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Crise économique au Liban : le FMI accueille favorablement la demande d’un nouveau programme d’aide

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Un espoir de redressement pour l’économie libanaise

Le jeudi 13 mars 2025, le Fonds monétaire international (FMI) a salué une lueur d’espoir dans le ciel sombre du Liban : la demande officielle du nouveau gouvernement pour un programme d’assistance économique. Après plus de deux ans de vide présidentiel, l’élection en janvier 2025 d’un nouveau président, suivie de la formation d’un gouvernement dirigé par le Premier ministre Nawaf Salam, marque un tournant. Ce dernier, ancien juge à la Cour internationale de Justice, incarne un renouveau institutionnel dans un pays ravagé par la crise depuis 2019. Ernesto Ramirez Rigo, chef de la délégation du FMI au Liban, a qualifié cette démarche de « pas significatif » dans un communiqué officiel (FMI, 2025), ouvrant la porte à des financements cruciaux.

Ce revirement intervient après des années d’impasse, ponctuées d’échecs répétés dans les négociations avec le FMI. Un prêt de 3 milliards de dollars, négocié en avril 2022, était resté lettre morte faute de réformes (Reuters, 2022), victime d’un lobby bancaire puissant et d’une influence écrasante des banques sur les décideurs politiques. Dès 2020, le FMI avait proposé un plan de sauvetage de 10 milliards de dollars, conditionné à une restructuration bancaire et à des audits indépendants. Mais le lobby bancaire, incarné par l’Association des banques libanaises (ABL), a torpillé cette initiative : les grandes familles – Audi, SGBL, Blom – ont bloqué toute transparence sur leurs pertes, estimées à 70-100 milliards de dollars (FMI, 2022), craignant un haircut qui amputerait leurs fortunes, souvent exfiltrées offshore (40 milliards selon Global Financial Integrity, 2023). Leur influence sur les partis politiques, notamment le Courant du Futur et les Forces libanaises, a paralysé le Parlement : un projet de loi sur le contrôle des capitaux, essentiel au FMI, a été rejeté en 2021 sous pression des banquiers, protégeant leurs actifs au détriment des déposants.

L’accord de 2022 a suivi le même destin funeste. Malgré un engagement initial du gouvernement de Mikati, les réformes – unification du taux de change, audit de la BDL – ont été sabotées par des politiciens inféodés aux banques. Riad Salamé, gouverneur de la BDL jusqu’en 2023, a joué un rôle clé dans cet échec, refusant de lever le secret bancaire sur des transferts suspects, sous prétexte de « stabilité financière ». Le lobby bancaire a mobilisé des campagnes médiatiques et des pressions sur les députés, arguant que les réformes ruineraient l’économie, alors qu’elles menaçaient surtout leurs privilèges. Résultat : les négociations se sont enlisées, laissant le Liban sans aide alors que l’inflation explosait et que les réserves fondaient. Dès février 2025, des discussions préliminaires avec le ministre des Finances, fraîchement nommé, avaient ravivé l’intérêt du FMI. Mais ce passif d’échecs pèse lourd : sans rupture avec ces influences toxiques, l’espoir actuel risque de s’effilocher comme les promesses passées.

Le poids d’une crise économique sans précédent

Depuis octobre 2019, le Liban vit une descente aux enfers économique, qualifiée par la Banque mondiale de l’une des pires crises mondiales depuis 1850. La livre libanaise, autrefois ancrée à 1507 LBP pour 1 dollar, s’échange à 120 000 LBP sur le marché parallèle en mars 2025 (Banque du Liban, 2023), une dévaluation de 98 %. L’hyperinflation, culminant à 200 % en 2024 (UNDP, 2024), a pulvérisé le pouvoir d’achat : un sac de riz, à 1 500 LBP en 2019, coûte 300 000 LBP aujourd’hui (2,5 dollars au taux parallèle). Plus de 82 % des 6 millions de Libanais vivent sous le seuil de pauvreté, selon l’UNICEF, contre 28 % avant la crise.

Le secteur bancaire, jadis pilier régional, est en ruine. Les dépôts, estimés à 170 milliards de dollars en 2019, sont bloqués à 60 %, et les retraits limités à 100-200 dollars par mois (Association des banques libanaises, 2023). Le chômage explose : 40 % des moins de 35 ans sont sans emploi (Institut Issam Fares, 2024). Les infrastructures s’effritent : 22 heures de coupures d’électricité par jour (Électricité du Liban), routes défoncées, eau potable rare. « On ne vit plus, on survit », confie Leila, 45 ans, professeure à Beyrouth, dont le salaire mensuel de 50 dollars ne couvre pas une semaine de nourriture.

