unités stationnées le long de la frontière, dans l’éventualité d’un affaiblissement du dispositif onusien.

En parallèle, Al Joumhouriyat évoque un incident survenu la veille à Zefta, où une voiture aurait été visée par une frappe israélienne présumée. L’événement, encore non confirmé par les autorités, aurait renforcé le sentiment de vulnérabilité dans la région. Le journal rapporte des propos du maire de la localité qui affirme que « la FINUL est notre seule barrière psychologique face à une guerre ouverte ».

Par ailleurs, la rhétorique du Hezbollah demeure prudente mais résolument critique. Al Akhbar rapporte que le mouvement chiite voit dans les manœuvres diplomatiques actuelles un prétexte pour « internationaliser la crise libanaise et contenir les forces de la résistance ». Le quotidien indique qu’un haut cadre du Hezbollah aurait confié que « toute tentative de neutralisation du Sud-Liban par des moyens internationaux sera perçue comme un acte d’agression ».

Une opinion publique mobilisée

La couverture de Al Sharq Al Awsat note que la population du Sud-Liban reste profondément divisée sur le rôle de la FINUL. Si certains habitants, notamment dans les zones rurales, la considèrent comme un facteur de stabilisation, d’autres la perçoivent comme une entité étrangère au service des puissances occidentales. Des manifestations sporadiques ont été signalées, souvent attisées par des groupes communautaires aux agendas divergents.

Dans ce climat, Al Akhbar signale que des campagnes médiatiques coordonnées ont été lancées sur les réseaux sociaux, certaines pro-FINUL, d’autres dénonçant son inefficacité. Le journal évoque un « affrontement informationnel » destiné à peser sur l’opinion publique libanaise et internationale à l’approche des débats au Conseil de sécurité.

Un test pour la souveraineté libanaise

Enfin, plusieurs quotidiens, à l’instar de Al Sharq et Al Joumhouriyat, voient dans ce débat sur la FINUL un révélateur plus large des lignes de fracture internes au Liban. La question dépasse en effet la simple présence militaire étrangère : elle renvoie au rôle de l’armée libanaise, à l’équilibre des forces politiques, à la souveraineté nationale et à l’avenir des relations avec les puissances occidentales. Comme le résume Al Sharq, « le Liban ne peut plus être une scène passive des affrontements internationaux. Ce dossier est un test grandeur nature de sa capacité à peser dans son propre destin ».

Politique locale : tensions partisanes et blocages institutionnels persistants

La presse libanaise du 10 juin 2025 dresse un tableau chargé et fragmenté de la scène politique locale, marqué par un durcissement des postures, l’enlisement de plusieurs dossiers internes, et des fractures croissantes au sein des principales formations politiques. Entre crispations liées au dossier de la FINUL, conflits de compétence au sommet de l’État, et dissensions partisanes, le pays reste englué dans une crise de gouvernance chronique.

Présidence et exécutif : coordination fragile et agendas divergents

Selon Ad Diyar du 10 juin 2025, la visite du président Joseph Aoun en Jordanie s’est déroulée dans un contexte de tension latente entre la présidence de la République et la primature dirigée par Nawaf Salam. Des sources politiques citées par le journal indiquent que si les deux têtes de l’exécutif affichent une entente de façade sur le dossier du renouvellement du mandat de la FINUL, des désaccords existent sur les contours des négociations à mener avec la France et les États-Unis. Le journal précise que Nawaf Salam souhaiterait maintenir une posture conciliante avec Paris, tandis que Joseph Aoun privilégierait une ligne de fermeté souverainiste.

Al Liwa’ rapporte quant à lui que le Conseil des ministres, convoqué la veille, n’a pas abouti à des décisions exécutives concrètes, les ministres proches du Courant patriotique libre (CPL) ayant quitté la séance pour protester contre le refus du gouvernement d’inscrire à l’ordre du jour la question de l’électricité et des nominations dans l’administration publique. Cette attitude a été critiquée par les blocs alliés au Premier ministre, notamment le Mouvement du Futur et les Forces libanaises, qui dénoncent un « sabotage institutionnel ».

Le rôle controversé du Hezbollah dans la gouvernance

Le journal Al Akhbar, traditionnellement proche du Hezbollah, consacre une large couverture aux tensions internes autour de la présence du parti dans le gouvernement et ses relations avec les autres acteurs politiques. Dans un article du 10 juin 2025, il est mentionné que le Hezbollah a réitéré son soutien au maintien d’un gouvernement de « partenariat national », rejetant toute idée de remaniement ou d’élections anticipées. Le journal relaie également une déclaration d’un cadre du parti, affirmant que « toute tentative de marginalisation du Hezbollah ou de réduction de son poids politique sera considérée comme une atteinte à l’équilibre national ».

Cette déclaration fait écho à un climat de défiance grandissant. Annahar rapporte que plusieurs députés des Forces libanaises et du Kataeb ont demandé l’ouverture d’un débat parlementaire sur le rôle des « partis armés » dans la paralysie de l’État. L’initiative, bien qu’encore embryonnaire, aurait reçu un soutien tacite de certains députés indépendants du mouvement « Souwar 17 Teshreen », qui voient dans cette démarche une opportunité de redéfinir les règles de participation démocratique.

Parlement en léthargie et initiatives avortées

D’après Al Joumhouriyat, la paralysie du Parlement se poursuit. Le président de la Chambre Nabih Berri, dans une brève déclaration, a renvoyé sine die la séance de discussion sur le budget amendé, en l’absence d’un quorum suffisant. Le journal souligne que plusieurs blocs parlementaires s’étaient accordés pour boycotter la session, dénonçant « l’absence de transparence dans la gestion des finances publiques » et le « refus du gouvernement de publier les états financiers consolidés ».

