Les frappes israéliennes, intensifiées depuis octobre 2023 et marquées par une invasion terrestre en septembre 2024, ont plongé le Liban dans une crise économique encore plus profonde, ravageant ses infrastructures déjà fragiles. Le Sud-Liban, épicentre du conflit entre Israël et le Hezbollah, voit ses routes, écoles, hôpitaux et réseaux d’eau et d’électricité réduits en ruines, tandis que le tourisme et l’agriculture, piliers économiques, s’effondrent. Les coûts de reconstruction, estimés entre 15 et 20 milliards de dollars, écrasent une nation en crise depuis 2019, où le PIB a chuté de 36,5 % entre 2019 et 2021. Le gouvernement libanais, dirigé par le Premier ministre Nawaf Salam depuis février 2025 sous la présidence de Joseph Aoun, appelle à une mobilisation internationale, mais les bailleurs de fonds, méfiants face à des décennies de corruption, exigent des réformes. Les conséquences économiques, le bilan des destructions dans le Sud-Liban et les réactions des autorités et des donateurs internationaux révèlent un pays au bord du précipice.
Une économie au bord du gouffre, frappée de plein fouet
Avant octobre 2023, le Liban peinait à se relever d’une crise économique sans précédent, qualifiée par la Banque mondiale en 2021 comme l’une des pires depuis 1850 sur *Alternatives Économiques*. La livre libanaise, dévaluée de plus de 98 %, est passée de 1500 à plus de 100 000 contre un dollar sur le marché noir en 2024, selon *RFI*. L’inflation a atteint 200 % en 2022 d’après le FMI, et le PIB, réduit à 18 milliards de dollars en 2023, reflète un effondrement aggravé par la corruption et l’inaction politique, comme analysé par *Coface*. Les hostilités avec Israël, déclenchées par des tirs croisés entre le Hezbollah et l’armée israélienne après l’attaque du Hamas sur Gaza le 7 octobre 2023, ont porté un coup supplémentaire à cette économie vacillante.
Les frappes israéliennes, qui ont culminé en septembre 2024 avec une offensive terrestre, ont visé des positions du Hezbollah et des infrastructures civiles dans le Sud-Liban, la Bekaa et les banlieues sud de Beyrouth. Amin Salam, ministre de l’Économie sous le gouvernement intérimaire de Najib Mikati jusqu’en février 2025, estimait le 29 novembre 2024 que les pertes économiques entre octobre 2023 et novembre 2024 se situaient entre 15 et 20 milliards de dollars sur *Les Échos*. Avant cette escalade, les dommages atteignaient 10 milliards, principalement dus à la chute du tourisme et aux pertes agricoles, selon *Alternatives Économiques*. L’intensification des attaques a amplifié ces chiffres, détruisant des infrastructures critiques et paralysant des secteurs clés.
Le tourisme, qui générait 20 % du PIB avant 2019 et montrait une légère reprise en 2023 avec une croissance prévue de 0,2 % selon le *PNUD*, s’est écroulé. Les arrivées aériennes, à 98,8 % des vols programmés le 7 octobre 2023, sont tombées à 63,3 % début novembre 2024, selon *Les Échos*. L’agriculture dans le Sud-Liban, riche en oliveraies, tabac et fruits, a été dévastée par les bombardements et l’utilisation de phosphore blanc, contaminant 10 millions de mètres carrés de terres, comme rapporté par *Human Rights Watch*. Environ 500 000 emplois ont été perdus en raison des déplacements massifs et de la destruction des entreprises locales, selon Amin Salam le 29 novembre 2024 sur *Les Échos*. Libnanews rapportait dès le 16 octobre 2024 que des villages comme Aïtaroun ou Bint Jbeil avaient vu leurs récoltes d’olives anéanties, privant les agriculteurs de leur principale source de revenus.[63]
Bilan des destructions dans le Sud-Liban : un champ de ruines
Le Sud-Liban, zone frontalière avec Israël et bastion du Hezbollah, a subi l’essentiel des frappes israéliennes. Entre octobre 2023 et décembre 2024, des milliers de structures ont été détruites ou endommagées, selon une analyse du Washington Post du 31 octobre 2024 sur *Human Rights Watch*, basée sur des données satellitaires Sentinel-1. Dans 25 municipalités proches de la frontière, près d’un quart des bâtiments – soit 5 868 structures – ont été touchés, avec une concentration à Ayta al-Shaab et Kfar Kila, où près de la moitié des édifices ont été rasés. Depuis l’invasion terrestre du 1er octobre 2024, 80 % de ces destructions ont eu lieu, accentuées par les opérations au sol, selon *Human Rights Watch*.
