Ce week-end, on a eu droit à un nouvel épisode du feuilleton Proche-Orient : la guerre éternelle, avec un twist qui ne surprend même plus les abonnés les plus blasés. Samedi, trois roquettes Katioucha ont décollé de Nabatiyeh, au sud du Liban, direction Metula, bled israélien où les habitants doivent vérifier chaque matin si leur maison tient encore debout. À peine le temps de dire « ça recommence », Israël a sorti l’artillerie lourde – littéralement – pour une riposte qui, comme d’habitude, coche toutes les cases : disproportionnée, spectaculaire, et avec un mépris total pour le concept de « mesure ». Bilan ? Plusieurs morts, des dizaines de blessés, surtout des civils, et une peur bien palpable que la guerre, cette vieille copine qu’on croyait en pause, ne revienne squatter le canapé.
Comme à chaque fois qu’un pétard éclate dans le coin, Israël a pointé du doigt le Hezbollah, parce que c’est plus facile d’accuser le voisin qu’on déteste que de chercher les vrais coupables. Sauf que, ô surprise, le Hezbollah n’aurait rien à voir là-dedans. Les regards se tournent maintenant vers des groupes palestiniens, planqués dans cette région poreuse, qui auraient décidé de jouer les artificiers pour protester contre la reprise des combats à Gaza. Parce que oui, à Gaza, on remet ça, comme si quelqu’un avait appuyé sur « rejouer » dans cette tragédie sans fin. Trois roquettes pour dire « on est là », et voilà le Liban qui trinque, avec des civils qui n’avaient rien demandé pris dans le viseur d’une vengeance qui ne les concerne même pas. Bravo, messieurs, joli message. On applaudirait presque la créativité, si elle ne laissait pas des corps dans son sillage.
Mais pendant que le sud du Liban s’embrase et que Gaza fait des étincelles, une autre nouvelle a tenté de voler la vedette, avec beaucoup moins de panache mais tout autant de ridicule : la naissance d’un groupe politique d’extrême droite chrétienne, un trio improbable qui semble tout droit sorti d’un sketch raté. On a d’abord le « clown de Twitter », un type qui tweete plus vite que son ombre des trucs qu’un collégien en crise trouverait gênants – et encore, lui, au moins, il existe, même si c’est pour amuser la galerie. Ensuite, le « raté familial », tellement ostracisé par les siens qu’on se demande s’il n’a pas fondé ce groupe juste pour avoir une excuse pour sortir de chez lui ; un néant humain si insignifiant que même sa propre ombre le snobe. Et enfin, l’ »hystérique », une femme qui vit dans un monde parallèle où ses délires deviennent des prophéties – un peu comme si elle avait mélangé la Bible, un discours de Trump et une vieille VHS de Mad Max – mais qui, comparée aux deux autres, finit par ressembler à une vague lueur dans leur océan de vide. Ensemble, ils se proclament « proches de la droite européenne » et de Donald Trump. Oui, Trump, le gars qui pense que le Moyen-Orient est un terrain de golf à redessiner avec des bombes et des casinos.
On pourrait rire, mais ces guignols ne sont pas juste une blague de mauvais goût – enfin, surtout le clown, parce que les deux autres sont si insignifiants qu’on les oublierait dans un placard. Ils prétendent incarner la droite, sauf qu’ils n’ont pas lu le manuel. La droite, la vraie, celle qui parle de stabilité, d’ordre, d’économie ? Ils ne savent même pas où elle habite. Non, eux, ils sont dans l’extrême droite pure souche, celle qui pue la xénophobie et les rêves de pureté ethnique. L’hystérique, d’ailleurs, s’est illustrée pendant le dernier conflit en flirtant ouvertement avec l’idée d’un nettoyage ethnique – rien que ça. On est loin, très loin, des valeurs chrétiennes qu’ils prétendent défendre, et encore plus loin de cette idée du Liban comme « pays-message », cette vision de Jean-Paul II d’un lieu où les communautés cohabitent, fragilement mais avec une certaine grâce. Eux, ils préfèrent un Liban bunker, un Liban mirador, un Liban qui nie sa propre essence pour flatter leurs ego surdimensionnés – ou du moins celui du clown, les autres n’ayant même pas assez de consistance pour avoir un ego.
Et pourtant, cette mascarade n’est pas si surprenante. On est au début d’un mandat présidentiel quelque part – peu importe où, ça marche partout – et comme toujours, des opportunistes sortent du bois pour se coller au pouvoir, ou à ce qu’ils croient être le pouvoir. « Proches de Trump », « proches de la droite européenne » : ils alignent les références comme des gamins qui collectionnent les autocollants Panini, espérant qu’un grand ponte leur tapote la tête. Sauf que leur ambition est aussi bancale que leur idéologie. Le clown tweete, l’hystérique délire, et le raté suit comme un chiot perdu, mais ils finiront comme tous les parasites de ce genre : oubliés, moqués, et encore plus bas qu’avant – surtout les deux derniers, qui étaient déjà au fond du trou avant de commencer.