Cette impasse budgétaire intervient alors que le Liban attend toujours le décaissement de tranches du programme de soutien du FMI, conditionné par des réformes structurelles que l’exécutif peine à faire adopter. Al Sharq cite une source au sein du ministère des Finances indiquant que « sans lois fiscales nouvelles, il sera impossible de respecter les engagements de réduction du déficit ».

La scène partisane : conflits internes et recompositions

Sur le plan partisan, les journaux relèvent plusieurs signaux de crise interne. Al Bina’ évoque un schisme au sein du Courant patriotique libre, après que des députés de l’aile dite « souverainiste » ont contesté la ligne pro-Hezbollah d’une partie de la direction. Ces tensions auraient été exacerbées par des divergences sur le rôle du parti dans les négociations sur l’avenir de la FINUL. Un député cité anonymement affirme que « le CPL ne peut pas défendre à la fois la souveraineté nationale et des alliances militaires régionales ».

De son côté, Al Sharq Al Awsat met en lumière des discussions internes au sein du Parti socialiste progressiste de Taymour Joumblatt, qui cherche à redéfinir sa stratégie dans un paysage politique fragmenté. Le journal rapporte que Joumblatt fils envisage une ouverture vers certains groupes issus de la société civile, en rupture avec l’approche plus clanique adoptée historiquement par le parti.

Les groupes issus de la contestation : entre dispersion et émergence locale

Si la mobilisation populaire est largement retombée depuis les grandes manifestations de 2019, Annahar souligne que plusieurs collectifs issus du mouvement « 17 octobre » poursuivent un travail de terrain. Dans certaines municipalités, ces groupes réussissent à s’imposer comme des forces locales alternatives, notamment à Saïda et à Jbeil, où des candidats indépendants ont récemment remporté des élections locales partielles. Le journal évoque cependant un manque de coordination nationale, rendant toute action d’envergure encore difficile.

Administration et gouvernance : inertie et défaillances

La dégradation des services publics est également un thème transversal abordé par plusieurs journaux. Al Sharqrapporte que le secteur de l’électricité continue de fonctionner en mode intermittent, avec moins de quatre heures de courant par jour dans certaines régions, faute de financement pour l’importation de fioul. Le ministre de l’Énergie a été convoqué devant une commission parlementaire pour s’expliquer, mais n’a pas présenté de plan de secours, suscitant l’ire des élus.

Dans le même registre, Al Akhbar dénonce l’absence de nominations dans les postes-clés de l’administration, notamment à la Cour des comptes, à la Banque centrale (dont le gouverneur est toujours sans adjoint) et au Conseil de la magistrature. Cette vacance prolongée, selon le journal, affaiblit encore davantage la capacité de l’État à faire face aux urgences.

La population face à la crise politique

Enfin, plusieurs titres notent une lassitude généralisée de la population face à ce qu’Al Joumhouriyat appelle « la guerre de tranchées institutionnelle ». Le journal mentionne un sondage interne commandé par une ONG libanaise, selon lequel plus de 65 % des citoyens estiment que « la classe politique n’a plus la légitimité morale pour diriger le pays ». Dans ce contexte, la défiance envers les institutions atteint des niveaux record.

Citations et discours des personnalités politiques : souveraineté, institution et sécurité au cœur des prises de parole

La presse libanaise du 10 juin 2025 reflète une intensité inhabituelle dans les prises de parole publiques des principales figures politiques du pays. Dans un contexte de pressions internationales croissantes, de tensions autour du mandat de la FINUL, et d’un exécutif partagé entre plusieurs pôles d’influence, les discours se veulent tantôt affirmatifs, tantôt dénonciateurs, chacun mobilisant la rhétorique de la souveraineté nationale et du redressement institutionnel.

Joseph Aoun : « Trois non négociables » comme socle d’une posture présidentielle

Dans Ad Diyar, Joseph Aoun, président de la République, affirme depuis Amman une position de fermeté à l’égard des exigences internationales concernant la FINUL. Il déclare : « Pas de réduction de mandat, pas de désengagement militaire, pas de modification unilatérale sans concertation nationale. » Ces « trois non » constituent, selon le journal, une réponse directe aux velléités américaines de réduire le rôle opérationnel de la FINUL dans le Sud-Liban.

Le président, dans une déclaration recueillie par le même quotidien avant son départ, ajoute : « Il ne s’agit pas de refuser le dialogue, mais de rappeler que le Liban n’est pas un théâtre secondaire de stratégies étrangères. » Al Joumhouriyat précise qu’un proche du président a résumé sa posture comme « un équilibre entre fermeté stratégique et lucidité diplomatique ».

Nawaf Salam : des appels à la coopération internationale mesurée

Pour sa part, le Premier ministre Nawaf Salam a opté pour un ton plus modéré, bien qu’empreint de scepticisme sur certaines dynamiques en cours. Dans une intervention citée par Al Sharq, il reconnaît la nécessité de réformes et de transparence, tout en appelant à « ne pas jeter le Liban dans des bras idéologiques ni à l’Est ni à l’Ouest ». Il ajoute : « Le soutien international est une force si nous savons le canaliser, pas une menace si nous savons négocier. »

Dans une allocution devant un groupe d’ambassadeurs, rapportée par Al Liwa’, Nawaf Salam déclare : « Le Liban est encore capable de dialoguer avec ses partenaires internationaux sans céder sur ses fondamentaux. Il faut éviter les discours d’isolement. » Il se démarque ainsi subtilement de la posture plus frontale de la présidence, sans pour autant la contredire frontalement.

Naim Kassem et la rhétorique de la résistance

Dans un communiqué relayé par Al Akhbar, Naim Kassem, secrétaire général du Hezbollah, rappelle que « la résistance est un droit constitutionnel et historique ». À propos de la FINUL, il estime que « l’ONU ne peut être l’instrument d’un chantage américain ou israélien. Si leur présence sert à couvrir des opérations hostiles, nous reconsidérerons notre coopération. »

Kassem dénonce aussi ce qu’il qualifie de « duplicité occidentale », accusant certaines chancelleries de « négocier la paix d’un côté tout en armant Israël de l’autre ». Selon lui, « le Liban a déjà payé le prix du compromis déloyal, il ne le paiera plus. » Cette déclaration, largement reprise dans Al Bina’ et Annahar, ancre davantage la position du Hezbollah dans une lecture géopolitique régionale de la crise.

