https://www.madaniya.info/ soumet à l’attention de ses lecteurs ce texte qui se présente comme un morceau d’anthologie du parcours de combattante d’une journaliste française d’origine tunisienne de la période 1990-2020

Récit réflexif sur le parcours médiatique d’une «immigrée» française au Maghreb (1987-2001).

Par Wafa Dahman, journaliste, doctorante en sociologie au Lames, Aix-Marseille-Université, CNRS. Wafa Dahman est contributrice de madaniya.info. Texte paru en premier dans la revue académique https://espritcritique.hypotheses.org/709 ; carnet de la revue internationale de sociologie et sciences sociale

Une Française d’origine tunisienne expatriée au Maroc. Trois années à Tanger

Médi 1 est une radio franco-marocaine (capitaux 49 % français et 51 % marocains) qui a été créée pour porter la voix de la France via la Sofirad, au Maghreb et en Afrique. C’est une radio commerciale avec une audience très forte surtout en Algérie. Une voix qui a été utilisée par le GIA groupe islamique armé pour annoncer l’assassinat le 23 mai 1996 [9] des sept moines de Thibirine enlevés deux mois plus tôt.

Pour les Algériens en France, cette revendication terroriste via une radio marocaine, ne pouvait que confirmer que Médi 1 était la voix du Maroc qui voulait déstabiliser l’Algérie. En réalité, les journalistes ne faisaient que reprendre l’actualité publiée par la presse algérienne, il n’y avait pas de «complot» marocain. Le directeur voulait garder du recul par rapport au Makhzen, l’État. Les journalistes utilisaient le terme de «Palais» pour parler du Roi et jamais d’«Altesse Royale».

C’était alors la période Hassan 2. Ils n’ont jamais diffusé le discours royal en direct comme les médias marocains, mais résumaient les parties les plus importantes.

À Médi 1, j’ai commencé par un contrat de trois mois, en tant qu’animatrice et la collaboration a duré trois ans. Je n’ai pas voulu intégrer la rédaction, car je voulais découvrir à travers l’animation, la gestion d’une radio commerciale internationale (22 à 23 millions d’auditeurs [10]).

Un animateur gère le temps, la publicité, la musique. Il est la voix de la radio, il porte son identité. Je souhaitais acquérir une nouvelle expérience qui pouvait me servir une fois de retour en France.

Radio Méditerranée Internationale, étant une entreprise franco-marocaine: les français avaient un statut d’expatrié avec des avantages, financiers, logement de fonction et un billet aller-retour pour la France une fois par an.

À mon arrivée, j’ai intégré l’équipe d’animation qui n’était composée que de Marocains et principalement de femmes. J’étais la seule étrangère. Les expatriés journalistes formaient la rédaction francophone et vivaient entre eux.

De toute façon, je ne me reconnaissais pas dans l’attitude des coopérants qui ne cherchent pas à comprendre les codes du pays, et s’ils le font, ils «descendent» de leur statut pour «séduire» et «faire plaisir» aux Maghrébins, qui le ressentent comme un privilège.

Quant à la rédaction arabophone, elle était composée de journalistes marocains.

Comme dans beaucoup de médias, les journalistes ont un sentiment de supériorité à l’égard des animateurs. Ce sentiment s’explique par le statut spécifique des journalistes, titulaires d’une carte de presse. Les conditions de ma venue attisaient également la suspicion. Tous savaient que j’étais au Maroc à la demande du directeur avec qui j’avais une excellente relation puisque nous avions, avec Radio Salam, un partenariat qui lui tenait à cœur depuis 4 ans.

Pour mes collègues animatrices, seul un «français de souche» pouvait avoir un statut de coopérant. Un coopérant est un dominant dans une société où l’on accepte qu’il ait des avantages spécifiques.

Dans mon cas, ce statut m’était symboliquement refusé. Je ne pouvais être une coopérante du fait de ma condition de Française d’origine immigrée.

