Le ministre de l’Information, Paul Morkos, a affirmé jeudi, à l’issue d’une session du Conseil des ministres, que les négociations entre le Liban et Israël restent « toujours indirectes », soulignant que la position du gouvernement libanais ne soutient en aucun cas une normalisation avec l’État hébreu. Cette déclaration intervient alors que plusieurs rapports médiatiques, notamment en Israël et aux États-Unis, évoquent une possible évolution vers un dialogue diplomatique plus approfondi entre les deux pays.
Un refus catégorique de la part du Liban
Selon des sources proches du gouvernement libanais citées par la chaîne Al-Manar, les États-Unis et Israël considèrent que le comité de surveillance du cessez-le-feu a achevé sa mission dans sa dimension militaire et sécuritaire. Ils estiment désormais qu’il est nécessaire de mettre en place un comité politico-diplomatique afin d’aborder des questions plus larges liées aux tensions bilatérales.
Cependant, le Liban a catégoriquement rejeté cette proposition, la percevant comme une tentative déguisée de normalisation des relations avec Israël. Pour les autorités libanaises, la mise en place d’un tel cadre de discussions impliquerait une reconnaissance officielle de l’État israélien, ce qui est contraire à la position historique du Liban, toujours en état de guerre avec Israël.
La chaîne Al-Mayadeen a également relayé les propos de sources officielles qui affirment que les discussions en cours ne constituent pas un prélude à une normalisation, qualifiant les allégations en ce sens de « sans fondement ».
Un cadre de discussions élargi mais toujours indirect
Mardi, le bureau du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a publié un communiqué annonçant que les représentants des armées libanaise et israélienne, ainsi que des émissaires américains et français, avaient convenu lors d’une réunion à Naqoura d’établir trois groupes de travail conjoints visant à stabiliser la région.
Selon ce communiqué, ces groupes seront chargés de traiter trois dossiers sensibles :
- La situation des cinq points encore sous contrôle israélien dans le sud du Liban
- Les discussions sur la Ligne bleue et les points frontaliers encore contestés
- La question des prisonniers libanais détenus en Israël
Les sources libanaises assurent toutefois que ces discussions restent sous l’égide de la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU et qu’elles ne constituent pas un cadre distinct pouvant mener à une négociation directe entre Beyrouth et Tel-Aviv.
Israël affirme vouloir poursuivre la dynamique vers une normalisation
En Israël, certains responsables politiques adoptent un discours plus offensif sur la question. Un haut responsable israélien a déclaré mercredi que les discussions en cours font partie d’un plan plus large et ambitieux visant à remodeler le paysage politique régional.
« La politique du Premier ministre a déjà changé le Moyen-Orient, et nous voulons poursuivre cet élan et parvenir à une normalisation avec le Liban. Le Liban a des revendications sur la frontière, et nous en avons aussi. Nous allons discuter de ces sujets », a-t-il affirmé à la Chaîne 12 israélienne.
Selon lui, les États-Unis considèrent également qu’un accord diplomatique est désormais possible, compte tenu des récents changements politiques au Liban.
Les États-Unis appellent à des discussions élargies
L’administration américaine a annoncé mardi qu’elle organiserait une nouvelle série de discussions entre Beyrouth et Tel-Aviv afin de résoudre plusieurs questions en suspens. Dans un communiqué, la diplomate américaine Morgan Ortagus, envoyée spéciale adjointe pour le Moyen-Orient, a précisé que les sujets abordés incluraient la libération des prisonniers libanais, les points frontaliers contestés et les zones encore sous occupation israélienne.
Elle a ajouté que les discussions militaires tenues à Naqoura avaient pris fin, ouvrant ainsi la voie à une approche plus politique du dossier.
« Tous les acteurs concernés restent attachés au maintien de l’accord de cessez-le-feu et à la mise en œuvre complète de ses termes. Nous avons hâte de réunir rapidement ces groupes de travail dirigés par des diplomates pour résoudre les questions en suspens », a-t-elle déclaré.
Ortagus a également évoqué la question du tracé de la frontière terrestre entre le Liban et Israël, rappelant que treize points étaient initialement contestés, mais que seuls six restent problématiques à ce jour.
Un débat interne au Liban sur la nature des discussions
Les médias proches du Hezbollah, notamment le quotidien Al-Akhbar, ont mis en garde contre ce qu’ils qualifient de « manœuvre américaine visant à entraîner le Liban dans une normalisation déguisée ».
Dans son édition de mercredi, Al-Akhbar a dénoncé une tentative d’impliquer Beyrouth dans des négociations de paix avec Israël sous couvert de discussions sur des questions humanitaires et frontalières.
Le journal cite également Nizar Zakka, président de l’organisation Hostage Aid Worldwide, basé aux États-Unis, qui affirme que le dossier des prisonniers libanais libérés par Israël pourrait servir de « porte d’entrée à d’éventuelles négociations de paix » entre les deux pays, ce qui correspondrait aux intentions de l’administration américaine.
Vers un équilibre fragile entre sécurité et politique ?
Le Liban se retrouve une fois de plus au centre d’une équation diplomatique délicate, où les pressions internationales et les impératifs sécuritaires dictent l’agenda des négociations.
D’un côté, les acteurs internationaux, notamment les États-Unis et la France, poussent en faveur d’un règlement politique global, qui inclurait à terme un accord sur la démarcation des frontières et des engagements bilatéraux clairs. De l’autre, le Hezbollah et ses alliés rejettent toute initiative pouvant ressembler à un rapprochement avec Israël, considérant que la moindre avancée en ce sens représenterait une menace existentielle pour leur influence politique et militaire.
Les semaines à venir seront déterminantes pour savoir si les discussions à Naqoura déboucheront sur des avancées concrètes ou si elles resteront limitées à des ajustements techniques dans le cadre de la résolution 1701.