Nabih Berri : prudence calculée et défense du consensus

Le président de la Chambre, Nabih Berri, s’est exprimé brièvement dans une entrevue citée par Al Joumhouriyat, soulignant que « les tensions actuelles exigent plus que jamais le retour à la table du dialogue national ». Il n’a pas abordé frontalement le dossier de la FINUL, mais a averti : « Ceux qui veulent réformer en dehors du cadre du consensus risquent de précipiter l’effondrement. »

Un éditorial dans Al Sharq commente cette posture comme « un art maîtrisé de dire sans s’exposer ». Berri, en gardien du compromis tacite entre forces politiques, s’efforce de maintenir la façade institutionnelle sans se compromettre dans les divisions internes.

Samir Geagea : offensive contre les « partis armés »

Samir Geagea, chef des Forces libanaises, a tenu des propos virulents lors d’un entretien télévisé rapporté dans Al Sharq Al Awsat. Il affirme : « La souveraineté ne peut être discutée tant qu’une milice impose ses vues par la force. Le Hezbollah paralyse l’État, empêche les réformes, et insulte l’intelligence du peuple. »

Dans la même intervention, il propose un débat parlementaire national sur la place des armes hors de l’État et appelle à une motion de censure morale contre les partis armés. Ces déclarations ont été saluées par le Kataeb et certains députés indépendants. Le journal évoque également une campagne médiatique en préparation autour de ces propositions.

Walid Joumblatt et Taymour Joumblatt : entre continuité et renouveau

Taymour Joumblatt, dans une déclaration reproduite par Al Bina’, appelle à « dépasser les calculs partisans étroits pour retrouver une gouvernance orientée vers les besoins réels des citoyens ». Il insiste sur « la centralité de l’accord de Taëf comme cadre de stabilité » et met en garde contre « les projets de recentralisation autoritaire sous couvert de souveraineté ».

Quant à son père, Walid Joumblatt, désormais en retrait, il s’est contenté d’un commentaire laconique publié sur les réseaux sociaux, signalé par Annahar : « L’histoire enseigne que les extrêmes détruisent les ponts. Il est temps de reconstruire. »

Députés indépendants et société civile : critiques contre le statu quo

Dans une tribune relayée par Al Liwa’, le député Waddah Sadek, issu de la société civile, déclare : « Ce pays est otage de sa classe politique. Aucune solution ne viendra d’eux. Seul un sursaut populaire démocratique peut sauver ce qu’il reste à sauver. »

Il est rejoint par Cynthia Zarazir qui, dans une interview à Al Joumhouriyat, fustige le « théâtre de l’incompétence » qu’est devenu le Parlement. Elle appelle à la formation d’un « front civique unifié » pour les prochaines élections municipales, vues comme un levier de transformation institutionnelle.

Une parole politique fragmentée

À travers ces multiples prises de parole, la presse libanaise révèle une classe politique profondément divisée, chaque acteur mobilisant ses propres narratifs autour de concepts communs : souveraineté, réforme, sécurité. Mais derrière cette apparente unité sémantique se dessine un paysage éclaté, où chaque mot, chaque posture, trahit des intérêts divergents et des visions contradictoires de l’avenir du Liban.

Diplomatie : désaccords franco-américains et pressions croissantes sur le Liban

Le 10 juin 2025, la presse libanaise rend compte d’une activité diplomatique intense autour du Liban, principalement centrée sur le devenir du mandat de la FINUL, les enjeux sécuritaires dans le Sud, et la place du pays dans les équilibres régionaux. Le ballet des envoyés spéciaux occidentaux à Beyrouth, les commentaires officiels sur la coordination multilatérale, et les tensions entre approches française et américaine, dominent la scène diplomatique.

Une diplomatie occidentale en mouvement : Le Drian et Barrack attendus à Beyrouth

Selon Al Liwa’ et Ad Diyar, deux figures majeures sont attendues à Beyrouth cette semaine : Jean-Yves Le Drian, émissaire spécial du président français, et Thomas Barrack, conseiller diplomatique spécial du président américain Donald Trump pour les affaires moyen-orientales. Les deux visites, bien que séparées dans le temps, poursuivent un même objectif : réajuster les paramètres d’engagement international au Liban, en particulier autour du mandat de la FINUL.

Le Drian, selon les informations publiées dans Ad Diyar, arriverait avec un message de continuité et de coopération, insistant sur le maintien d’un engagement onusien actif, tout en renforçant les capacités de l’armée libanaise. En revanche, Barrack serait porteur d’un message plus dur. Al Sharq rapporte qu’il transmettra aux autorités libanaises une « ligne rouge américaine » concernant la nécessité de limiter l’espace d’action du Hezbollah au Sud-Liban, quitte à modifier la configuration de la FINUL.

Des désaccords apparents entre Paris et Washington

Ces deux visites s’inscrivent dans un contexte de divergence croissante entre la France et les États-Unis sur la stratégie à adopter. Al Akhbar souligne que « Paris souhaite encore sauver la logique du multilatéralisme, quand Washington privilégie un retour au bilatéralisme de la pression et des sanctions ». Le journal évoque des échanges tendus en amont au Conseil de sécurité entre les représentants des deux pays, notamment autour du libellé du projet de résolution sur le renouvellement du mandat onusien.

Al Joumhouriyat précise que la France pousse pour une mission renforcée de la FINUL, dotée de capacités techniques accrues et d’une meilleure coordination avec l’armée libanaise, sans remise en cause de son autonomie. Les États-Unis, au contraire, considèrent que la mission est coûteuse et inefficace, et qu’elle doit désormais se contenter d’un rôle d’observation, laissant à l’armée libanaise la charge principale de la sécurité frontalière.

