“Nous sommes de l’étoffe dont sont faits les rêves, et notre petite vie est entourée de sommeil.”… pouvait-on lire sur un des murs de Beyrouth. Cette illustre phrase qu’avait soufflée le personnage de Prospero dans la pièce de Shakespeare intitulée La Tempête.
Un propos qui fait rêver, qui laisse à croire que l’homme descend du singe, selon la devise de Georges Moustaki, au grand dam de Darwin. Cette échappée vers un monde fantastique est le seul refuge de celui ou celle qui fuit une réalité qu’il ou elle n’a pas envie de vivre. Le seul abri à l’image de celui où l’on se cachait il y a une vingtaine d’année en temps de guerre pour éviter les coulées d’obus, laissant libre cours à nos rêves d’enfants innocents aspirant à un Liban en paix, à un monde meilleur.
Nous avons tous l’étoffe pour réussir à insuffler à notre réel une brise surnaturelle, venue d’une autre dimension, nous permettant de construire un monde de rêve, un monde qui, animé par un désir profond, voire même une foi infaillible, risque un jour de se réaliser. C’est d’ailleurs une des seules certitudes qui nous maintient en vie ; un rêve qui se confond au fin fond de nous à la réalité de nos sens, afin de se métamorphoser en une vertu substantielle, vitale, que l’on baptise Espoir. Un espoir qui devient foi, qui se mue en quelque chose de réalisable, pointant le bout de son nez à l’horizon, un point que l’on tend à atteindre un jour.
Enfin, si l’on y songe fortement, le songe est notre seule force qui nous permet de survivre, au cœur des mensonges que les garants officiels de notre réalité au pays des cèdres nous forcent à avaler. Mais plutôt que de continuer à fuir ce triste réel, rêvons, sans plonger dans un sommeil mortel, fatal. Armons-nous de l’étoffe dont nous sommes, tissons ensemble un textile loin du virtuel, une pièce de tissu qui nous unit et qui est gravée dans nos cœurs et nos désirs. Une étoffe que l’on teindrait progressivement aux couleurs de cette image, afin de finir par avoir entre les mains un étendard rouge, blanc et vert, et le brandir haut et fort, piétinant les marchands de couleuvres et les briseurs de rêves, pour faire rejaillir de ses cendres, le Liban de nos rêves que l’on ne cesse de consumer par notre inertie.