Revenons aux roquettes, parce que c’est là que le sarcasme atteint des sommets olympiques. Trois Katioucha, des engins qui tiennent plus du bricolage que de l’armement sophistiqué, et Israël répond par un déluge de feu qui ferait passer un film de Michael Bay pour un documentaire naturaliste. On imagine Bibi Netanyahu, thé glacé à la main, lançant un « bon, on rase quoi aujourd’hui ? » pendant que Tsahal fait pleuvoir les obus sur des villages libanais qui n’ont rien vu venir. La « riposte », comme ils disent, a tué, blessé, détruit, et laissé derrière elle ce parfum douceâtre de guerre qui revient toujours, comme une vieille chanson qu’on ne peut pas désactiver. Trois roquettes contre des dizaines de frappes : si c’est ça la justice, alors moi, je suis astrophysicien.
Et qui a tiré, au fait ? Pas le Hezbollah, on l’a dit, mais des groupes palestiniens. Lesquels ? Bonne question. Dans le sud du Liban, entre les camps de réfugiés et les milices improvisées, c’est un peu comme un buffet à volonté : tout le monde peut prendre une roquette et tenter sa chance. Le Hamas ? Le Jihad islamique ? Une bande de types qui ont trouvé un lanceur dans une grange ? Peu importe, au fond. Leur but, c’était de crier « Gaza existe encore », et ils ont réussi, mais à quel prix ? Les civils libanais, ceux qui essaient juste de survivre entre deux coupures de courant, ont pris la facture en pleine face. Pendant ce temps, à Gaza, les combats reprennent, les immeubles s’effondrent, et le monde regarde ailleurs, ou presque.
La communauté internationale, fidèle à elle-même, a sorti son playbook habituel : des déclarations molles comme du chewing-gum mâché. On « condamne », on « regrette », on « appelle à la retenue » – un mot qui doit faire hurler de rire les généraux israéliens et les chefs de milices. La FINUL, cette force de l’ONU censée calmer le jeu au Liban, a pondu un communiqué pour dire qu’elle était « préoccupée ». Préoccupée ? C’est comme dire qu’on est « un peu embêté » par une apocalypse zombie. Pendant que les diplomates ajustent leurs lunettes et leurs formules, les gens de Metula planquent leurs gamins et ceux de Nabatiyeh ramassent les débris. Combien de morts avant qu’un grand chef dise autre chose que « c’est triste mais bon » ? Ne pariez pas là-dessus, vous perdriez.
Et puis, il y a nos trois croisés en herbe, qui ajoutent une touche de grotesque à ce drame. Leur « déclaration de naissance », c’est un chef-d’œuvre de comédie involontaire, un mélange de fanfaronnade et de pathétique qui mériterait un Oscar du second degré – surtout grâce au clown, parce que le raté et l’hystérique sont trop insignifiants pour porter même ça. Le clown tweete ses croisades numériques, le raté suit comme un fantôme qu’on oublie dès qu’il entre dans une pièce, et l’hystérique voit des signes divins dans ses propres délires, mais au moins elle a une voix, aussi perchée soit-elle. Ils se rêvent en sauveurs d’un Liban qu’ils ne comprennent pas, un Liban qu’ils veulent purger au lieu de protéger. Leur « proximité » avec Trump et la droite européenne, c’est du vent, une posture pour donner une stature qu’ils n’auront jamais – enfin, surtout le clown, les deux autres étant des ombres qui s’effacent déjà.
Ce qui lie ces deux histoires – les roquettes et les fanatiques – c’est le chaos, ce moteur increvable du Proche-Orient. D’un côté, des groupes armés qui jouent avec des allumettes près d’un baril de poudre ; de l’autre, des opportunistes qui surfent sur la vague pour exister un peu, ou du moins un qui essaie pendant que les autres traînent comme des poids morts. Au milieu, des civils qui paient, des espoirs qui s’effacent, et une guerre qui guette, tapie comme un chat prêt à bondir. Israël frappe, les Palestiniens provoquent, les extrémistes rêvent – enfin, surtout le clown, parce que le raté et l’hystérique sont trop insignifiants pour rêver à quoi que ce soit de cohérent – et le Liban, ce « pays-message » dont parlait Jean-Paul II, se retrouve encore à jouer le punching-ball d’une région qui a oublié ce que « paix » veut dire.
Alors, où va-t-on ? Nulle part de rose, si ce week-end est un indice. Les roquettes voleront encore, les ripostes pleuvront, et nos trois clowns finiront par se faire larguer par leur propre fanbase – surtout le raté et l’hystérique, qui n’ont même pas assez de substance pour qu’on se souvienne d’eux. Pendant ce temps, les habitants de Nabatiyeh, de Metula, de Gaza, regarderont le ciel, priant pour que la prochaine explosion ne soit pas pour eux. On pourrait en rire, vraiment, si ce n’était pas aussi désespérant. Bienvenue au Proche-Orient, où le sarcasme est la seule chose qui ne coûte rien – et encore, c’est pas sûr.