Une situation ambiguë qui intriguait et attisait toutes les suspicions. Mes collègues ne pouvaient pas m’accepter en tant que femme, célibataire et libre (une Française est légitime pour vivre seule, mais pas une fille d’origine arabe). Même si j’étais dans un cadre professionnel de coopération, mon célibat déclenchait beaucoup de suspicions – femme libre et perçue comme disponible.

Chez les hommes, il y avait cette peur d’une femme diplômée, autonome, responsable de son propre destin. La société maghrébine prépare au mariage et il est difficile de comprendre qu’une femme échappe à cela, qu’elle refuse cette tradition et la transgresse. Chez les femmes, il y avait de la jalousie et de l’envie, car elles voyaient en moi le contraire de leur condition.

En Tunisie et en France, la polygamie est interdite, les femmes peuvent divorcer, elles sont libres à leur majorité de voyager sans tuteur et sans autorisation, elles peuvent transmettre leur nationalité à leur enfant, ce qui n’est pas le cas des Marocaines.

Face à la Mudawana

En 2000, lors des discussions autour de la Mudawana, code de la famille marocain où la femme reste une éternelle mineure, un débat a lieu entre modernistes et islamistes, avec entre autres le relèvement de l’âge du mariage, de 15 à 18 ans, et l’abolition de la polygamie.

Pour les religieux, à travers Nadia Yassine, fille du leader islamiste Cheikh Yassine, en résidence surveillée de 10 ans, «l’âge du mariage devait être abaissé à 14 ans et l’on doit respecter la législation islamique [11] ». Le même jour le 13 mars 2000, plus de 100 000 pro-islamistes ont défilé à Casablanca et à Rabat, les modernistes étaient moitié moins nombreux.

Devant ce débat, une discussion banale s’est engagée avec une collègue animatrice qui avait pourtant fait des études universitaires.

Nous parlions des femmes au Maroc qui vivent dans la peur constante d’être répudiées. À Tanger, il y avait beaucoup d’enfants dans les rues, mis dehors avec leur mère, au remariage de leur père. Je lui expliquais que les Marocaines vivaient dans cette angoisse permanente d’être rejetées, car la loi ne les protège pas.

Dans les souks, pour contrer cette fatalité, il y avait un marché florissant de «sortilèges» en tout genre ou des vendeurs proposent des mélanges d’encens pour que le mari «ensorcelé» ne quitte plus son épouse. Je lui ai raconté comment ma tante venant de Tunisie pour passer quelques jours à Tanger avait été abordée par l’un de ces vendeurs. Elle lui avait alors répondu: «je n’ai besoin de rien, grâce à Bourguiba qui a aboli la polygamie, mon mari ne peut plus bouger».

La réponse de ma collègue a été des plus surprenantes: «mais vous tunisiens vous ne respectez pas le Coran, la polygamie est permise par Dieu». Je lui ai fait part de ma surprise, en tant que femme, elle ne pouvait pas cautionner ce comportement.

La violence symbolique sur la place des femmes a été plus virulente à vivre au Maroc, car je partais avec un sentiment d’être privilégiée. D’origine tunisienne, je pensais maîtriser les codes de la société arabe, des relations hommes-femmes puisque j’avais déjà une première expérience d’expatriation en Tunisie. Mais en fait, la situation sociale était très différente.

Tout d’abord la langue. Le dialecte tangérois est très différent du Tunisien, imprégné de mots espagnols que j’ai mis du temps à comprendre. Alors que tout devait me rapprocher du Maroc puisque je pensais avoir une proximité culturelle, je subissais quand même la violence des relations. J’arrivais au Maroc, dans un cadre privilégié d’expatriée, oubliant que j’étais perçue comme une femme maghrébine – donc Arabe et musulmane et à ce titre la société marocaine m’imposait des codes culturels différents de celui des Françaises.

