dimanche, mai 18, 2025

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Nawaf Salam dans le Sud : entre destruction et promesse de renouveau

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Le Premier ministre Nawaf Salam a effectué hier, le 27 février 2025, une visite dans le Sud du Liban, marquant une étape significative dans les efforts du gouvernement pour répondre aux conséquences de la guerre de 2024 entre Israël et le Hezbollah. Accompagné d’un groupe de ministres et de responsables militaires, Salam s’est rendu dans plusieurs localités – Marjayoun, Al-Khiyam, Nabatieh et Tyr – pour rencontrer des officiers de l’armée, des habitants et évaluer l’ampleur des destructions laissées par l’agression israélienne. Cette visite intervient dans un contexte où le Liban, déjà fragilisé par une crise économique depuis 2019, fait face à des défis colossaux : un PIB réduit de 55 milliards de dollars en 2019 à 18 milliards en 2023, une livre libanaise échangée à plus de 100 000 pour un dollar sur le marché noir en 2024, et des pertes estimées entre 15 et 20 milliards de dollars dues à la guerre récente.

Au cours de cette tournée, Salam a réaffirmé le rôle exclusif de l’armée libanaise dans la défense du pays, s’est engagé à accélérer la reconstruction des zones dévastées, et a répondu aux préoccupations des habitants, qui ont exprimé leur attachement à la libération totale du Sud et leur soutien à la résistance face à la présence israélienne persistante. Cet état des lieux explore les étapes de cette visite, les déclarations du Premier ministre, les attentes des populations locales, et les enjeux de souveraineté et de reconstruction dans un Sud encore marqué par les cicatrices du conflit.

Marjayoun : une rencontre avec l’armée libanaise

La visite de Nawaf Salam a débuté à la caserne François el-Hajj à Marjayoun, un point stratégique dans le caza de Marjayoun, où il est arrivé accompagné d’un groupe de ministres incluant ceux de l’Énergie, des Travaux publics et de l’Environnement, ainsi que le secrétaire général du Conseil supérieur de la défense. Dès son arrivée, il a tenu des réunions avec des officiers supérieurs et des commandants militaires pour discuter de la situation sécuritaire dans le Sud, quatre mois après le cessez-le-feu signé le 27 novembre 2024. Ce cessez-le-feu, négocié sous l’égide des États-Unis et de la France, visait à mettre fin à 14 mois de conflit ayant causé plus de 4 000 morts, dont 248 enfants, et 1,3 million de déplacés internes.

Lors de ces échanges, Salam a souligné le rôle central de l’armée libanaise dans la protection du territoire. « L’armée libanaise accomplit ses devoirs de manière exemplaire et est la seule institution mandatée pour protéger la patrie et la défendre », a-t-il déclaré, réaffirmant ainsi l’engagement du gouvernement à renforcer ses capacités. Avant 2024, l’armée comptait environ 80 000 soldats, mais elle souffrait d’un manque chronique de financement, avec des salaires réduits à une fraction de leur valeur d’avant-crise en raison de la dévaluation de la livre. La guerre récente a encore mis à rude épreuve ses ressources, rendant cruciale toute initiative visant à augmenter son effectif, à moderniser son équipement et à améliorer ses conditions opérationnelles.

La caserne de Marjayoun, située dans une zone proche de la frontière avec Israël, symbolise le rôle de l’armée dans le maintien de la stabilité dans le Sud, conformément à la Résolution 1701 des Nations Unies, qui exige le déploiement exclusif des forces armées libanaises et des casques bleus dans cette région. Cependant, la persistance de cinq positions israéliennes au sud du fleuve Litani, malgré le cessez-le-feu, continue de compliquer cette mission, alimentant les tensions avec les habitants locaux.

Al-Khiyam : face au « volume de destruction colossal »

Après Marjayoun, Salam s’est dirigé vers la ville d’Al-Khiyam, une localité frontalière du caza de Marjayoun qui a subi des destructions massives pendant la guerre de 2024. À son arrivée, il a inspecté les dégâts causés par l’agression israélienne, qui ont affecté non seulement Al-Khiyam, mais aussi les villages voisins comme Kfarkila et Odaisseh. Les bombardements ont réduit en ruines des centaines de maisons, des écoles, des centres de santé et des infrastructures agricoles, laissant derrière eux un « volume de destruction colossal », selon les termes employés par Salam. Avant 2024, Al-Khiyam comptait environ 35 000 habitants, mais une grande partie a fui pendant le conflit, laissant une ville fantôme marquée par des gravats et des débris.