Les images satellites montrent Ayta al-Shaab transformé en un champ de débris, avec des bâtiments anéantis par des explosions contrôlées et des bulldozers israéliens, selon des vidéos vérifiées par le Washington Post en octobre 2024 sur *Human Rights Watch*. À Kfar Kila, les oliveraies ont été labourées, et les routes principales sont impraticables, jonchées de gravats. Le rapport du 17 février 2025 de *Human Rights Watch* détaille la destruction de 83 écoles, 36 centres de santé, 40 installations d’eau, 18 centres de télécommunications et 36 infrastructures électriques dans les districts de Nabatieh, Bint Jbeil, Tyr, Baalbek et Baadba. Environ 48 % des commerces dans ces zones ont été affectés, selon le *PNUD*. Libnanews précisait le 11 décembre 2024 que des villages comme Maroun el-Ras avaient perdu leurs réseaux d’eau potable, forçant les habitants à dépendre de camions-citernes souvent inaccessibles.[64]
Le Conseil du Sud estimait en mai 2024 que les dommages aux bâtiments et infrastructures dans le Sud-Liban dépassaient 1,5 milliard de dollars, dont 1 milliard pour les structures résidentielles et commerciales et 500 millions pour les services publics – routes, eau, électricité et santé – selon *Human Rights Watch*. Ces chiffres, qui n’incluaient pas encore les pertes agricoles ou économiques indirectes, ont été largement dépassés après septembre 2024. Amin Salam avançait le 30 novembre 2024 que les destructions post-escalade ajoutaient 5 à 10 milliards de dollars aux estimations initiales, portant le total à un minimum de 15 milliards sur *Les Échos*. Nicholas Blanford, expert du Hezbollah à l’Atlantic Council, notait le 31 octobre 2024 que cette campagne semblait « systématique », visant à créer une zone tampon inhabitable le long de la frontière sur *Human Rights Watch*.
L’explosion du port de Beyrouth en août 2020, avec des dommages estimés entre 3 et 5 milliards de dollars sur *Alternatives Économiques*, semble un préjudice mineur face à cette offensive. Le conflit de 2006 avec Israël, qui avait coûté 3,1 milliards selon la Banque mondiale sur *Human Rights Watch*, est également éclipsé, les destructions de 2024 étant cinq fois supérieures, selon NPR le 13 décembre 2024 sur *Human Rights Watch*. Plus de 1,4 million de personnes ont été déplacées et 3 960 tuées, selon les autorités sanitaires libanaises au 30 novembre 2024 sur *Human Rights Watch*, ajoutant une crise humanitaire à ce désastre économique.