Pendant les trois premiers mois de mon arrivée à Tanger, j’ai été installée dans un hôtel. Mon travail commençait à 5h du matin. Vers 4h30, en attendant le chauffeur, je me suis retrouvée plus d’une fois dans des situations embarrassantes. Des hommes, venant principalement des pays du Golfe, me faisaient ouvertement des avances tarifées devant les responsables de l’accueil de l’hôtel qui restaient totalement indifférents. Une femme assise dans les salons d’un hôtel 4 étoiles, aussi tard ne peut qu’être qu’une prostituée.

Le statut des femmes à Tanger est difficile. Cette petite ville en 1997, n’était pas aussi développée qu’aujourd’hui.

Pour éviter d’être importunée, car je vivais seule dans une grande maison, même si j’avais deux chiens, je m’imposais des codes vestimentaires stricts pour ne pas attirer les regards. Une longue djellaba pour aller au marché suffisait pour être respectée des voisins.

Comment être française?

Au Maroc, j’étais vraiment une étrangère, j’avais une carte de séjour et je n’avais pas de repère culturel ni de famille. C’est dans ce pays où je me suis sentie une vraie «immigrée», avec cette douleur de l’expatriation, la nostalgie de la terre natale. Je rêvais de mes immeubles, de mon quartier, de ma France. Chaque année, durant les trois ans qu’a duré mon séjour au Maroc, je rentrais passer mes vacances en France, comme les immigrés qui rentrent au pays après un an de labeur.

Au Maroc, paradoxalement, je me sentais illégitime en tant que Française, fausse coopérante, mais également «fausse Maghrébine». En fait, fausse pour tout le monde; au Maroc, avec les Français expatriés et les Marocains; en Tunisie, avec les Tunisiens; et en France, chez moi, je suis classée comme issue de l’immigration.

Second retour à Lyon. Ascension et désenchantement

J’ai quitté le Maroc juste après les attentats du 11 septembre 2001. En rentrant en France, le climat était pesant.

Beaucoup de choses par ailleurs avaient changé, la France allait passer à l’Euro, je le découvrais. J’avais l’impression d’avoir raté des années. Je ne voulais plus ressentir ce déracinement. Ma place était en France.

J’ai donc retrouvé de nouveau Radio Salam, sans sentiment d’échec. Au contraire, l’expérience marocaine a été très positive. J’ai appris beaucoup de choses dans la gestion des programmes d’une radio, l’organisation des émissions, la publicité, la coordination des animateurs dans une ligne éditoriale définie. Mais je ne dois pas cacher que ces trois ans passés au Maroc et à Tanger ont également été difficiles humainement, en tant qu’expatriée et en tant que femme.

J’ai voulu donner à Radio Salam un nouveau souffle. Nous avons très vite mis en place la programmation numérique comme celle que j’avais vue à Médi 1.

Nous avons choisi les mêmes logiciels d’enregistrement, de montage, d’archivage et de diffusion de nos programmes. Ce logiciel Nétia, est utilisé par Radio France et RTL.

Mon retour à Lyon, coïncidait avec les présidentielles de 2002 et l’arrivée au deuxième tour de Chirac et Le Pen. J’ai animé, pour les législatives qui suivaient, des émissions politiques avec les candidats lyonnais qui ont pu répondre en direct aux questions de nos auditeurs. J’ai repris confiance en moi et j’ai relancé mes candidatures pour travailler dans d’autres médias. Je visais France 3 Lyon en particulier, car j’ai une histoire particulière avec cette télévision.

