Ce qui s’est passé il y a une semaine va probablement se diluer et se dissoudre dans la mémoire collective du bipède libanais. Pourtant, beaucoup de questions se posent, se reposent et se reposent encore.

La première, évidemment est celle du drapeau espagnol. Il est évident que chaque politicien a voulu sa part de victoire. De selfies sur le champ de batailles aux caméras cachées dans les blockhaus de l’Etat-Major, ils nous en ont bien servi. Tellement que tu te demandais à quel point les machines propagandistes des oranges, des jaunes, des bleus et autres monochromatiques, te prenaient pour le dernier des derniers. Seulement, il y a un moment, où la barre vole tellement bas que tu n’en peux plus de te cogner la tête dessus : le drapeau espagnol ! Oui, je ne prétends pas avoir été aux premières lignes du front, mais, quand même, tu imagines le soldat untel qui a décidé de son plein gré de transporter un drapeau espagnol avec lui pour aller mater les daeshistes ? Franchement ? Imagine : le soldat untel est appelé au front. « Maman, où que tu as mis mon drapeau espagnol ? Je vais faire la guerre des Jroud ! j’en ai vachement besoin ! ». Pire encore : je donnerai mes deux que tu ne peux pas trouver un seul drapeau espagnol ailleurs qu’à l’ambassade d’Espagne sauf pendant la période du Mundial – qui lui n’est pas prévu pour cette année. Pire encore, la même agence de publicité a choisi de relancer la pub deux jours plus tard en demandant à un partisan d’aller planter un drapeau Libanais en Espagne et de titrer que l’Espagne remercie le Liban. Rilly ??? (en anglais dans le texte).

La triste nouvelle est tombée comme un couperet. Nos soldats otages sont venus s’ajouter à la longue liste de tous ceux qu’on a abandonnés. Au lieu de laisser les parents se consoler dans la dignité, nos politiciens ont décidé de faire la guerre aux « responsables », nommément le Président Sleiman, le Premier Ministre Salam et le Ministre Rifi. Pourtant, sur les trente ministres qui étaient dans le gouvernement précédent, je pense qu’il y a une vingtaine au moins qui sont toujours là. En plus, aucun mot sur le « retard » à prendre cette décision : le gouvernement actuel est là depuis presque un an. Pourquoi n’a-t-il pas décidé de libérer les otages dès le premier jour ? Qu’en est-il des « disparus » si chers à Ghazi Aad et des preuves qu’il a amassées pendant plus de vingt ans ? Pourquoi ce nouveau gouvernement, libéré de ses éléments perturbateurs et anti-patriotiques, n’a-t-il pas encore pris une décision concernant le camp de Ain el Heloué, refuge agrée de plusieurs terroristes, avant que d’autres soldats n’en paient le prix ? D’après le Général Chamel Roukoz (LBC, 20 Août 2017), le camp de Ain el Heloué est beaucoup plus « facile » que celui de Nahr el Bared et ne devrait poser aucun problème pour l’armée. Le gouvernement pourrait donc avoir la main haute et négocier un désarmement pacifique.

Pire encore, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, l’armée victorieuse n’était pas sur la table des négociations. Les quelques trois cents daeshistes sont rentrés, impunément, en touristes de l’autre côté de la frontière. Oui, trois cents seulement. Qui avait convaincu les poissons rouges que les daeshistes envahiraient Jounieh ? et pourquoi Jounieh, à chaque fois ? Les palestiniens de la guerre de 75 ne devaient-ils pas « passer par la route de Jounieh » pour reprendre Jérusalem ? Pourquoi Jounieh ? Dans l’œil de qui (en arabe dans le texte) ? Jounieh, qui est peut-être la seule région du Liban où aucun soldat hostile, même frère, n’a pu mettre les pieds !

Qui a donc intérêt à montrer que notre armée soitimpuissante ? On nous a dit qu’elle ne pouvait pas faire de guerre de rues, elle a vaincu à Nahr el Bared. On nous a dit qu’elle ne pouvait pas combattre Daesh, il s’est avéré qu’elle est la première armée régulière à avoir repoussé une attaque massive de Daesh (Aarsal, 2014). Bien sûr, je n’ai rien d’un expert militaire. C’est pourquoi tu ne peux pas savoir ma joie lorsque j’ai écouté le العميد شامل روكز – General Chamel Roukoz donner son avis sur la question (LBC, 20 août 2017) – je n’invente rien, c’est sur YouTube : notre armée n’a jamais été aussi forte ; Elle a toujours été capable de tenir toutes les frontières et l’intérieur du pays ; Elle n’a jamais été mieux équipée et les aides américaines comportent des chars, des avions et des armes stratégiques.

Heureux comme des enfants au festival de Jounieh (tiens, Jounieh !), les monochromatiques n’ont pas vu passer la nouvelle loi sur les taxes. Oui, le Liban devrait être connu pour autre chose que « de la plage à la neige en 30 minutes » (ce qui n’est même plus vrai), il devrait aussi figurer dans le Guiness dans la rubrique du seul pays au monde où les citoyens applaudissent les taxes qui leur sont imposées et trouvent des excuses à des dirigeants corrompus qui votent des taxes mais pas de budget. Chapeau quand même au député Samy Gemayel qui a pu présenter un recours auprès du conseil constitutionnel. Tristement, il a dû faire des mains et des pieds pour rassembler dix députés sur cent vingt-huit pour défendre ceux qui les ont élus.

Deuxième gifle, et de taille, le report prévu des partielles. Rien à dire. Si tu n’as pas compris, tu as un problème.

Oui, ce gouvernement, celui qui l’a précédé, et tous ceux qui l’ont précédé depuis 2005, nous ont offert des cerises sur le gâteau, sauf qu’en guise de gâteau, tu as autre chose que du gâteau. Peut-être que Vendredi, la minute de silence qu’il observera sera la meilleure chose qu’il nous aura offert.

Nasri Messarra
Nasri Messarra est maître de conférences et docteur en gestion, spécialisé dans la communication et les stratégies du marketing viral sur Internet et sur les réseaux sociaux en ligne. Il joue le rôle de consultant auprès de plusieurs entreprises, organisations et individus (personal branding) depuis 1994.

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