Le président de la République libanaise, le général Joseph Aoun, a quitté Riyad ce mardi 4 mars 2025 à 7 heures du matin, heure de Beyrouth, pour se rendre au Caire. Accompagné du ministre des Affaires étrangères et des Expatriés, Youssef Ragi, il participera à un sommet arabe extraordinaire consacré à la question palestinienne. Cette étape marque la fin d’une visite officielle en Arabie saoudite, la première depuis son élection, qui ouvre une nouvelle page dans les relations entre Beyrouth et Riyad. Les discussions de la veille avec le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane, ont jeté les bases d’un renouveau diplomatique et économique, tandis que le Liban cherche à restaurer sa place dans le giron arabe et à regagner la confiance internationale.
Une étape cruciale pour sortir de l’isolement
Dès son arrivée à Riyad, le président Aoun a été accueilli avec une chaleur protocolaire significative au palais Al-Yamamah. Les hymnes nationaux libanais et saoudien ont résonné, suivis d’une revue d’honneur par une garde royale, signe de l’importance accordée à cette visite. La rencontre avec Mohammed ben Salmane, qui s’est prolongée tard dans la soirée, a été marquée par une volonté commune de tourner la page des tensions passées. Depuis 2016, les relations entre les deux pays ont traversé une période de froid, notamment après des décisions politiques libanaises perçues comme une alignment excessif sur des axes régionaux contraires aux intérêts saoudiens. Aujourd’hui, ce sommet bilatéral témoigne d’un désir mutuel de réconciliation.
Les discussions, qui ont réuni des délégations des deux côtés, ont couvert un large éventail de sujets. Du côté saoudien, des figures de haut rang comme le ministre de la Défense, le prince Khaled ben Salmane, et le ministre des Affaires étrangères, le prince Fayçal ben Farhan, ont pris part aux échanges. Côté libanais, outre le ministre Ragi, des conseillers clés comme Najat Charafeddine, porte-parole de la présidence, étaient présents. Après une séance élargie, une réunion en tête-à-tête de 45 minutes entre Aoun et ben Salmane a permis d’approfondir les points stratégiques, loin des regards.
Des fondations pour une coopération renforcée
L’un des résultats majeurs de cette visite est l’accord sur la nécessité de poser des bases solides pour une nouvelle phase de coopération. Dans un télégramme adressé au prince héritier au moment de quitter l’espace aérien saoudien, Joseph Aoun a salué l’accueil chaleureux et souligné que les pourparlers ont permis de dessiner une feuille de route ambitieuse. Il a évoqué une entente pour activer et développer les relations bilatérales dans tous les domaines, de l’économie à la sécurité, en passant par la diplomatie. Une prochaine visite, déjà envisagée, devrait concrétiser ces ambitions par la signature d’accords formels.
Le président libanais a également profité de ce message pour transmettre ses remerciements au roi Salmane ben Abdelaziz, rappelant le soutien historique de l’Arabie saoudite au Liban. Ce geste n’est pas anodin : il reflète une reconnaissance des efforts saoudiens pour mettre fin au vide présidentiel qui a paralysé le pays pendant plus de deux ans, jusqu’à l’élection de Aoun en janvier 2025. Ce dernier, ancien commandant en chef de l’armée, incarne pour beaucoup un retour à la stabilité et à la souveraineté, des valeurs que Riyad semble prêt à soutenir.
Le Liban face à ses défis : sécurité et souveraineté
Au-delà de la diplomatie, cette visite intervient dans un contexte où le Liban tente de se relever d’une série de crises. Le député Nazih Matta, membre du bloc « République forte », a qualifié ce déplacement de « très important » pour réintégrer le Liban dans son environnement arabe. Dans une interview radiophonique, il a insisté sur la nécessité de réformes concrètes pour restaurer la confiance des partenaires internationaux, un point que les Saoudiens ont probablement abordé lors des discussions. Matta a également plaidé pour une neutralité libanaise face aux conflits régionaux, arguant que l’implication dans des guerres extérieures a fragilisé le pays.
La question de la souveraineté nationale, notamment au sujet des armes hors du contrôle de l’État, a été un thème récurrent. Matta a pointé du doigt les groupes armés, en allusion claire au Hezbollah, dont la présence a servi de prétexte aux incursions israéliennes. Il a appelé à ce que l’armée libanaise devienne la seule force légitime, notamment en récupérant les cartes des tunnels et des dépôts d’armes. Cette position rejoint les attentes implicites de l’Arabie saoudite, qui conditionne souvent son aide à des avancées sur le désarmement des milices et le respect des résolutions internationales, comme le cessez-le-feu avec Israël.
Une opportunité économique vitale
Sur le plan économique, cette visite pourrait marquer un tournant. Le Liban, exsangue après des années de crise financière et une guerre destructrice liée au conflit avec Israël, a un besoin urgent de soutien. L’Arabie saoudite, qui a historiquement joué un rôle de bailleur de fonds, pourrait rouvrir ses portes aux investissements et au tourisme. Parmi les attentes figure la levée potentielle de l’interdiction de voyage imposée aux ressortissants saoudiens vers le Liban, une mesure qui, si confirmée, aurait un impact immédiat sur l’économie locale, notamment dans les secteurs touristique et immobilier.
Les discussions ont également porté sur le soutien à l’armée libanaise, un pilier stratégique pour la stabilité. Renforcer cette institution, qui a joué un rôle clé dans l’application de l’accord de cessez-le-feu de novembre 2024 avec Israël, est une priorité partagée. Un communiqué conjoint, attendu dans la journée, devrait détailler ces engagements, offrant un premier aperçu des retombées concrètes de cette rencontre.
Vers Le Caire : une voix libanaise au sommet arabe
En quittant Riyad pour Le Caire, Joseph Aoun emporte avec lui les fruits de cette visite pour les présenter au sommet arabe extraordinaire. Ce rendez-vous, convoqué par le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, vise à coordonner une position commune sur la crise palestinienne, mais le Liban y aura aussi sa place. Les défis du sud du pays, où des points frontaliers restent sous tension avec Israël, et les besoins de reconstruction seront au cœur de son intervention. Avec le soutien renouvelé de l’Arabie saoudite, Beyrouth espère mobiliser une solidarité régionale plus large.
Cette double étape – Riyad puis Le Caire – illustre une stratégie claire : ancrer le Liban dans son identité arabe tout en cherchant des appuis pour surmonter ses crises internes. La visite saoudienne, conclue par un dîner officiel offert par Mohammed ben Salmane, a envoyé un signal fort : le royaume est prêt à accompagner cette transition, mais à condition que le Liban prouve sa volonté de changement. Pour Joseph Aoun, c’est une première victoire diplomatique, mais le véritable test sera celui de la mise en œuvre.