Après mon retour de Tunisie en 1989, j’avais décroché un rendez-vous avec le rédacteur en chef, grâce à l’intervention d’un ami journaliste. Le rendez-vous était étrange. Il m’a dit «Nous aimerions que les téléspectateurs maghrébins nous regardent davantage», j’ai répondu «qu’ils étaient comme les autres téléspectateurs curieux de l’actualité de leur région, mais que peut-être, de temps en temps, faire un reportage sur un moment culturel fort de cette communauté … que je pourrais les aider»;

Il m’a répondu: «Franchement, il y a trop de journalistes du Front National dans notre rédaction pour vous prendre avec nous, mais on pourrait imaginer des émissions en langues arabes» … J’étais sidérée : «Vous savez les journalistes vont vite voir que je suis comme les autres, et ils m’accepteront, j’ai travaillé à l’étranger et j’ai toujours trouvé ma place, mais je ne vois pas l’intérêt d’une émission en arabe pour un public lyonnais». Nous en sommes restés là.

À mon retour du Maroc, 11 ans après, j’ai de nouveau relancé France 3 et obtenu un rendez-vous avec un nouveau rédacteur en chef. Je lui ai expliqué mon parcours, mon expérience. Il me dit «Vous savez moi je suis libanais»; il me parle de son pays et il me conseille « de postuler à Al Jazira au Qatar». N’ayant rien à perdre, je lui ai répondu que j’étais née en à Lyon, que ma télévision naturelle était France 3 et que lui, en tant que Libanais, avait toutes ses chances chez les Qataris. Je n’ai pas abandonné.

Deux ans après (2004), j’ai repostulé à France 3 Lyon. J’ai rencontré un nouveau rédacteur en chef qui avait lu un article sur mon parcours paru dans Lyon Capitale, un hebdomadaire lyonnais.

Dans l’article, j’avais exprimé ma déception de voir que les portes des médias français m’étaient fermées malgré mon expérience. Il m’a dit qu’il avait eu l’intention de m’appeler, car mon profil l’intéressait, j’ai intégré la rédaction de France 3 Lyon, le 14 avril 2004.

J’ai travaillé pendant 10 ans à France 3, en cumulant près de 500 CDD, espérant un jour obtenir un CDI. Bien entendu, j’ai quitté Radio Salam avec joie.

J’ai travaillé dans toute la France, j’ai fait 38 bureaux, d’Amiens à La Rochelle, en passant par Toulouse, Clermont-Ferrand, Grenoble ou Marseille. À France 3 Lyon, lors des émeutes de 2005 (Mucchielli, Le Goaziou, 2006) qui ont touché toute la France et les banlieues lyonnaises que je connaissais bien, la rédaction m’a demandé de faire de nombreux reportages sur ces quartiers. Mes collègues avaient peur d’y aller.

La banlieue était pour eux un autre monde, dangereux. J’ai fait les reportages demandés: banlieues, immigration, islam, soit chaque semaine un reportage sur quatre sur ces thèmes pendant 2 ans. Ce qui était pour moi une expertise a été perçu comme du «communautarisme».

Les conséquences ont été un refus (non dit) de m’intégrer en CDI dans la rédaction. Ceux qui étaient arrivés après moi ont été titularisés. J’ai dénoncé cette situation discriminante en interne, la réponse de la DRH a été de me blacklister.

Mes contrats se sont arrêtés, je ne pouvais plus travailler. Je n’ai pas eu d’autres choix que de saisir la justice, aux prud’hommes et au pénal. France Télévisions a été condamnée, mais d’appel en appel, l’affaire est toujours en cours. Cette injustice, vécue comme une vraie blessure, me rappelle cette phrase de Didier Eribon (2018: 223):

«Tout cela, c’est-à-dire, toutes ces réalités vécues au fil des jours, année après année – ces insultes, ces agressions, cette violence discursive et culturelle – est gravée dans ma mémoire. Cela fait partie […] de tous les sujets minoritaires et stigmatisés».

Radio Salam, une radio «communautaire» de service public

Après France 3, j’ai travaillé à TV5 Monde où je présentais les éditions internationales de la nuit. Je ne faisais que des remplacements ponctuels. Je suis revenue encore une fois à Radio Salam où j’ai retrouvé ma place, repris en charge les programmes.