Pressions et avertissements de Washington

Dans Al Bina’, une source diplomatique anonyme affirme que « l’administration Trump considère que le Liban a perdu le contrôle du Sud au profit d’un acteur armé, et qu’elle ne financera plus une opération internationale qui consacre ce déséquilibre ». Une déclaration d’un haut fonctionnaire américain, citée par Al Sharq Al Awsat, va dans le même sens : « Sans évolution tangible sur la question du désarmement du Hezbollah, notre soutien diplomatique et financier sera reconsidéré. »

Par ailleurs, Al Sharq mentionne une réunion tenue récemment à Tel Aviv entre responsables américains et israéliens, consacrée à la stratégie commune au Liban. Il y aurait été décidé d’augmenter la pression diplomatique sur Beyrouth via des relais européens et arabes, en coordination avec certains pays du Golfe.

La position de l’Union européenne et les nuances allemandes

D’après Annahar, l’Union européenne maintient officiellement une position de soutien au mandat actuel de la FINUL, mais certaines capitales commencent à exprimer des réserves. L’Allemagne, principal contributeur européen, aurait fait part de ses inquiétudes sur les risques encourus par ses troupes en cas d’escalade. Le journal cite un communiqué du ministère allemand des Affaires étrangères évoquant « une réévaluation en cours des conditions d’engagement sur le terrain ».

Al Akhbar rapporte de son côté que l’Espagne, l’Irlande et l’Italie sont en faveur d’un maintien du statu quo, à condition que la mission reçoive des garanties de sécurité supplémentaires et que l’ONU s’engage à mieux encadrer les interactions avec les populations locales.

L’ombre d’Israël dans la diplomatie régionale

L’influence d’Israël dans les discussions internationales sur la FINUL est largement commentée dans les pages de Al Joumhouriyat et Al Sharq Al Awsat. Ce dernier titre évoque des efforts israéliens coordonnés pour imposer une lecture « sécuritaire et préventive » du mandat onusien. Israël chercherait, selon ces journaux, à réduire la latitude opérationnelle de la FINUL afin de pouvoir intervenir plus librement contre ce qu’elle considère comme des « positions hostiles » du Hezbollah au Sud-Liban.

Une source citée dans Al Bina’ indique que Tel Aviv aurait présenté à Washington une série de scénarios incluant le redéploiement de la FINUL dans des zones tampons et l’imposition d’un périmètre de sécurité renforcé autour de certaines localités sensibles. Ces propositions n’ont pas été officiellement confirmées, mais elles nourrissent les inquiétudes libanaises quant à une instrumentalisation de la mission onusienne.

Rôle de l’ONU et réserves de son commandement

Dans Al Akhbar, le porte-parole de la FINUL, Andrea Tenenti, déclare que « la mission reste neutre, elle n’a jamais été un acteur de contrôle ou de coercition. Toute modification de son mandat relèverait exclusivement du Conseil de sécurité ». Il réfute également les rumeurs sur une réduction imminente des effectifs et souligne que « la coordination avec l’armée libanaise reste excellente ».

Cependant, Al Joumhouriyat rapporte que certains officiers supérieurs s’inquiètent en interne de « signaux contradictoires envoyés par les capitales occidentales ». Une note interne citée par le journal mentionnerait la nécessité pour les troupes sur le terrain de se préparer à « des missions de moindre intensité » en cas de redéfinition du mandat.

Les pays arabes et l’alignement prudent

La couverture d’Al Sharq et de Al Sharq Al Awsat indique que les pays arabes observent avec prudence les évolutions du dossier. L’Arabie saoudite soutiendrait discrètement la position américaine, selon laquelle le mandat de la FINUL devrait être conditionné à un engagement clair du Liban pour limiter le rôle du Hezbollah. D’autres capitales, comme l’Égypte et le Qatar, privilégieraient une approche plus pragmatique, misant sur la diplomatie de stabilisation.

Ad Diyar évoque aussi un possible rôle de médiation de la Jordanie, à l’occasion de la visite de Joseph Aoun. Le roi Abdallah aurait exprimé sa disponibilité à « soutenir toute initiative préservant l’unité libanaise et la stabilité régionale », sans pour autant s’aligner explicitement sur les options occidentales.

Politique internationale : Israël sous pression, Trump en action, l’Iran sous surveillance

La presse arabe du 10 juin 2025 met en lumière plusieurs dynamiques internationales majeures, au cœur desquelles figurent l’aggravation du conflit à Gaza, les tensions diplomatiques et militaires autour de l’Iran, et les réorientations de la politique étrangère américaine sous la présidence de Donald Trump. Loin d’être isolés, ces dossiers s’interconnectent dans un échiquier géopolitique tendu, où chaque initiative bilatérale ou offensive militaire produit des effets en cascade.

La guerre à Gaza : escalade militaire et raidissement international

Le dossier de Gaza domine les pages internationales de Ad DiyarAl Sharq Al AwsatAl Quds et Al Bina’. Selon Ad Diyar, l’armée israélienne aurait intensifié ses frappes aériennes sur plusieurs secteurs de la bande de Gaza, faisant 44 morts en 24 heures, dont une majorité de civils. Ces bombardements interviennent dans un contexte d’échec des négociations de cessez-le-feu, malgré les tentatives de médiation égyptienne et onusienne.

Al Quds rapporte que les tensions se sont accrues après l’arrestation par la marine israélienne des membres de l’équipage de la mission humanitaire internationale « Mavie Madeleine », qui transportait des médicaments et de la nourriture vers Gaza. Parmi les personnes arrêtées figurent des parlementaires européens et des militants d’ONG. Le journal qualifie l’opération de « piraterie d’État » et cite le ministère espagnol des Affaires étrangères dénonçant une « violation grave du droit maritime international ».