Estimation des coûts de reconstruction : un fardeau écrasant
Reconstruire l’infrastructure libanaise constitue une tâche monumentale, rendue presque impossible par les contraintes financières du pays. Amin Salam estimait le 29 novembre 2024 que la première phase de reconstruction nécessiterait entre 3 et 5 milliards de dollars, pour le déblaiement des débris, la réparation des routes et la restauration des services essentiels sur *Les Échos*. À long terme, les coûts totaux se situent entre 15 et 20 milliards, incluant la reconstruction des logements, des écoles, des hôpitaux, des réseaux énergétiques, ainsi que la relance des secteurs économiques sinistrés.[65] Libnanews soulignait le 11 décembre 2024 que la seule reconstruction des routes dans le Sud-Liban pourrait coûter 300 millions de dollars, sans compter les réseaux électriques dévastés par les frappes.[66]
Dans le Sud-Liban, les besoins sont particulièrement pressants. Le Conseil du Sud, dirigé par Hadi Abou Haidar, chiffrait en mai 2024 les coûts à plus de 1,5 milliard pour les infrastructures visibles, mais cette somme pourrait tripler avec les pertes agricoles et environnementales dues au phosphore blanc sur *Human Rights Watch*. Une étude de The Policy Initiative en février 2024 prévoyait qu’une guerre totale coûterait 7,7 milliards de dollars, soit près de la moitié du PIB libanais de 2023 (18 milliards) sur *PNUD*, une projection sous-estimée face à l’ampleur réelle des frappes.
La Banque mondiale, dans une évaluation préliminaire du 13 décembre 2024, estimait les pertes économiques à 8,5 milliards de dollars, un chiffre susceptible de doubler avec des données actualisées sur *Les Échos*. Le PNUD, dans son rapport de février 2025, calculait que la reconstruction des 83 écoles endommagées nécessiterait 200 millions de dollars, les 36 centres de santé 150 millions, et les installations d’eau et d’électricité 300 millions sur *Human Rights Watch*. À Zawtar, près de Nabatieh, le maire Wassim Ismail rapportait le 16 janvier 2025 que 25 % des maisons étaient inhabitables, et que le déblaiement des décombres avait endetté la municipalité de 5000 dollars sur *Human Rights Watch*.
Ces coûts s’ajoutent à une dette publique dépassant 100 milliards de dollars en 2019, soit 150 % du PIB pré-crise sur *Coface*, rendant tout financement interne irréalisable. L’État, qui n’a alloué que 50 000 dollars à Saïda pour des besoins estimés à 1 million par mois en octobre 2024 sur *Human Rights Watch*, dépendra presque exclusivement de l’aide extérieure.
Réactions du gouvernement libanais : une mobilisation contrainte
Sous pression depuis le cessez-le-feu du 27 novembre 2024, le gouvernement libanais tente de relever ce défi. Joseph Aoun, élu président le 9 janvier 2025, a nommé Nawaf Salam Premier ministre le 13 janvier, et un nouveau cabinet a vu le jour le 8 février sur *Sud Ouest*. Dans son premier discours le 14 janvier, Nawaf Salam promettait de « sauver, réformer et reconstruire » le pays sur *Sud Ouest*, une ambition freinée par les ressources limitées de l’État. Le 17 octobre 2024, sous le gouvernement intérimaire de Najib Mikati, un plan d’urgence conjoint avec les Nations Unies prévoyait 426 millions de dollars pour aider 1 million de déplacés sur *UN News*, mais les fonds tardaient à arriver.
Nawaf Salam, avant son mandat dans une interview du 29 novembre 2024, insistait sur un « plan directeur » avec la communauté internationale, nécessitant coordination et transparence pour rassurer les donateurs sur *Les Échos*. « Si nous montrons confiance et transparence, les pays arabes, les États-Unis, l’Europe, la Turquie et tous les alliés du Liban seront prêts à nous aider », affirmait-il, saluant le soutien turc récent sur *Les Échos*. Une fois Premier ministre, il a reconnu que le gouvernement précédent manquait de moyens pour lancer une reconstruction d’ampleur, une faiblesse persistante en février 2025 faute de réformes immédiates sur *Les Échos*. Libnanews rapportait le 8 février 2025 que Salam avait convoqué une réunion d’urgence avec les ministres pour établir un comité de reconstruction, mais les divisions politiques ralentissaient les progrès.[67]
Firas Abiad, ministre de la Santé, annonçait le 24 septembre 2024 que 558 personnes, dont 50 enfants, avaient péri en une seule journée de frappes sur *Euronews*, soulignant l’urgence de restaurer les infrastructures médicales. Le 17 février 2025, un plaidoyer pour une reconstruction transparente, conditionnée à des mesures anti-corruption, était lancé par *Human Rights Watch*, une démarche encore incomplète au 27 février en raison d’un manque de coordination et de ressources.
