” Un péril immense menace l’humanité, mais il est accueilli par des ricanements sceptiques, une désinvolture imbécile, des manœuvres dilatoires et, finalement, un « techno-solutionnisme » voué à l’échec. Impossible de ne pas voir dans Don’t Look up, le dernier film d’Adam McKay, une parabole à la fois désopilante et désespérante de la réaction des sociétés occidentales face au réchauffement……Don’t Look up donne à voir notre incapacité à prendre au sérieux les catastrophes lentes et invisibles. Tant que la comète n’a pas frappé la Terre, il demeure possible de l’ignorer, de l’éviter du regard.”
Le Monde, Stéphane Foucart,  9 /1 /22.

Il ne se passe une seconde sans que Mounir ne scrute l’accès à la survie dans un quartier de  misères cumulées. Un état d’attente inespéré est incompatible avec l’électeur qui exerce son droit démocratique par l’élu correspondant. L’ambition citoyenne n’est pas de devoir soutenir un candidat comme un fait accompli mais de se mettre au service de la nation. Cependant, pour tant de libanais les règles à subir passent souvent en premier. Alors que la liberté de défendre une alternative inattendue ou indésirable est l’assurance d’un positionnement indépendant, elle reste mal perçue chez nous, car elle doit correspondre à un tas de tutelles, du parent aux personnages à ne pas controverser. 

Ainsi, la part d’une réalisation est sujette au bon désir de décideurs intouchables . Ce terrible constat correspond à la léthargie d’une large part de la société libanaise vis à vis du changement promis. Il finit par ressembler à un espace rêvé mais inaccessible. Ainsi les mots persistent comme une échappatoire de réactions et de controverses pour désigner les choses, les mesures, les disposions et les nouvelles résolutions. Sans devoir personnaliser une option et prendre en charge à terme ce qu’ils expriment, Monsieur et Madame les responsables continuent de projetter des étapes à la place des comportements accessibles !  

En usant sans réserve des justificatifs effrénés, le rapport aux obligations se situe encore au stade des contextes à assurer ou à prévoir. On est si loin de considérer et de mettre en pratique ce qui nous rassemble sans plus nous diviser. L’effondrement socio-économique du pays semble ne pas suffire pour relancer urgemnent la course aux réponses pressantes. Le cercle des décideurs préfère le monologue et les scénarios subjectifs. Là où, la démarcation citoyenne reste figée à la sécurisation des appartenances favorables . 

L’individu reste gravement épris du mode impulsif et de l’expectative selon ses liens conditionnés comme s’il revivait l’enfance en famille. Il dira  “quand rien ne va pour moi la solution viendra tôt ou tard des autres”. Ce drame profond de la dépendance anesthésie incessamment l’acte délibéré, la solution n’étant plus observée qu’à travers des complaintes répétés et des colères ponctuelles. Le désastre de l’irresponsabilité façonne alors chez l’individu  l’évitement de grandir pour prendre en charge le choix délibéré, ses droits et obligations. Voici le résultat de la mentalité déterminée d’avance quand la personne énonce : “On” nous a mené à la misère.  Il serait peut-être salutaire de méditer autour de ces réflexions de Michel Chiha, l’un des pères de la République libanaise, qui écrivait ceci en 1921, au sujet de la proclamation de l’Etat du Grand-Liban :

« C’est l’événement le plus considérable de notre Histoire. A nous maintenant d’aimer notre pays et de le servir. Gardons-nous d’oublier que nous serons toujours les artisans de ses destinées » [13].”
Les Clefs du Moyen Orient, Considérations historiques autour du centenaire de la proclamation de l’Etat du Grand-Liban, Yara El Khoury, 09/2020. 

Le présent semble habité par ce cauchemar intentionnel aux touches verbales. Il transforme la voix du vécu intime en une pensée cloîtrée . ll en résulte un labyrinthe de chassés croisés sans résultat, en attendant le départ définitif, l’abandon de la cohérence ou le recours au mode suicidaire. Tant que nous sommes encore vivants, si à tord ou à raison personne n’est donc responsable en enfer, quelle issue donc à part investir en soi le prochain pas, face à de si mauvais vouloirs ?! 

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