Dans le même registre, Al Sharq Al Awsat souligne que cette opération a relancé les critiques contre la politique de blocus imposée à Gaza depuis plus de quinze ans. L’ONG Médecins pour Gaza, citée par le quotidien, avertit que les stocks de médicaments sont à moins de 10 % de leur seuil opérationnel. Une réunion du Conseil de sécurité devait se tenir à New York dans la journée, à la demande de plusieurs pays non-alignés, pour examiner les violations israéliennes présumées.

Donald Trump relance la diplomatie coercitive

La reprise en main de la politique étrangère américaine par Donald Trump, réélu président depuis janvier 2025, se manifeste avec clarté dans plusieurs zones de crise. Selon Al Sharq, Trump a déclaré dans une conférence de presse que « la période des compromis unilatéraux est terminée. Nous voulons des partenaires, pas des bénéficiaires de notre patience stratégique ». Ce message visait autant l’Iran que certains alliés européens critiqués pour leur manque d’alignement avec les positions américaines.

Al Akhbar indique que Trump aurait validé un ensemble de directives secrètes pour intensifier la pression sur Téhéran, via des sanctions ciblées contre ses institutions bancaires et ses partenaires commerciaux en Asie. Il aurait également ordonné le renforcement de la présence navale américaine dans le golfe Persique.

Dans Al Liwa’, des sources diplomatiques citent un projet d’accord bilatéral proposé par Trump à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis visant à coordonner les politiques de défense antimissile face à une « menace croissante » iranienne. Le président américain souhaite, selon le journal, relancer une forme de « pacte stratégique de sécurité » inspiré de l’ancienne doctrine Nixon dans la région.

Le dossier nucléaire iranien : négociations fragiles et menaces croisées

La couverture du Al Sharq Al Awsat est particulièrement fournie sur ce sujet. L’Iran a annoncé qu’elle présenterait dans les jours à venir une contre-proposition sur l’accord nucléaire, via la médiation du sultanat d’Oman. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères iranien, Esmaïl Baghaei, affirme que « l’offre américaine manque de clarté et contient plusieurs ambiguïtés techniques inacceptables. »

En parallèle, Al Bina’ cite des sources militaires israéliennes affirmant que Tsahal a placé en état d’alerte plusieurs de ses unités d’artillerie stratégique, en prévision d’une possible « riposte iranienne à venir ». Le journal mentionne également la tenue, dans le sud du pays, d’une réunion de sécurité impliquant les chefs du Mossad, du Shabak, et de l’état-major de l’armée.

Dans Al Quds, des responsables iraniens auraient menacé de « revoir leurs engagements » vis-à-vis de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) si le dossier iranien était renvoyé au Conseil de sécurité. Rafael Grossi, directeur de l’AIEA, aurait pour sa part exigé « une clarification immédiate » des sites nucléaires non déclarés, estimant que « la patience internationale atteint ses limites ».

Chine et Russie en observation stratégique

Si le ton monte entre Washington et Téhéran, d’autres puissances suivent la situation avec attention. Selon Al Sharq, la Chine a réaffirmé sa volonté de préserver le cadre du JCPOA (accord de 2015) et appelle à une résolution diplomatique. Le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères aurait déclaré : « Une escalade militaire serait désastreuse pour la stabilité mondiale. La voie du dialogue reste ouverte, mais fragile. »

Du côté de Moscou, Al Bina’ rapporte que le président Vladimir Poutine a ordonné une mission d’observation conjointe entre le ministère de la Défense et le GRU (renseignement militaire) pour évaluer l’évolution des forces américaines au Moyen-Orient. Le Kremlin soupçonnerait Washington de vouloir implanter une nouvelle base opérationnelle en Irak, dans une logique de containment de l’Iran.

Redéploiement diplomatique régional

Enfin, la presse relève des signes de réajustement stratégique dans plusieurs pays arabes. Al Quds signale un rapprochement discret entre la Turquie et l’Arabie saoudite sur les questions de sécurité énergétique, et la possibilité d’un sommet trilatéral incluant également l’Égypte, prévu à Riyad en juillet. Les discussions porteraient sur une meilleure coordination face aux menaces transnationales et sur le partage d’informations de renseignement.

Ad Diyar souligne également que le Qatar aurait proposé d’accueillir une plateforme régionale de dialogue incluant l’Iran, l’Arabie saoudite, les Émirats et l’Irak. Ce projet, encore en phase exploratoire, serait appuyé par la Norvège et la Suisse comme garants neutres. Il viserait à « restaurer un canal diplomatique permanent sur les grands enjeux de stabilité régionale ».

Économie : alerte sur les équilibres financiers, restructuration bancaire en point de mire

Le 10 juin 2025, les journaux libanais insistent sur la fragilité persistante de l’économie nationale, prise entre des équilibres budgétaires précaires, une pression croissante du FMI, une restructuration bancaire retardée, et une chute continue du pouvoir d’achat. Les données économiques publiées récemment confirment une stagnation, voire un recul, de plusieurs indicateurs macroéconomiques, sur fond d’incertitude politique et d’absence de réformes.

Finances publiques : déficit chronique et menaces sur les aides

Selon Al Sharq, le ministère des Finances a discrètement admis que le déficit budgétaire du premier trimestre 2025 a dépassé les 11 %, un niveau supérieur aux prévisions du gouvernement. Ce chiffre, révélé dans un rapport interne relayé par le journal, met en péril les négociations en cours avec le Fonds monétaire international. Le FMI exigeait en effet une trajectoire de réduction du déficit à 7 % en 2025 pour débloquer une nouvelle tranche d’aides conditionnelles.

