Le 27 mars 2025, le Conseil des ministres libanais, réuni à Baabda sous la présidence de Joseph Aoun et en présence du Premier ministre Nawaf Salam, a nommé Karim Souaid gouverneur de la Banque du Liban (BDL) par 17 voix sur 24. Ce vote a mis Salam en minorité, les ministres des Forces libanaises (FL) soutenant Souaid avec Hezbollah et Amal, contre Tarek Mitri, Amer Bsat et d’autres. Une entente entre Aoun et Nabih Berri, président du Parlement, émerge, Aoun sauvegardant les intérêts des banques pour permettre au Hezbollah de garder ses armes. Cette décision complique tout accord avec le FMI, augure mal des réformes financières où un gouverneur neutre était requis, et consacre le contrôle du parti des banques, trahissant les promesses d’un État de droit.
Une fracture au sommet et une entente controversée
La nomination de Souaid a suivi un affrontement entre Aoun et Salam, ce dernier menaçant de démissionner face à un candidat pro-bancaire et anti-FMI. Aoun a imposé le vote, obtenant 17 voix sur 24 grâce au tandem chiite Hezbollah-Amal et aux FL, tandis que Mitri, vice-Premier ministre, et Bsat, ministre de l’Économie, menaient les 7 opposants. Parallèlement, une entente entre Aoun et Berri se dessine. Dans une déclaration à France 24, Aoun a affirmé que le désarmement du Hezbollah au nord du Litani « dépendra du consensus des Libanais et d’un dialogue interne », excluant une « confrontation militaire ». Cette position suggère un compromis où Aoun protège les intérêts des banques via Souaid pour permettre au Hezbollah de conserver ses armes, consolidant ainsi l’influence du parti chiite malgré sa défaite militaire en 2024.
Cette alliance Aoun-Berri marginalise Salam et montre un président s’éloignant de ses promesses d’un État de droit, soutenant la mafia des banques pour des calculs politiques avec le Hezbollah.
Une légitimité ébranlée
Salam, investi le 13 janvier 2025 avec 84 voix parlementaires, portait l’espoir d’un renouveau après deux ans de vide institutionnel. Son programme de « réforme et salut », lancé le 8 février, visait à restaurer la confiance dans un pays où 80 % de la population vit sous le seuil de pauvreté selon la Banque mondiale. Être mis en minorité, face à Mitri et Bsat, révèle son incapacité à contrer le parti des banques, comme en 2020 lorsque le Parlement et la commission du budget ont saboté un accord avec le FMI pour protéger les élites. Aoun, en s’alliant à Berri et en imposant Souaid, semble privilégier un arrangement où les banques et le Hezbollah maintiennent leur emprise, au détriment des citoyens.
Avec Souaid à la BDL, les déposants, privés de leurs fonds depuis 2019, risquent un sort encore pire, renforçant le désespoir populaire face à un gouvernement captif des intérêts bancaires et miliciens.
Un coup porté aux réformes et au FMI
La nomination de Souaid par 17 voix sur 24 compromet les négociations avec le Fonds monétaire international (FMI), en attente depuis 2022. Le FMI exige transparence, levée du secret bancaire et répartition équitable des pertes – des mesures que Souaid rejette. Son opposition à tout programme du Fonds, alliée à un haircut potentiel de 80-90 %, complexifie un accord vital pour débloquer des milliards de dollars. Comme en 2020, le parti des banques bloque les réformes, rendant toute restructuration plus coûteuse. Cet accord reste obligatoire pour éviter un scénario désordonné désastreux pour la population, mais l’entente Aoun-Berri, sauvegardant les banques pour permettre au Hezbollah de garder ses armes, écarte cette perspective.
Cela augure mal des réformes financières, où un gouverneur neutre était essentiel, et non un partisan comme Souaid, renforçant la mainmise bancaire au profit d’un compromis avec le Hezbollah.
Une instabilité politique latente
La victoire de Souaid, portée par les FL, Hezbollah et Amal, ne masque pas les tensions. Les 7 voix contre, menées par Mitri et Bsat, pourraient fracturer le cabinet sur des dossiers comme le budget 2025 ou la reconstruction post-guerre. L’entente Aoun-Berri, liant les intérêts bancaires à la survie militaire du Hezbollah, risque d’aliéner les réformateurs et d’aggraver l’instabilité. Une démission de Salam, bien qu’évitée pour l’instant, pourrait replonger le Liban dans une crise institutionnelle, tandis que son autorité affaiblie limite son influence sur des acteurs comme le Hezbollah.
Une perte de confiance régionale et internationale
La marginalisation de Salam et la mainmise du parti des banques, soutenue par l’entente Aoun-Berri, nuisent à la crédibilité régionale du Liban, après la chute d’Assad et l’affaiblissement du Hezbollah. La France et les États-Unis, qui soutenaient Salam, pourraient se détourner face à ce compromis où Aoun protège les banques pour préserver les armes du Hezbollah. Les investissements pour le sud et la Békaa s’éloignent, et toute restructuration, sans accord FMI, coûtera beaucoup plus cher, isolant davantage le pays.
La mise en minorité de Nawaf Salam le 27 mars 2025 consacre la victoire du parti des banques, comme en 2020, via un Aoun s’éloignant de l’État de droit pour un pacte avec Berri et le Hezbollah. Elle menace réformes, population et stabilité, plongeant le Liban dans une impasse coûteuse.