Cette radio a été un fil rouge dans ma vie. À chaque fin d’expérience, du fait de l’exclusion, de la discrimination par les médias nationaux, je revenais dans les studios lyonnais où j’ai appris à m’adapter et à comprendre les auditeurs maghrébins, avec leurs souffrances d’immigrés et leur demande de compréhension de la société française. En 30 ans, les auditeurs ont changé. Nous avons aujourd’hui une majorité de francophones, nés en France et qui se sentent pleinement français et concernés par ce pays tout comme par le Maghreb. Si au départ en 1991, nous avons imposé le français dans des émissions religieuses, aujourd’hui la question ne se pose plus, dans les mosquées les prêches sont tous bilingues.

En interne, nous subissons aussi les crispations religieuses de nos auditeurs qui demandent parfois plus de psalmodie du Coran le vendredi ou dénoncent que l’on aborde des thèmes qu’ils jugent offensants, comme la sexualité; certains radicaux dénoncent même nos campagnes pour inciter au vote lors des élections.

Radio Salam est un espace d’expression et de tensions qui correspond à la réalité que vivent les auditeurs. Nous devons en permanence garder une distance objective pour ne pas être débordés par les extrêmes.

Il est vrai que les radios communautaires en France sont stigmatisées, du fait qu’elles s’adressent à une population elle-même stigmatisée. Ce sont des radios discrètes, sous-considérées dans leur rôle, dans leur impact dans la société et sur les populations à laquelle elles s’adressent. On pourrait faire une comparaison avec le monde de l’édition, comme le dénonce Pierre Bourdieu (1999): « Face aux grandes maisons de renommée, les petites maisons d’édition de province sont absentes de tous les jeux du grand commerce éditorial, comme la course aux prix littéraires, le recours à la publicité […] Ils exercent leurs talents et leurs audaces de découvreurs de petits auteurs […]

Ces petits éditeurs sont enracinés dans une tradition nationale d’avant-gardisme inséparablement littéraire et politique […] sans pouvoir compter sur l’aide de l’État qui va aux entreprises les plus anciennes et les plus dotés de capital économique et symbolique ».

Cette nécessité d’innovation pour survivre est aussi une réalité pour les radios communautaires basques étudiées par Pascal Ricaud en 2003 :

«Vingt ans après, ces radios conservent le goût de la nouveauté, de l’expérience toujours renouvelée, de cette créativité et de cet appétit pour l’aventure humaine et technique qui caractérisent encore les radios libres ».

Les radios « communautaires » de langue arabe comme Radio Salam ont cette nécessité d’inventivité pour survivre avec un petit budget de fonctionnement.

De plus, elles s’adressent à un public particulier qui a besoin de ce lien radiophonique pour comprendre et s’insérer dans notre société. Leur rôle de service public est invisible et pourtant indispensable.

Conclusion. Les paradoxes de la réflexivité

Si Radio Salam n’a pas été un choix de carrière, elle m’a obligée à m’interroger et à ne pas vivre le communautarisme comme la négation de l’appartenance et du sentiment national ;

Radio Salam n’est pas le contraire ou l’adversaire des autres radios locales, associatives ou commerciales. Elle est complémentaire dans sa dimension, locale, mais aussi nationale et internationale. Ce n’est pas une radio fermée sur un petit groupe social ou ethnique, à ce titre on ne peut pas dire qu’elle soit une radio communautaire.

C’est ce travail de réflexivité qui m’a permis de le comprendre et de revenir sur un passé oublié, des expériences négligées qui ont fait remonter des paradoxes et des contradictions psychologiques et sociologiques. La création de Radio Salam est une véritable «invention» locale.

Il est vrai que j’ai eu une trajectoire singulière, rare dans l’univers sociologique des familles maghrébines en France. De longs séjours entre les deux rives de la Méditerranée dans des moments historiques importants, l’arrivée de Ben Ali en Tunisie, et la mort du roi Hassan 2 au Maroc.

