La journée de ce mercredi a été marquée par la chute dramatique de la livres, libanaises face au dollar. 

Les seuils de 53 000 livres libanaises pour un dollar, puis de 54 000 livres libanaises pour un dollar, puis de 55 000 livres libanaises pour un dollar, ont été facilement franchis en l’espace d’une journée seulement, comme si rien ne pouvait l’arrêter. On se trouver comme devant un train devenu fou, un camion dans une descente sans frein, une catastrophe pour beaucoup de gens qui sont déjà durement touchés par une crise financière qui dure depuis trois ans. Il faut tout de même rappeler ici que désormais plus de 85 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté et même un tiers de la population dans un état de pauvreté extrême. L’insécurité alimentaire touche un tiers de la population qui ne bénéficie pas des flux de la diaspora. La situation sociale économique est explosive comme en témoignent les coupures de route qui se multiplient ces derniers jours, mais qui font l’objet d’une sorte d’Omerta.

Pourtant, cette détérioration rapide de la livre libanaise, même si elle était attendue est surprenante. 5% en un seul jour. 

Évidemment, plusieurs facteurs y ont contribué comme les inquiétudes grandissantes concernant l’état réel des réserves monétaires, et d’ailleurs on a vu hier que seulement 35 millions de dollars ont été changés à 38 000 livres libanaises pour un dollar via la plate-forme électronique de la Banque du Liban, Sayrafa. 

Évidemment, de même, l’augmentation de la masse monétaire via des circulaire de la banque du Liban, qui semble vouloir éponger les pertes des banques locales via une liratification d’une partie des dépôts, est aussi un facteur connu, comme le fait que la réalité économique s’impose même en cas de hausse de la parité officielle, la valeur d’un dollar réel reste la même par rapport à ce qu’on désigne désormais le lollar. L’écart donc entre ces pseudos monnaie, imaginée par les banques et de la Banque du Liban afin de qualifier les dollars précédant le 3 novembre 2019, et ainsi permettant leur liratification et le dollar réel est à chaque fois, compensé par une perte de valeur de la livre libanaise.

La multiplication des taux de change a ainsi permis également à certains intérêts d’en tirer parti. Ainsi, les banques ont pu ainsi réduire leurs pertes auxquelles elles étaient confrontées, et les importateurs de continuer à bénéficier de profit, à hauteur de 15 % pour chaque transaction entre marché noir et plateforme électronique Sayrafa de la Banque du Liban. Ainsi, il n’en est nul besoin même au contraire – il faut le faire poursuivre le plus longtemps possible pour eux – d’unifier les taux de change comme d’ailleurs cela est exigé par la communauté internationale et le fonds monétaire international.

En évoquant la communauté internationale et le FMI, on peut encore citer l’absence de perspective dans le cadre de la finalisation d’un accord avec le FMI que le gouvernement n’évoque même plus depuis plusieurs mois. Le sujet évidemment du FMI fâche parce qu’il s’agit d’imposer des réformes économiques à un système mafieux qui refuse de lâcher, des réformes fiscales, économiques ainsi que monétaires et surtout financières avec une restructuration des banques du Liban avec la répartition exigée d’une grande partie des pertes sur les actionnaires de celles-ci et aussi de la gouvernance de la Banque du Liban elle-même. 

Cependant, un nouveau facteur est apparu hier, avec l’annonce du département du trésor des États-Unis, de l’instauration de sanctions économiques visant un changeur agréé par la Banque du Liban dans le cadre officiel de la lutte contre les réseaux financiers du Hezbollah. 

Si les sanctions se limitent pour le moment à la sphère « Hassan Moukalled », le document cite à cinq reprises ses liens avec la Banque du Liban. 

Par le passé il y a déjà eu des sanctions économiques visant des banques libanais notamment en 2014 la BLC et peu avant à la crise. En 2019 avec la Jamal Trust Bank. 

Mais jamais la Banque du Liban n’a été cité autant de fois… jusqu’à présent dans un document du trésor des Etats-Unis. 
Fait d’autant plus troublant, cet agent de change a été agréé par le gouverneur de la Banque du Liban lui-même, notent des sources informées, le mettant directement en cause et retirant par conséquent la couverture américaine qui assurait jusqu’à présent sa survie.

Ce facteur a entraîné une crainte de voir d’une part, d’un des principaux changeurs de ne pas pouvoir continuer malgré tout à alimenter le marché local en devises, sortir du marché, amenant donc à une hausse de la demande par rapport à l’offre, et diminuer d’autant la parité de la livre, libanaise face au dollar.

Mais les conséquences peuvent aller au-delà, même si elles sont très improbables. Le fait même que le département du trésor américain, cite à cinq reprises, la Banque du Liban pourrais avoir de sérieuses implications.

On savait le gouverneur de la banque du Liban déjà lâché par Washington à la suite de la multiplication des plaintes et des poursuites même devant les cours de justice européennes pour détournement de fonds et blanchiment d’argent, alors que selon ce qu’on sait des visites des enquêteurs européen en Liban, des faits existent et sont donc avérés.

Impliquée déjà dans des détournements de fonds, la Banque du Liban fait désormais également face à un autre risque légal plus important, celui de l’instauration de sanctions économiques contre non seulement ses dirigeants, mais aussi son institution puisque accusée de collaborer, selon Washington avec une organisation considérée par les américains comme terroriste. 

On peut ainsi penser que les fonds dont dispose toujours la Banque du Liban aux États-Unis pour acheter pétrole par exemple ou autre matière première pourrait faire l’objet d’un gel financier tout comme lors de ses réserves d’or qui seraient hébergé auprès de la FED. 

Pire encore, on pourrait très bien imaginer que des poursuites devant des cours de justice américaines par des victimes du Hezbollah puissent avoir lieu et pourraient donner droit à des compensations importantes à celles-ci.

Pire encore, on pourrait imaginer le système financier libanais coupé du système financier mondial.

Mais cette perspective évidemment est très peu probable est bien lointaine si elle se concrétise pour le moment. Il s’agit aussi de raison garder et surtout de ne pas rendre plus difficile la situation financière de nombreux ménages déjà confrontés à une crise majeure. Il faut tout de même rappeler que cette crise est l’une des trois crises financières les pires au monde depuis la moitié du XIXe siècle selon un rapport de la banque mondiale.

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