Al Joumhouriyat souligne que le ministère a invoqué une combinaison de facteurs défavorables : baisse des recettes fiscales (-17 % par rapport au premier trimestre 2024), augmentation des dépenses liées à l’énergie et au service de la dette, et retard des réformes fiscales prévues. Le journal rappelle que, sans adoption rapide d’une loi de modernisation de l’impôt sur le revenu et de lutte contre la fraude à la TVA, les partenaires internationaux pourraient suspendre toute forme d’assistance financière directe.

Banque centrale : vacance prolongée et inquiétudes sur la gouvernance

La vacance du poste de premier vice-gouverneur de la Banque du Liban continue de soulever des inquiétudes. Al Akhbar rapporte que, depuis le départ de Wassim Mansouri, aucune nomination officielle n’a été actée malgré les sollicitations répétées du gouverneur par intérim. Cette situation bloque plusieurs mécanismes internes de régulation et retarde la publication du plan de recapitalisation du secteur bancaire.

Ad Diyar mentionne une tension croissante entre la Banque du Liban et le ministère de l’Économie, notamment sur la question du contrôle des transferts en devises. Le gouverneur par intérim aurait déclaré en réunion fermée que « l’absence de couverture juridique à certaines décisions expose la Banque à des risques systémiques ». Le journal rapporte également une hausse de la pression politique sur l’institution monétaire pour libérer davantage de fonds en livres libanaises, malgré les risques inflationnistes.

Le secteur bancaire : restructuration en suspens

La réforme du secteur bancaire, longtemps considérée comme la clé de voûte du redressement économique, est en panne. Al Liwa’ consacre un dossier à ce sujet, indiquant que les banques refusent toujours de publier leurs bilans consolidés, condition préalable à toute opération de restructuration. Le journal cite un rapport de la Banque mondiale selon lequel « la viabilité à long terme du système bancaire libanais est compromise sans assainissement rapide de ses actifs et clarification de sa structure de capital ».

Annahar ajoute que les négociations entre le gouvernement et l’Association des Banques du Liban sont dans l’impasse. Le gouvernement souhaite imposer une décote partielle sur les dépôts supérieurs à 500 000 USD, une mesure rejetée catégoriquement par les établissements financiers. L’article précise que, selon des sources proches du dossier, plusieurs banques envisageraient de transférer une partie de leurs activités à l’étranger si cette proposition était maintenue.

Inflation et pouvoir d’achat en berne

Le quotidien Al Bina’ publie des chiffres alarmants sur l’évolution du coût de la vie. L’indice des prix à la consommation (IPC) aurait augmenté de 8,7 % en mai 2025, portant l’inflation cumulée sur les cinq premiers mois de l’année à 38,2 %. Les hausses concernent principalement les produits alimentaires, l’électricité et les transports. Cette inflation est alimentée par la dépréciation continue de la livre libanaise, qui se négociait le 9 juin à 121 000 LBP pour un dollar sur le marché parallèle.

Al Sharq Al Awsat rapporte les témoignages de plusieurs chefs de famille affirmant ne plus pouvoir subvenir à leurs besoins essentiels. Des ONG locales comme « Lebanon Needs » parlent d’une explosion de la demande d’aide alimentaire. Le journal cite également un rapport de l’ESCWA soulignant que plus de 78 % des Libanais vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté multidimensionnelle.

Activité économique générale : signes de ralentissement

Les indicateurs macroéconomiques montrent une stagnation. Al Akhbar mentionne une chute de 9 % du volume des transactions immobilières par rapport au premier trimestre 2024, et une baisse de 11 % des importations globales, notamment dans le secteur automobile. Le secteur touristique, pourtant porteur d’espoir, ne compense pas la faiblesse de la consommation intérieure et de l’investissement productif.

Al Joumhouriyat cite un rapport de la Chambre de commerce de Beyrouth affirmant que les PME, particulièrement dans les secteurs du commerce de détail et des services, continuent de licencier en masse. Le président de la chambre, Nicolas Chammas, y affirme : « La déflation sociale est plus rapide que la déflation économique. Le pays glisse vers un chômage endémique silencieux. »

Classements et notations : image ternie

Al Sharq rapporte que le Liban a été rétrogradé à la 177e place sur 183 dans le classement Doing Business 2025 publié par une université de Londres. Le rapport critique particulièrement la lenteur administrative, la corruption généralisée et l’opacité des procédures fiscales. Ce classement aggrave encore la perception du pays auprès des investisseurs étrangers, qui ont déjà largement déserté le marché libanais.

Dans Al Liwa’, un expert en notation financière estime que le Liban ne pourra retrouver l’accès aux marchés internationaux avant 2027 au plus tôt, même dans un scénario optimiste. Il pointe du doigt l’absence de plan crédible à moyen terme, tant en matière de gestion de la dette que de stimulation de la croissance.

Entreprises et initiatives privées

Dans ce contexte morose, quelques initiatives isolées émergent. Al Quds mentionne le lancement par la Banque de l’Industrie et du Commerce d’un fonds spécial destiné à soutenir les start-ups technologiques libanaises en diaspora. Le montant reste modeste (5 millions USD), mais l’initiative vise à recréer des ponts entre les talents expatriés et les incubateurs locaux.

De son côté, Al Bina’ évoque un projet de coopération économique entre la municipalité de Tripoli et une ONG allemande pour développer des circuits de production artisanale à destination de marchés européens. Ce projet, encore expérimental, pourrait générer 200 emplois dans une première phase.

Justice : condamnations alimentaires, procédures commerciales et soupçons de corruption persistante

Les journaux libanais du 10 juin 2025 consacrent une couverture marquée mais fragmentée aux affaires judiciaires en cours. Tandis que certaines décisions concernent directement des violations graves liées à la sécurité alimentaire et aux pratiques commerciales illégales, d’autres, plus symboliques, touchent à la lente érosion de la probité publique. Ces affaires révèlent un appareil judiciaire encore affaibli, souvent entravé par l’interférence politique, mais aussi par l’encombrement procédural.