Une situation toujours critique selon le FMI

Dans son communiqué, Ernesto Ramirez Rigo note des progrès fragiles : une stabilisation relative du taux de change (oscillant entre 110 000 et 120 000 LBP depuis janvier 2025) et une inflation ralentie à 180 % en février (Banque du Liban, 2025). Ces avancées, dues à une politique monétaire plus stricte sous Wassim Mansouri, successeur de Riad Salamé à la BDL depuis 2023, restent des pansements sur une plaie béante. « Les fondations structurelles sont toujours brisées », insiste Rigo, appelant à une stratégie globale pour relancer l’économie, réduire le chômage et restaurer les services publics.

Le PIB, passé de 55 milliards de dollars en 2018 à 31 milliards en 2023 (Banque mondiale, 2024), stagne. La dette publique, à 100 milliards de dollars, est insoutenable sans restructuration. Les réserves en devises, tombées de 35 milliards à 8 milliards en cinq ans, risquent l’épuisement d’ici 2026 sans aide extérieure (Banque du Liban, 2023). Pour le FMI, la crise reste systémique, exigeant des réformes profondes au-delà des ajustements cosmétiques.

Le secteur bancaire en ruine

Le système bancaire, cœur du désastre, est un champ de ruines. Depuis 2019, les déposants comme Samir, 52 ans, commerçant à Tripoli, ne peuvent toucher leurs économies : « Mes 30 000 dollars sont prisonniers, et je vis avec 100 dollars par mois. » Les banques, en faillite virtuelle, ont perdu 70-100 milliards de dollars, selon le FMI. Les prêts, à 20 milliards par an avant la crise, sont tombés à 1 milliard en 2023 (Banque du Liban, 2023), asphyxiant les PME – 90 % du tissu économique (Chambre de commerce de Beyrouth).

Le FMI voit la restructuration bancaire comme une priorité absolue. Sans clarification du sort des dépôts – haircut ou recapitalisation – et sans confiance restaurée, l’économie reste paralysée. Un projet de 2020 proposait un haircut de 50 % sur les dépôts supérieurs à 500 000 dollars (ministère des Finances), mais l’opposition des élites l’a tué dans l’œuf. Albert Kostanian, dans son rapport de 2021 pour l’Issam Fares Institute, estimait que vendre des actifs publics (télécoms, ports) pour 10-15 milliards ne résoudrait rien sans un plan global.

Une économie fragilisée par les tensions régionales

Les tensions régionales aggravent le chaos. Le conflit Israël-Hezbollah, interrompu par un cessez-le-feu le 27 novembre 2024, a dévasté le Sud-Liban : 3 823 morts, 900 000 déplacés, et des villages comme Khiam rasés (France TV Info, 2025). Les routes, l’électricité (réduite à 1 heure par jour dans le Sud), et l’accès à l’eau sont en ruine. La reconstruction, estimée à 5 milliards de dollars par l’ONU, dépasse les capacités d’un pays déjà exsangue.

Les sanctions contre l’Iran, renforcées en 2024, coupent les flux financiers chiites – 1,5 milliard de dollars annuels avant la crise (Université Saint-Joseph) – et limitent les importations de carburant. Les investisseurs fuient : les IDE chutent de 10 milliards en 2018 à 1 milliard en 2023 (UNCTAD). « Le Liban est un volcan en éruption », résume un analyste de Bloomberg.

Quelles réformes pour débloquer l’aide du FMI ?

Le gouvernement de Nawaf Salam doit mettre en œuvre des réformes radicales pour convaincre le FMI, mais les obstacles – corruption, divisions, inertie – sont colossaux. Voici une analyse critique et détaillée des mesures nécessaires.

La restructuration du secteur bancaire est une urgence criante, mais elle ressemble à un nœud gordien. Clarifier le sort des dépôts bloqués exige une décision brutale : un haircut de 30 à 50 % sur les comptes supérieurs à 500 000 dollars pourrait effacer 20 milliards de dettes, mais il frapperait des épargnants honnêtes, épargnant les élites qui ont exfiltré 40 milliards offshore (Global Financial Integrity, 2023). La recapitalisation, nécessitant 20 milliards selon l’Association des banques libanaises (2022), dépend d’investisseurs étrangers qui ne viendront pas sans stabilité – un mirage dans un pays sans président pendant 27 mois. Renforcer la surveillance financière par une autorité indépendante est louable, mais qui la dirigera ? Les clans confessionnels, qui contrôlent les banques, saboteront tout audit sérieux, protégeant leurs intérêts au détriment des déposants.