Pour la France, la fin des années 1990 correspond à  la montée de l’islamisme politique, avec les attentats du RER B[12], suivi de la course poursuite et la mort du poseur de bombe Khaled Kelkal à Vaulx-en-Velin, sans oublier les émeutes urbaines de 1991 (Beaud, Pialou, 2003) et 2005 qui ont mis les banlieues et leurs habitants au cœur de l’actualité en les stigmatisant davantage.

Au terme de l’évocation de toutes ces expériences multinationales, je réalise que tout mon parcours a été traversé par la montée de l’islam politique et de la violence religieuse, et ce dès le début de ma carrière en Tunisie, jusqu’à aujourd’hui.


Wafa Dahman

Journaliste Rédactrice Présentatrice, j’ai travaillé principalement en Radio et Télévision. Une longue expérience de plus de 20 ans dans des médias français mais aussi à l’étranger comme au Maroc MEDI 1 ou en Tunisie la chaine nationale francophone. J’ai un intérêt particulier pour tous les sujets touchant, l’immigration en France, l’Islam et bien sur le monde arabe. Depuis 2014 j’interviens à l’université Lyon 2 Je donne un td presse ecrite à des licences sciences politiques J’interviens également à Iscpa pour des cours de radio et du média training


RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
  • Bancel N., Blanchard P., Boubeker A., 2005, Le grand repli, Paris, La découverte.
  • Beaud S., Pialou M., 2003, Violences urbaines, violences sociales, Genèse des nouvelles classes dangereuses, Paris, Fayard, coll. « Pluriel ».
  • Boubeker A., 1999, Famille de l’intégration, Paris, Stock.
  • Bourdieu P., 1986, « L’illusion biographique », Acte de recherche en sciences sociales, vol. 62-63, juin, p. 69-72.
  • Bourdieu P., 1999, « Une révolution conservatrice dans l’édition », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 126-127, mars, p. 3-28.
  • Colonna F., 1976, Instituteurs algériens, 1883-1939, Paris, éditions Fondation nationale des sciences politiques, 1976.
  • Eribon D., 2019, Principes d’une pensée critique, Paris, Fayard, coll. « Pluriel /».
  • Eribon D., 2018, Retour à Reims, Paris, Flammarion, coll. « Champs essais ».
  • Lorcerie F. 2003, L’école et le défi ethnique, Paris, INRP-ESF, coll. « Actions Sociales/Confrontations ».
  • Masclet O., 2013, « Rendez-vous manqué avec « les beurs »», Plein droit, 2, n° 97, p. 12-15.
  • Memmi A., 1985, Portrait du colonisé, portrait du colonisateur, Paris, Gallimard.
    Mohammed M., Talpin J., 2018, Communautarisme ?, Paris, PUF, coll. « La vie des idées ».
  • Mucchielli L., Le Goaziou V., 2006, Quand les banlieues brûlent … Retour sur les émeutes de novembre 2005, Paris, La Découverte.
  • Naba R., 1998, Guerre des ondes… Guerre des religions, Paris, L’Harmattan.
  • Noiriel G., 2009, Immigration, antisémitisme et racisme en France, Paris, Seuil.
  • Ricaud P., 2003, « Radios communautaires en Pays Basque, analyse d’un succès », in Cheval J.J. (dir.), Audiences, publics et pratiques radiophoniques, Groupe de recherche et d’études sur la Radio, Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine, p. 63-66.
  • Sayad A., 1999, La double absence, Paris, Seuil.
  • Weber M., 2019, Les communautés, Paris, La Découverte.
NOTES
  1. « Il n’existe pas de mot plus disqualifiant dans l’espace public français contemporain que celui de «communautarisme».
    Ce terme flou et à connotation négative renvoie à des formes d’entre-soi, de séparatisme et de repli de groupes qui partageraient des pratiques et des conceptions du monde social singulières et manifesteraient une défiance à l’égard de la mixité sociale, ethnique ou religieuse. Depuis la fin des années 1980, les musulmans incarnent cette menace spécifique pour l’« ordre républicain » (voir Mohammed, Talpin, 2018 : 5).