Lors d’un bref échange avec les habitants d’Al-Khiyam, Salam a été confronté à une population déterminée à rester sur ses terres malgré les pertes. Les résidents ont exprimé une « criée d’attachement » à la libération totale du Sud, insistant sur leur refus de toute présence israélienne et leur soutien à l’option de la résistance pour garantir cette libération. Ces déclarations reflètent une sensibilité profonde dans une région qui a été le théâtre de conflits récurrents avec Israël – en 1978, 1982, 2006, et 2024 – et où la mémoire du retrait israélien de 2000 reste vive parmi les habitants.

Salam a répondu en réitérant le rôle exclusif de l’armée dans la défense nationale : « L’armée libanaise accomplit ses devoirs de manière exemplaire et est la seule institution mandatée pour protéger la patrie et la défendre. » Cette position, alignée sur le discours officiel du gouvernement formé le 8 février 2025, vise à réaffirmer la souveraineté de l’État face aux revendications de la résistance armée, tout en répondant aux attentes des habitants pour un retour sécurisé et une reconstruction rapide. Cependant, la persistance des violations israéliennes du cessez-le-feu – survols d’avions de guerre et positions maintenues – met en doute la capacité de l’armée à imposer cette autorité sans un soutien international renforcé.

Tyr : un engagement pour le retour et la reconstruction

Depuis Al-Khiyam, Salam a poursuivi sa tournée sur la route principale reliant Al-Khiyam, Marjayoun et Al-Khardali, avant de rejoindre Tyr, où il a visité la caserne Benou Barrakate. Sur place, il a rencontré un groupe d’habitants de la ville frontalière d’Ad-Dhayra, qui avaient organisé une manifestation devant la caserne pour protester contre les pratiques israéliennes empêchant leur retour. Ces habitants, parmi les 1,3 million de déplacés internes causés par la guerre, ont dénoncé les obstacles à leur réinstallation, notamment les bombardements sporadiques et les restrictions imposées par Israël sur certaines zones frontalières.

Lors de cette rencontre, Salam a déclaré : « C’est le premier jour de travail effectif du gouvernement. Nous rendons hommage au dévouement de l’armée libanaise et à ses martyrs. Le gouvernement s’engage à mettre en œuvre ce qui est stipulé dans notre déclaration ministérielle, et nous vous promettons un retour sûr à vos maisons dans les plus brefs délais. Nous confirmons notre engagement dans le processus de reconstruction pour que les habitants puissent revenir dans la dignité. Ce n’est pas une simple promesse, mais un engagement personnel de ma part et de l’ensemble du gouvernement. »

Il a ajouté : « Nous cherchons à gagner la confiance des habitants par des actes, pas seulement par des paroles. Le gouvernement a commencé à mobiliser le soutien arabe et international dès avant d’obtenir la confiance, pour contraindre l’ennemi à se retirer de nos terres, y compris des cinq points contestés. Il n’y aura pas de stabilité réelle et durable sans un retrait complet d’Israël. Nous espérons vous rencontrer bientôt dans vos villages frontaliers. » Ces propos reflètent une volonté de concilier les attentes populaires avec une stratégie diplomatique visant à faire respecter le cessez-le-feu et la Résolution 1701, tout en priorisant la reconstruction des zones dévastées.

Nabatieh : un témoignage de destruction et d’espoir

La dernière étape de la visite a conduit Salam à Nabatieh, une ville clé du Sud qui a subi des bombardements intensifs pendant les 66 jours de l’agression israélienne en 2024. Accompagné des ministres de l’Énergie, des Travaux publics et de l’Environnement, ainsi que du secrétaire général du Conseil supérieur de la défense, Salam a été accueilli par la gouverneure par intérim de Nabatieh, Houaida Al-Turk, et des notables locaux. Il a effectué une tournée dans le marché commercial de la ville, entièrement rasé par les frappes aériennes, et a constaté de visu l’ampleur des dégâts qui ont également touché les écoles, les routes et les terres agricoles environnantes.