Les bailleurs de fonds internationaux : entre soutien et méfiance
Les bailleurs de fonds internationaux, indispensables à la reconstruction, adoptent une posture réservée. En 2006, après la guerre entre Israël et le Hezbollah, l’Arabie saoudite, le Koweït et le Qatar avaient versé 645,3 millions de dollars dès décembre sur *Human Rights Watch*. Les États-Unis, l’Union européenne et le Royaume-Uni avaient aussi contribué à réparer des dommages estimés à 3,1 milliards sur *Human Rights Watch*. Aujourd’hui, l’Arabie saoudite et les Émirats, distants du Hezbollah, hésitent, tandis que les donateurs occidentaux, sollicités par de multiples crises, imposent des conditions strictes.
Le 1er octobre 2024, les Nations Unies lançaient un appel de 426 millions de dollars pour répondre aux besoins immédiats de 1 million de déplacés sur *UN News*, mais les fonds n’ont couvert qu’une fraction des besoins. Le Programme alimentaire mondial (PAM), le 30 novembre 2024, réclamait 250 millions pour six mois d’aide alimentaire sur *Human Rights Watch*, un objectif loin d’être atteint. La Banque mondiale, dans une mise à jour du 21 décembre 2023, prévoyait une récession de -0,6 % à -0,9 % pour 2023, révisée à la baisse depuis une légère croissance prévue, et une croissance de 0,5 % en 2024 sur *Les Échos*, une projection désormais obsolète face à l’ampleur des destructions.
Le 17 février 2025, une demande pour une reconstruction transparente et conditionnée à des mesures anti-corruption était formulée par *Human Rights Watch*, une exigence partagée par les États-Unis et la France, qui supervisent le déploiement de l’armée libanaise dans le sud via un comité dirigé par Amos Hochstein sur *Le Monde*. L’Union européenne et la France, historiquement impliquées, ont exprimé leur soutien sans engagements fermes au 27 février sur *Human Rights Watch*. Nawaf Salam, avant son mandat le 29 novembre 2024, soulignait qu’un président et un gouvernement stables étaient essentiels pour négocier ces aides sur *Les Échos*, une condition remplie depuis février, mais les réformes demandées par le FMI – recapitalisation bancaire, transparence – restent en attente sur *Alternatives Économiques*. Libnanews notait le 8 février 2025 que des discussions avec le Qatar et la France avaient débuté, mais sans promesses concrètes à ce jour.[68]
Une économie au bord de l’abîme
Les frappes israéliennes ont transformé le Sud-Liban en un champ de ruines, avec des conséquences économiques qui pourraient marquer le pays pour des décennies. Les 15 à 20 milliards de dollars nécessaires à la reconstruction surpassent de loin les capacités d’un Liban endetté et politiquement fracturé. Alors que le tourisme et l’agriculture s’effondrent, les coûts indirects – pertes d’emplois, déplacements, insécurité alimentaire – alourdissent un bilan déjà insoutenable. Le gouvernement de Nawaf Salam mise sur une mobilisation internationale, mais les donateurs, échaudés par des années de corruption, exigent des garanties difficiles à fournir.
Sans une cessation définitive des hostilités – mise en doute par les violations du cessez-le-feu signalées le 19 janvier 2025 sur *Le Monde* – et sans un afflux massif d’aide, le Liban risque de sombrer plus profondément dans la crise. Les municipalités, comme Zawtar, accumulent des dettes pour nettoyer les débris sur *Human Rights Watch*, tandis que les habitants, à l’image de Walaa Karamboush à Nabatieh, contemplent des marchés dévastés sur *Human Rights Watch*. La reconstruction, si elle se concrétise, testera la capacité du Liban à renaître, mais pour l’instant, elle demeure un horizon lointain dans un pays où l’urgence humanitaire domine.