Sécurité alimentaire : condamnations inédites à Zahlé et Baalbek

Al Akhbar rapporte que le tribunal pénal de Zahlé a prononcé, le 9 juin, des peines de prison ferme à l’encontre de deux propriétaires de dépôts alimentaires accusés d’avoir commercialisé de la viande avariée. Les juges ont retenu les chefs de mise en danger de la vie d’autrui et de fraude sur la qualité sanitaire. L’affaire, suivie depuis janvier, avait suscité un fort émoi dans la Békaa.

Selon Ad Diyar, des contrôles effectués conjointement par les services du ministère de la Santé et les douanes avaient permis de découvrir plus de six tonnes de produits impropres à la consommation stockés sans respect de la chaîne du froid. Les condamnés écopent de peines de 18 mois à trois ans de prison, assorties d’interdictions d’exercer.

Al Liwa’ signale une affaire similaire à Baalbek où un entrepôt clandestin a été démantelé. Plusieurs responsables locaux sont sous enquête pour complicité passive, notamment un agent municipal accusé d’avoir détourné les inspections sanitaires. Le juge d’instruction a lancé un mandat d’arrêt à l’encontre du propriétaire, toujours en fuite.

Affaires économiques et contentieux commerciaux

Sur le plan économique, Al Joumhouriyat revient sur un jugement rendu par la cour commerciale de Beyrouth dans une affaire opposant deux sociétés de distribution pharmaceutique. Le tribunal a reconnu l’existence d’une entente anticoncurrentielle visant à manipuler les prix des médicaments importés. Cette décision ouvre la voie à une amende record de 2,4 milliards de livres libanaises.

Al Sharq ajoute que le ministre de l’Économie a ordonné une enquête administrative sur les circuits de distribution concernés. Le journal évoque la possibilité que d’autres entreprises soient impliquées, notamment dans le secteur des produits parapharmaceutiques.

Par ailleurs, une affaire de faillite frauduleuse impliquant une grande enseigne de distribution électronique à Tripoli a été ouverte. Al Bina’ détaille que plusieurs anciens responsables sont accusés d’avoir organisé leur insolvabilité pour échapper à des créanciers. L’instruction porte aussi sur des transferts suspects vers des comptes à Chypre.

Corruption : lenteur des poursuites et soupçons politiques

Malgré des dénonciations médiatiques répétées, les poursuites dans les affaires de corruption politique avancent difficilement. Al Sharq Al Awsat mentionne l’affaire des adjudications publiques truquées à la Direction générale des routes, révélée en 2023. Aucun procès n’a encore débuté, bien que l’Inspection centrale ait documenté des irrégularités majeures dans huit contrats attribués à des sociétés proches de figures politiques.

Selon Al Akhbar, des pressions auraient été exercées sur certains magistrats pour ralentir l’instruction, notamment sur la juge Hala Saadé, chargée du dossier. Le journal mentionne un courrier anonyme transmis à l’ordre des avocats de Beyrouth, dénonçant « l’intimidation discrète d’agents judiciaires dans plusieurs affaires sensibles ».

Annahar cite quant à lui des ONG anticorruption (notamment Legal Agenda et Gherbal) qui réclament la création d’un parquet financier indépendant. Le directeur de Legal Agenda affirme : « L’État ne peut pas être à la fois juge et partie dans les affaires où des ministres ou députés sont impliqués. »

Affaires pénales : criminalité violente et dysfonctionnements sécuritaires

Al Quds relate un fait divers particulièrement violent survenu à Saïda, où un homme a abattu son frère à la suite d’un différend foncier. Le tribunal militaire de première instance a été saisi en raison de l’implication présumée d’un militaire dans la fourniture de l’arme utilisée. L’enquête préliminaire indique des manquements graves dans la surveillance des armes de dotation au sein des forces de sécurité.

Dans Al Liwa’, un autre cas à Tyr met en cause un officier de police soupçonné de falsification de rapports d’accidents de la route contre rémunération. Plusieurs conducteurs impliqués dans des affaires de délit de fuite ont vu leurs dossiers « révisés » après versement de pots-de-vin. Le parquet de Tyr a ouvert une enquête pour abus d’autorité.

Al Bina’ signale également la recrudescence des cambriolages dans la banlieue Sud de Beyrouth. Des bandes organisées profiteraient de l’absence de coordination entre les forces de sécurité intérieure et les municipalités. L’un des chefs de secteur de la police aurait évoqué un « sous-effectif chronique et une saturation opérationnelle » pour expliquer l’inaction de certains commissariats.

Justice militaire : procès sensibles en attente

Al Sharq consacre un article à la lenteur des procédures militaires concernant des soldats accusés d’usage excessif de la force lors des manifestations de novembre 2024. Plusieurs dossiers sont en instruction, mais aucune date de procès n’a été communiquée. Le journal évoque un climat de « solidarité tacite » entre institutions sécuritaires pour protéger leurs membres, en dépit des plaintes déposées.

Al Akhbar commente la situation en rappelant que le tribunal militaire demeure une institution contestée par plusieurs ONG, qui demandent sa suppression au profit de juridictions civiles spécialisées. Un représentant de Human Rights Watch déclare : « Il est temps d’en finir avec l’impunité institutionnelle. »

Appareil judiciaire : paralysie administrative et manque de moyens

Enfin, la plupart des journaux évoquent la crise de fonctionnement de la justice libanaise. Annahar signale que plus de 48 % des postes de magistrats sont vacants ou occupés à titre intérimaire, faute de nominations. La Cour de cassation fonctionne en mode dégradé, et plusieurs cours d’appel n’ont pas de présidents nommés depuis plus d’un an.

Al Joumhouriyat dénonce le gel de la réforme du système judiciaire, pourtant incluse dans les engagements pris devant le FMI. Le ministre de la Justice, dans une déclaration reprise par Al Sharq, reconnaît que « sans budget ni consensus politique, les marges de manœuvre sont nulles ».

