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Budget 2025 : bras de fer politique au Parlement

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Une tempête politique couve à Beyrouth. En ce 3 mars 2025, le Parlement libanais s’apprête à affronter un brasde fer autour du budget 2025, dont les grandes lignes émergent sous le gouvernement de Nawaf Salam,Premier ministre depuis le 8 février sous la présidence de Joseph Aoun. Dans un pays ravagé par une criseéconomique depuis 2019 – PIB réduit de 38 %, 80 % de la population sous le seuil de pauvreté – ce budget estune tentative cruciale de survie. Mais les enjeux d’endettement, de fiscalité et de réforme du secteur publicdivisent un Parlement fragmenté entre réformateurs et protectionnistes. Les citoyens, écrasés par l’inflation etl’effondrement des services, redoutent les conséquences. Un compromis peut-il émerger dans ce chaos ?

Les enjeux du budget : un pays au bord du gouffre

Le budget 2025 est une question de vie ou de mort pour le Liban. Premier enjeu, l’endettement. La dette publique atteint environ 105 milliards de dollars en 2024 – 150 % d’un PIB réduit à 22 milliards, selon la Banque mondiale – un fardeau en défaut depuis mars 2020. Les négociations avec le FMI, relancées en janvier 2025 après l’élection de Aoun, conditionnent une aide de 3 milliards de dollars à des réformes drastiques. Le gouvernement Salam projette un déficit de 8 % du PIB en 2025, contre 10,5 % en 2024, un effort de 2,5 milliards mêlant 1,8 milliard d’économies et 700 millions de recettes fiscales. « Sans ces mesures, le Liban disparaît », déclarait le ministre des Finances Yassine Jaber le 28 février, évoquant une dette paralysante.

Deuxième enjeu, la fiscalité. Les discussions explorent une taxe de 15 % sur les importations de luxe (voitures, bijoux) pour 300 millions de dollars, une TVA progressive de 11 % à 15 % sur les produits non essentiels (carburants, électroménagers) pour 250 millions, et une taxe bancaire relevée de 0,5 % à 1 % sur les dépôts supérieurs à 500 000 dollars (150 millions). Une amnistie fiscale à 10 % sur les capitaux offshore, potentiellement 200 millions, est en débat, mais critiquée comme une faveur aux élites. Ces propositions, encore au stade exploratoire, visent à équilibrer recettes et stabilité sociale dans un pays où le revenu médian est de 50 dollars mensuels.

Troisième enjeu, la réforme du secteur public. Avec environ 320 000 fonctionnaires – 14 % de la main-d’œuvre – et une masse salariale de 2,2 milliards de dollars (10 % du PIB), le gouvernement envisage une baisse de 20 % des salaires supérieurs à 1 500 dollars (400 millions d’économies) et la suppression de 5 000 postes vacants. Électricité du Liban (EDL), coûtant 1,5 milliard en subventions annuelles, fait l’objet de propositions : une hausse des tarifs de 2 à 10 cents/kWh et une éventuelle participation privée d’ici 2026, bien que la privatisation reste un sujet tabou, bloqué depuis la loi 462 de 2002 par des oppositions politiques. Ces réformes, exigées par le FMI, cherchent à financer les hôpitaux publics, dévastés par la guerre de 2024 (3 500 morts, 1,3 million de déplacés), mais risquent d’enflammer les tensions sociales.

Les points de blocage : réformateurs contre protectionnistes

Le Parlement, miné par le confessionnalisme et les rivalités, est un champ de bataille. Les réformateurs – coalition fragile autour de Salam, incluant des indépendants de 2019, les Forces libanaises (FL, 15 sièges) et des technocrates proches de Aoun – défendent un budget rigoureux. « Sans réformes, pas de salut », affirmait Georges Adwan (FL) le 27 février, soutenu par 45 députés. Ils comptent sur une aide saoudienne de 1 milliard, évoquée lors de la visite de Aoun à Riyad le 3 mars, et sur le FMI pour éviter la faillite.

Les protectionnistes – Hezbollah (15 sièges, affaibli), Courant patriotique libre (CPL, 17 sièges) de Gebran Bassil, et PSP de Walid Joumblatt (8 sièges) – rejettent cette « soumission au FMI ». Le Hezbollah s’oppose à toute participation privée à EDL, un levier d’influence, et aux coupes salariales, essentielles à son électorat. Le CPL défend les fonctionnaires chrétiens, tandis que Joumblatt craint une révolte druze. Avec 50 sièges, ce bloc bloque les débats initiaux, exigeant une taxe sur les superprofits bancaires (1 milliard potentiel) plutôt que la TVA. « Ce plan sacrifie les pauvres », dénonçait Hassan Fadlallah (Hezbollah) le 1er mars.

Les 33 indépendants et petites factions hésitent, rendant une majorité (65 sur 128) incertaine. Nabih Berri (Amal), président du Parlement, médiatise mais protège les intérêts chiites, retardant le processus. Salam n’exclut pas un décret exécutif, risqué dans un système confessionnel fragile.

Quel impact pour les citoyens ? : une descente aux enfers

Les Libanais, déjà à bout, redoutent ces mesures. Les services publics, en ruine, s’effritent : une hausse des tarifs d’EDL (si adoptée) alourdirait les factures de 50 à 100 dollars mensuels, alors que le salaire minimum est de 30 dollars. Les hôpitaux publics, à 40 % de capacité post-2024, pourraient recevoir 150 millions, mais les coupes salariales menacent grèves et fermetures. Les écoles publiques, où 60 % des élèves ont décroché, stagnent avec 200 millions, loin des besoins.

Les taxes écrasent un pouvoir d’achat anéanti. Une TVA à 15 % sur les carburants ajouterait 5 à 10 dollars hebdomadaires, tandis que la taxe bancaire toucherait les rares dépôts aisés. L’inflation, à 50 % en 2024 (après 221 % en 2023), pourrait ralentir à 30 % avec l’aide saoudienne, mais le panier alimentaire (200 dollars mensuels) reste hors de portée. Les tensions sociales montent : des heurts le 1er mars devant le Parlement (10 000 manifestants) et une grève prévue le 8 mars signalent une révolte imminente.

Peut-on s’attendre à un compromis ?

Au 3 mars, le budget 2025 n’est pas déposé, mais en préparation par le ministère des Finances sous Jaber, avec un vote espéré en mars. Salam propose des concessions : taxe bancaire à 0,75 %, salaires inférieurs à 1 000 dollars épargnés, et un gel de toute participation privée à EDL jusqu’à mi-2025. Ces ajustements visent une majorité fragile, mais CPL et Joumblatt exigent plus, et les indépendants tergiversent. Sans consensus, un décret exécutif est évoqué, au risque d’une crise constitutionnelle. L’aide saoudienne et le FMI exigent un budget adopté : sans cela, une faillite totale menace d’ici juin 2025. Le bras de fer persiste, au détriment d’un peuple exsangue.

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Newsdesk Libnanews
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