Paralysie du Parlement et retard des réformes
La nécessité d’un cadre institutionnel stabilisé pour lancer des réformes économiques au Liban devient de plus en plus pressante. La paralysie des institutions, notamment le blocage du Parlement, empêche l’adoption des lois indispensables à la mise en œuvre de ces réformes. Cette situation, qui perdure depuis des mois, freine les efforts pour sortir le pays d’une crise économique amorcée en 2019 et aggravée par des années d’inaction politique. Sans un législatif opérationnel, les mesures visant à restructurer l’économie et à répondre aux exigences des bailleurs de fonds internationaux restent en suspens.
Le retard dans l’adoption de ces lois a des conséquences directes sur la capacité de l’État à fonctionner. Des experts économiques soulignent qu’en l’absence d’un cadre légal clair, le risque d’une dérive incontrôlée des finances publiques s’accentue. Cette instabilité institutionnelle met en péril toute tentative de redressement et renforce la méfiance des acteurs économiques, tant locaux qu’internationaux, dans un pays où les ressources internes pour relancer l’économie font cruellement défaut.
Absence de budget 2025
L’année 2025 s’ouvre sans budget voté, une situation qui complique la planification des dépenses publiques et la gestion des ressources limitées du pays. En temps normal, le budget constitue un outil clé pour définir les priorités de l’État, allouer les fonds aux secteurs essentiels comme la santé et l’éducation, et répondre aux besoins d’une population en difficulté. Mais en l’absence d’accord au Parlement, le gouvernement est contraint de fonctionner sur la base de budgets reconduits, une pratique qui limite sa marge de manœuvre et accentue les déséquilibres financiers.
Cette absence de budget reflète les divisions politiques profondes au sein des institutions libanaises. Les tensions entre les différents blocs, exacerbées par des intérêts confessionnels et partisans, bloquent les négociations. Les experts mettent en garde contre une aggravation de la crise si des mesures d’ajustement – réduction des dépenses inutiles, augmentation des recettes – ne sont pas adoptées rapidement pour stabiliser les finances publiques, un défi d’autant plus complexe que le Liban ne dispose plus de fonds suffisants pour financer ses propres réformes.
Confiance des investisseurs au plus bas
La confiance des investisseurs internationaux envers le Liban reste faible, un obstacle majeur à la relance économique. Les flux de capitaux, qui ont fui le pays au début de la crise, ne montrent aucun signe de retour significatif. Cette méfiance est alimentée par l’instabilité politique, l’absence de réformes concrètes et la crise persistante du secteur bancaire. Sans un signal clair de redressement institutionnel, les investisseurs hésitent à s’engager, privant l’économie des ressources externes nécessaires pour se relever, surtout dans un contexte où les fonds locaux sont épuisés.
Les partenaires internationaux, comme le Fonds monétaire international (FMI), conditionnent leur aide – un plan de 3 milliards de dollars négocié depuis 2022 – à des avancées législatives et économiques. Pourtant, le blocage du Parlement et l’inaction gouvernementale retardent la mise en œuvre des réformes exigées, telles que la restructuration bancaire et l’audit des comptes de la Banque du Liban (BDL). Cette impasse éloigne toute perspective d’investissement étranger significatif.
Crise persistante du secteur bancaire
Le secteur bancaire libanais, autrefois pilier de l’économie, reste plongé dans une crise profonde. L’accès aux dépôts reste limité pour les particuliers et les entreprises, une restriction imposée depuis 2019 qui a érodé la confiance dans le système. Les banques commerciales, qui détiennent encore des milliards de dollars de dépôts gelés, ne disposent plus de fonds au Liban pour se recapitaliser elles-mêmes, leurs réserves ayant été largement dilapidées par des années de mauvaise gestion et de prêts irrécupérables accordés à l’État et à des acteurs privés.
Le processus de restructuration, annoncé dès 2020, demeure à l’état de projet, faute de ressources internes et de consensus politique. Par ailleurs, les fonds étrangers, potentiellement capables d’injecter des capitaux frais, refusent de recapitaliser un secteur sans garanties solides et avec les acteurs actuels – banquiers et responsables politiques – dont la gestion passée est largement critiquée. Cette double impasse paralyse le système financier : sans recapitalisation, les banques ne peuvent ni prêter ni libérer les dépôts, bloquant ainsi l’activité économique. Les entreprises, privées d’accès au crédit, peinent à financer leurs opérations, tandis que les citoyens, coincés dans leurs épargnes, doivent se débrouiller avec des revenus souvent insuffisants.
Perspectives économiques fragilisées
L’incertitude institutionnelle et bancaire pèse lourdement sur les perspectives économiques du Liban. La croissance, déjà limitée à 0,6 % en 2024 selon les estimations récentes, risque de stagner davantage en 2025 si les blocages persistent. L’inflation, qui dépasse les 110 %, et le chômage, qui touche environ 32 % de la population active, aggravent la situation, tandis que la faiblesse de la demande interne limite les opportunités de reprise. L’absence de fonds locaux pour recapitaliser les banques et la réticence des investisseurs étrangers à intervenir sans garanties claires compliquent encore davantage les chances d’un redressement.
Le gouvernement de Nawaf Salam, formé en février 2025, avait promis de débloquer les institutions et d’engager des réformes, mais les progrès restent minces. La société civile, mobilisée depuis 2019, continue de réclamer une gouvernance transparente et efficace, mais les divisions politiques et l’absence de volonté collective freinent tout changement significatif. Sans une stabilisation rapide des institutions et un plan crédible pour le secteur bancaire, qui nécessiterait des fonds extérieurs assortis de garanties et un renouvellement des acteurs en place, le Liban risque de s’enfoncer davantage dans une crise dont les conséquences sociales et économiques deviennent chaque jour plus visibles.