La réforme budgétaire et fiscale est un autre chantier titanesque, entravé par des décennies de gabegie. Réduire le déficit public, qui atteignait 10 % du PIB en 2019 (ministère des Finances), implique de couper dans les salaires fantômes – 30 % des fonctionnaires fictifs selon des audits internes – et les subventions inutiles, comme le mazout à 1 milliard par an avant 2022. Mais ces coupes heurteront une population déjà à bout, risquant des émeutes. Lutter contre l’évasion fiscale en taxant les fortunes offshore (40 milliards estimés) est une idée séduisante, mais les élites, qui détiennent ces fonds, bloqueront toute amnistie contrôlée. Introduire un cadre fiscal transparent, avec des budgets publics en ligne, est techniquement faisable, mais la corruption – 40 % des fonds détournés (Transparency International, 2023) – rendra l’exercice futile sans une révolution politique.

La stabilisation monétaire et l’inflation exigent une refonte totale d’une Banque du Liban discréditée par 30 ans de gestion opaque sous Riad Salamé. Adopter une politique monétaire claire, en unifiant les 10 taux de change actuels (de 1 500 à 120 000 LBP) en un taux flottant, est essentiel pour stopper la spirale inflationniste. Mais cela nécessite des réserves que la BDL n’a plus – 8 milliards en 2024 contre 35 en 2019 (Banque du Liban, 2023). Restaurer la confiance implique de cesser la planche à billets, qui a injecté 60 trillions de LBP depuis 2019, mais sans dollars frais du FMI, cette promesse est creuse. Les technocrates de Salam devront jongler avec une populace méfiante et des politiciens rétifs.

L’amélioration des services publics et des infrastructures est un vœu pieux dans un pays en lambeaux. Investir dans l’électricité via la privatisation d’EDL ou des partenariats étrangers pourrait ramener 24 heures de courant contre 2 aujourd’hui, mais les 2 milliards nécessaires dépassent les capacités actuelles – les 11 milliards de CEDRE 2018 restent inutilisés faute de réformes. Reconstruire le Sud, dévasté par le conflit Hezbollah-Israël, demande 2 milliards supplémentaires, selon l’UE, mais les contrats risquent d’être siphonnés par les mêmes élites qui bloquent le progrès depuis des décennies. Sans supervision internationale stricte, ces fonds s’évaporeront comme l’aide post-explosion de 2020.

Quels scénarios pour le Liban ?

Scénario 1 : Un accord rapide et un début de relance
Si Salam applique ces réformes d’ici décembre 2025, un prêt de 4 milliards pourrait être signé, dopant les réserves à 12 milliards (Banque du Liban, 2025). Les investisseurs, rassurés, injecteraient 2 milliards d’IDE en 2026, relançant les PME et réduisant le chômage à 30 %. Les services publics – santé, éducation – reprendraient vie avec des fonds ciblés.

Scénario 2 : Un blocage politique et une aggravation de la crise
Si les factions – Hezbollah, Amal, Forces libanaises – sabotent les réformes, le FMI refusera l’aide. La livre pourrait tomber à 200 000 LBP, l’inflation bondir à 500 %, et les services publics s’effondrer totalement d’ici 2026 (Banque mondiale, 2024). Les manifestations, comme celles de janvier 2025 à Beyrouth, deviendraient insurrectionnelles.

Scénario 3 : Un soutien partiel avec des conditions strictes
Le FMI pourrait accorder 1 milliard sous conditions progressives, évitant l’épuisement des liquidités en 2026 sans régler les maux profonds. Les banques resteraient paralysées, l’inflation à 250 %, et les Libanais dans une survie précaire.

Un tournant décisif pour l’avenir du Liban

Le Liban est à la croisée des chemins. L’arrivée de Nawaf Salam et l’ouverture du FMI offrent une chance ténue après cinq ans de calvaire. Mais le succès repose sur des réformes radicales, défiant des élites corrompues (Transparency International, 2023). La communauté internationale, prête à injecter des milliards, exige des actes : audits, transparence, sacrifices. Pour des citoyens comme Leila ou Samir, chaque jour sans changement est une condamnation. Le temps presse : 2025 sera l’année du sursaut ou de la chute finale.

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