  2. « Ce type « artificiel » de formation d’une croyance à une identité ethnique commune correspond tout à fait à un schéma que nous connaissons, celui de la réinterprétation de sociétisations rationnelles en relations de communauté personnelles » (Weber, 2019 : 140).
  3. Voir le documentaire Français d’origine contrôlée de M. Kessous, diffusé sur France 2 pour les 30 ans de la Marche pour l’égalité (1e partie  et 2e partie)
  4. « Lors des incidents qui se sont déroulés au printemps 1983, un habitant de la cité Toumi Djaïja, a été blessé par la police alors qu’il cherchait à s’interposer pour éviter un nouvel affrontement avec les jeunes du quartier. Quelques mois plus tard, avec l’aide du père Delorme et de la Cimade, il crée l’association SOS-Minguettes qui décide d’organiser à partir d’octobre 1983 une marche pour protester contre les violences policières et améliorer l’image des jeunes issus de l’immigration dans l’opinion publique. Partis de Marseille dans l’indifférence quasi générale, les marcheurs arriveront le 3 décembre à Paris, où ils sont triomphalement accueillis par plus de 100 000 personnes. » (Noiriel, 2009 : 617).
  5. À chaque nouvelle commémoration de la Marche, des analyses mettent en avant le rôle joué par SOS-Racisme dans la marginalisation des porte-parole « beurs ». Créée fin 1984, cette association connaît une réussite inattendue : en quelques mois, elle s’impose comme la figure de proue du combat contre le racisme, déclassant les leaders de la mouvance beur mais aussi les associations comme le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP) ou la Ligue des droits de l’Homme (LDH) depuis longtemps engagées sur ce terrain (voir Masclet, 2013).
  6. Influencés par un « grand frère » djihadiste, Mourad Benchellali et Nizar Sassi, deux jeunes du quartier des Minguettes à Vénissieux, sont partis en 2001 pour un voyage « initiatique » en Afghanistan, où ils croisent Ben Laden, quelques semaines avant le 11 septembre. Arrêtés par les américains, ils feront 30 mois de détention à Guantanamo et 18 mois de prison en France.
  7. Les massacres de Sétif, Guelma et Khérrata : des émeutes nationalistes éclatent à Sétif à l’occasion des manifestations du 8 mai 1945, causant la mort d’une vingtaine d’européens. La répression de l’armée française sera sanglante et disproportionnée avec du côté officiel français, 1 500 morts et pour les algériens, 40 000 morts.
  8. Sur ordre du préfet de Paris Maurice Papon, les policiers ont violemment réprimé une manifestation pacifique des algériens du FLN qui dénonçaient le couvre-feu qui leur était imposé. On dénombre plusieurs centaines de blessés et une centaine de morts, dont de nombreux corps seront retrouvés dans la Seine.
  9. Voir La croix, « Chronologie : Tibhirine et les années noires de l’Algérie », 18 mai 2010.
  10. Catherine Simon, « Médi 1. Pionnière des ondes Maghrébines », Le Monde, 12 février 2001,
  11. José Garçon, « Les islamistes défilent à Casablanca, les « modernistes » à Rabat », Libération, 13 mars 2000
  12. Le 25 juillet 1995 à Paris vers 17h, une bombe a explosé dans un train de la ligne RER B aux abords des quais de la gare de Saint-Michel-Notre-Dame. Le bilan est de 8 morts et 117 blessés. L’attentat sera revendiqué par le GIA, Groupe islamique armé, et les deux auteurs seront identifiés : Khaled Kelkal et Boualem Bensaid.

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