Une association bien connue et implantée à Ashrafieh et proche de certains partis politiques a décidé de lancer “un réseau d’anges gardiens”, sous entendu une milice de quartier… avec le soutien de gendarmes ou encore de militaires et l’appui de la municipalité de Beyrouth elle-même.

Autant si l’action sociale de sa part et de ses bénévoles était admirable, cette nouvelle initiative pourrait paraitre être malheureuse et même dangereuse.

Comme si les exemples qui ont mené à la constitution de milices au Liban de manière similaire avec le soutien de certains gendarmes et militaires à l’époque suite à la menace palestinienne après l’échec de l’armée libanaise face au refus d’une classe politique à contrôler les camps en 1973 et ce qui a amené à la guerre civile de 1975 n’ont pas servi de leçon à ce pays et à sa population avec les 100 000 morts et les 17 000 personnes toujours disparues jusqu’à aujourd’hui lors de ce conflit fratricide.

Si la situation est similaire par rapport à 1975, elle n’est pas aujourd’hui identique parce qu’on n’a pas appris justement des expériences passées.

Au Liban, ces milices de quartiers malheureusement peuvent prendre une tournure communautaire, quartiers contre quartiers, comme en 1975 quand les milices de protection d’Ashrafieh ou de Bourj Hammoud tiraient sur toute personne qui traversait la Quarantaine, y compris les familles en provenance de Bourj Hammoud ou d’Ashrafieh qui forçaient le passage du camp de la Quarantaine.

La véritable solution passe par le renforcement des forces de sécurité et non leur destructuration au bénéfice de ces organisations dont on peut s’interroger sur l’aspect légal en plus. Ont-elles réellement autorité à arrêter des véritables délinquants par exemple ou cela constituerait-il un vice de procédure qui amènera à leurs libérations immédiates.

Le plus risible dans l’histoire en question est que la constitution de cette milice de quartier est saluée par des gens qui se prétendent contre les autres milices. Une de plus, walaw, rien de grave au lieu de soutenir les institutions sécuritaires et les renforcer, au prétexte que la délinquance augmente dans leurs quartiers respectifs. Comme s’il fallait être sélectif et avoir une consonance identitaire dans un pays où au contraire il faut absolument converger vers la notion d’état de droit et d’appartenance à un Liban.

Certes, il faut bien admettre que si la délinquance augmente en apparence, les appareils sécuritaires continuent, malgré la crise à fonctionner. Ainsi, les agresseurs d’une famille durant l’été, une affaire qui avait défrayé sur les réseaux sociaux, agresseurs qui avaient séquestré cette famille ont été arrêtés. Mais cette même presse au service de ces partis et de ces intérêts, s’ils ont bien parlé initialement de l’agression elle-même n’ont pas ou à peine évoqué leurs arrestations dans différents quartiers de la capitale.

Comme s’il fallait entretenir une atmosphère anxiogène même si la montée d’une certaine délinquance était prévisible face à la crise économique et ainsi éviter selon eux que les vrais mafias et les vrais responsables de la situation actuelle notamment dans le milieu bancaire soient montrés du doigt.

Ils doivent inventer des boucs émissaires face à la situation actuelle pour éviter eux-même de devoir faire face par la justice et par la sécurité à leurs responsabilités.

Oui, des gens ont faim. Mais il faut leur donner à manger justement comme était la mission première de cette association, mission aujourd’hui dénaturée, sans créer des ghettos et ne pas être sélectifs au final pour réduire cette délinquance et non la favoriser via des frontières artificielles à l’intérieur du pays en créant des milices.

De plus, il faut dire que ce genre d’expérience, même à l’étranger a mené à diverses controverses comme le fait d’avoir arrêté et agressé des personnes innocentes, comme le fait d’avoir manipulé déjà l’opinion publique et ainsi de suite à New York, les fameux Guardian Angels mis en place à la fin des années 1970 et bien connus dans les années 1980. À New York en plus, le véritable reflux de la violence n’a eu lieu qu’avec la montée en puissance des forces de l’ordre et non ces pseudos milices de quartier qui ont d’ailleurs eu à faire face à de nombreuses polémiques.

Au-delà de ces facteurs, la constitution de ces milices de quartier semble préfigurer une certaine volonté des personnes et des organisations politiques via parfois leurs médias qui les soutiennent à destructrurer l’état de droit via la décrédibilisation des forces de l’ordre ou encore de l’appareil judiciaire. C’est un élément grave qui pourrait aboutir à la ghettoïsation par quartier religieusement et ethniquement homogène et au delà à la partition du Liban, préfigurant simplement une guerre civile.

Il faut au contraire favoriser les institutions de l’état partout au Liban, dans tous les quartiers de la capitale, y compris dans les camps palestiniens et les autres zones de non-droit et non mettre en place des ghettos sécuritaires.

Il faut favoriser l’état de droit et non l’état ou chacun fait son droit et sa loi.

Un commentaire?