Société : précarité enracinée, dépendances informelles et gestion communautaire des pénuries

Les journaux libanais du 10 juin 2025 dressent un portrait social d’une rare intensité, dominé par la chronicité de la pauvreté, l’affaissement des services publics essentiels et la montée d’une forme de gestion sociale informelle, structurée par les réseaux communautaires, religieux ou ONG. Ce quotidien de survie s’inscrit dans une logique de déliaison progressive entre l’État et les citoyens, au profit d’organisations non-étatiques devenues centrales dans l’accès aux droits les plus élémentaires.

Vie quotidienne : entre rationnement et improvisation

Al Akhbar décrit en détail la situation dans plusieurs quartiers de Beyrouth, où les coupures d’eau atteignent des durées record. Dans la banlieue de Choueifat, les habitants ne reçoivent plus que deux heures d’eau courante par semaine. Le journal rapporte que des comités de voisinage se sont organisés pour mutualiser l’achat de camions-citernes privés, à un coût mensuel dépassant parfois les 2 millions de livres libanaises par foyer.

La même logique prévaut dans l’accès à l’électricité. Al Liwa’ indique que dans le Metn, la fourniture ne dépasse pas trois heures quotidiennes, contraignant la majorité des ménages à recourir à des abonnements privés de générateurs, dont les prix ne cessent d’augmenter. Des témoignages collectés par Ad Diyar montrent que de nombreux foyers coupent l’alimentation la nuit pour préserver le carburant en journée.

Al Bina’ note que dans certaines zones rurales, des initiatives collectives émergent, comme l’auto-gestion de petits barrages ou de pompes solaires, souvent sans autorisation légale. Une enquête du journal montre que ces systèmes assurent de meilleurs services que les établissements publics, créant un paradoxe entre efficacité populaire et vide réglementaire.

Santé et éducation : recul du public, explosion des coûts privés

Annahar publie un reportage sur l’état du secteur hospitalier public. L’hôpital gouvernemental de Nabatieh, par exemple, fonctionne à 40 % de ses capacités, faute de matériel médical et de personnel stable. Le journal mentionne des cas de transferts forcés vers des hôpitaux privés aux frais des familles, en dépit de la couverture théorique par la sécurité sociale. Plusieurs patients auraient été refusés pour manque de garanties de paiement anticipé.

Dans Al Sharq, des parents témoignent des difficultés croissantes à assurer la scolarisation de leurs enfants. Les frais de scolarité dans le secteur privé ont augmenté de 35 % depuis septembre 2024, et l’enseignement public souffre de grèves intermittentes. Un directeur d’école à Zahlé affirme : « Nous n’avons plus de manuels, plus de crédits pour l’électricité, plus de professeurs permanents. » Le journal signale également l’essor d’écoles communautaires alternatives, souvent financées par des ONG religieuses ou étrangères.

Pauvreté multidimensionnelle et nouvelles solidarités

Un article de Al Sharq Al Awsat met en lumière les résultats d’une étude de l’UNICEF et de l’UNDP sur la pauvreté multidimensionnelle au Liban. Près de 81 % des ménages se disent incapables de subvenir à leurs besoins de base (nourriture, santé, logement) sans aides extérieures. Le rapport souligne que plus de 43 % des enfants interrogés ne consomment pas de protéines animales plus d’une fois par semaine.

Face à cela, Al Joumhouriyat signale le rôle accru des organisations caritatives dans la fourniture de biens essentiels. L’association Beit el Baraka, par exemple, soutient plus de 18 000 familles par mois, grâce à un réseau de dons structuré. Dans la banlieue sud de Beyrouth, l’organisation Jihad al Bina’, affiliée au Hezbollah, gère un réseau complet de distribution alimentaire, d’aides scolaires et de carburant subventionné. Cette structuration renforce l’ancrage territorial de certaines formations politico-religieuses.

Al Quds rapporte une initiative interconfessionnelle inédite à Tripoli, où des mosquées sunnites et des églises maronites ont ouvert des cantines solidaires communes, soutenues par des partenaires étrangers. Cette dynamique, encore minoritaire, suscite l’intérêt de certains acteurs institutionnels.

Emigration, exils et fractures générationnelles

Ad Diyar consacre un long article au phénomène de l’exil universitaire. De plus en plus d’étudiants choisissent de quitter le Liban après le bac pour éviter la précarité éducative. Les destinations les plus prisées sont Chypre, l’Italie et la Turquie. Le journal cite un enseignant affirmant que « la classe moyenne ne croit plus en l’ascension sociale locale ». Les universités libanaises privées, autrefois attractives, sont désertées faute de moyens.

Al Sharq évoque une fracture intergénérationnelle profonde. Les jeunes, confrontés à une triple crise économique, éducative et politique, expriment massivement leur désir de partir. Une enquête du CRDP (Centre de recherche pédagogique) révèle que plus de 65 % des jeunes de 16 à 24 ans « envisagent sérieusement l’émigration d’ici trois ans ».

Al Akhbar souligne l’impact psychologique de cette perspective sur les familles, notamment les grands-parents souvent chargés de la garde des enfants en l’absence des parents. Des psychologues cités évoquent une forme de « deuil social différé », où les liens familiaux s’érodent en silence.

Mobilisations locales et initiatives citoyennes

Malgré la fatigue sociale, Al Joumhouriyat observe l’émergence de mobilisations citoyennes à l’échelle locale. À Jbeil, par exemple, des comités de riverains ont bloqué un projet immobilier jugé illégal et destructeur pour le patrimoine archéologique. À Saïda, des activistes documentent les pollutions marines et portent plainte contre plusieurs sociétés portuaires.

Al Bina’ mentionne également un mouvement de protestation mené par des femmes à Hermel, exigeant l’ouverture d’un centre de soins obstétriques. Ces manifestations, bien que modestes, montrent une capacité d’auto-organisation encore vive, en l’absence de relais institutionnels efficaces.