L’émotion était palpable sur le visage de Salam face à ce spectacle de désolation. Lors de sa tournée dans les rues adjacentes au marché, il a été interpellé par des habitants qui ont exprimé leurs demandes pressantes pour la reconstruction et leur reconnaissance envers la résistance, affirmant : « Sans elle, nous ne serions pas ici. » D’autres ont appelé à préserver « les recommandations et le sang des martyrs » qui ont affronté l’ennemi, reflétant un mélange de résilience et de mémoire collective dans une ville qui a payé un lourd tribut.

Devant les journalistes, Salam a déclaré : « Nous sommes venus à Nabatieh pour deux raisons : écouter les citoyens – après avoir entendu certains à Tyr et Al-Khiyam – et constater sur le terrain les dégâts. Au-delà des photos et des rapports, nous voyons aujourd’hui de nos propres yeux la destruction des maisons, du marché commercial, des écoles, des routes et des terres agricoles brûlées. » Il a ajouté : « Il y a une différence entre voir de ses propres yeux et lire ou entendre des récits. Je parle en mon nom et au nom de mes collègues au gouvernement : cette situation renforce notre détermination à accélérer la reconstruction. Nous ne nous contentons pas de promettre, nous nous engageons à reconstruire, et cela se fera, si Dieu le veut, plus vite que vous ne l’imaginez. »

Contexte et défis : souveraineté, reconstruction et tensions

La visite de Salam dans le Sud intervient dans un contexte marqué par plusieurs défis. La guerre de 2024 a laissé des cicatrices profondes, avec plus de 4 000 morts, dont 248 enfants, et des destructions massives estimées entre 15 et 20 milliards de dollars. Le cessez-le-feu du 27 novembre 2024, bien que salué comme une étape vers la paix, reste fragile, avec des violations israéliennes persistantes – survols d’avions et positions maintenues – qui alimentent les craintes d’une reprise des hostilités. Avant 2024, la crise économique avait déjà poussé 80 % de la population sous le seuil de pauvreté, avec une inflation de 200 % en 2022 et une dévaluation de la livre qui a réduit les salaires à une fraction de leur valeur d’antan.

Salam, en tant que Premier ministre depuis le 8 février 2025, s’appuie sur une coalition fragile dans un pays historiquement divisé entre factions pro-résistance et pro-souveraineté étatique. Ses déclarations sur le rôle exclusif de l’armée libanaise dans la défense nationale visent à réaffirmer l’autorité de l’État, conformément à la Résolution 1701, tout en répondant aux attentes des habitants qui soutiennent la résistance comme un rempart contre Israël. Cependant, cette position soulève des questions sur la capacité de l’armée à remplir ce rôle sans un renforcement significatif de ses moyens, dans un climat où les ressources publiques sont limitées et les aides internationales conditionnées à des réformes.

La reconstruction, un engagement clé de Salam, est une tâche colossale. Avant 2024, les infrastructures du Sud – routes, écoles, hôpitaux – étaient déjà vétustes, et la guerre a amplifié ces pertes. Les habitants demandent une « reconstruction rapide » pour un retour digne, mais les fonds nécessaires dépassent les capacités actuelles du gouvernement, avec des dépôts bancaires de 84 milliards de dollars gelés depuis 2019 et des transferts de la diaspora en baisse (6,7 milliards en 2023). La mobilisation du soutien arabe et international, promise par Salam, sera cruciale, mais elle dépendra de la capacité du Liban à naviguer entre les pressions géopolitiques et les exigences internes.

Un engagement à concrétiser

La visite de Nawaf Salam dans le Sud – Marjayoun, Al-Khiyam, Tyr et Nabatieh – reflète un engagement du gouvernement à répondre aux besoins urgents des habitants : sécurité, retour et reconstruction. Ses déclarations sur le rôle de l’armée, la reconstruction rapide et la souveraineté nationale cherchent à rassurer une population épuisée par des années de crises et une guerre récente. Cependant, les défis restent immenses : la persistance des violations israéliennes, les divisions internes sur la résistance, et une économie en ruine limitent les marges de manœuvre.

Les habitants du Sud, attachés à leur terre et à leur dignité, ont exprimé un mélange de détermination et d’espoir face à Salam. Sa promesse d’un retour sûr et d’une reconstruction digne, soutenue par des actes concrets plutôt que des paroles, sera mise à l’épreuve dans les mois à venir. Dans un Liban où la coexistence reste un idéal fragile, cette visite pourrait marquer un premier pas vers la restauration de la confiance, à condition que les engagements se traduisent en résultats tangibles pour un Sud encore en quête de paix et de stabilité.

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