Photo : Eugene Delacroix, La liberté guidant le peuple (1830)
Photo : Eugene Delacroix, La liberté guidant le peuple (1830)

Et puis, tout simplement se taire. Il arrive que quelques minutes comptent bien plus que des heures. Parfois. Pas tout le temps. Mais la plupart du temps. S’arrêter. Se perdre au milieu du monde. S’assoir en tailleur sur une chaise en paille. Regarder les gens assis derrière un bar. Comme moi. Comme vous. Comme eux. Comme d’habitude.

Les gens. Le monde. Se demander à quoi peut ressembler leurs vies. Voir des yeux tristes. Chagrin. D’amour ? Peut-être… Les vies des autres peuvent être d’une monotonie. Bailler. Être en retard. Vouloir repartir. Mais rester. Rester pour moi. Pas pour les autres. Juste une heure de plus. Pour respirer à plein poumons. Finir par être en retard. S’en foutre un peu…. Juste un tout petit peu.

Flashbacks. Nous avions l’habitude de nous retrouver. Lui devant son croque-monsieur et moi devant ma salade. Lui avec son whiskey et moi avec mon verre de vin. Lui avec ses cigarettes roulées ou ses havanes et moi avec mes blondes. Se retrouver pour parler de tout, de rien, de nos vies respectives. De nos amours déchus. De la lunette des WC que l’autre ne sait pas rabaisser, ou du dentifrice écrasé juste au milieu. Nos crises de nerfs respectives. Le tempo des amitiés. Un va et vient. De grosses rigolades sur le rythme de balançoires. A se souvenir. D’hier. De nos vingt ans quand nous étions terriblement sûres de devenir milliardaire à trente. De nos années volages.  Quand l’amour disait je t’aime et ne faisait pas de « like ». En chuchotements. Comme une glace qu’on n’ose pas achever très vite. Bien avant que Macron ne devienne président et nous foute une belle claque. Dis ? Il a notre âge Macron ? Oui. Sec. Ouf ! Un deuxième verre alors ? Cul-sec. Névroses.

Espérer comme il ne devrait pas être permis de le faire. Espérer ne pas se tromper. Avoir appris qu’on ne dit pas je veux mais j’aimerais. Alors je voudrais. Pour être au milieu. Je voudrais. Ne plus dire de conneries. Mettre mes pieds nus dans le sable, sentir que c’est à la fois doux et tiède. Poser mon stylo. Fermer mes yeux. Courir derrière le soleil cette fois. Vouloir lui arracher ses rayons un a un pour me tenir chaud au cœur. Narguer le destin. M’abandonner aux choses futiles. Juste une fois… une seule petite fois. En avoir envie jusqu’à en perdre la raison. Ne pas savoir ce que signifie réellement la raison. Des hauts et des bas. Des déceptions et des sourires. Des « je ne sais quoi » et des « je ne sais pas pourquoi ». Des questions. En rafales. Strictes.

Je voudrais. Que le monde retrouve un peu d’équilibre. Petit Poucet lâche ses cailloux. Le monde se perd. Tout part en couilles. Les gens s’explosent de haine. Les jeunes se meurent de faim. Les protestations dégénèrent. J’ai mal. Partout. Je voudrais… un peu de calme ! Pour pouvoir écrire et te dire Gamin. Tu as ce charme que l’on ne veut plus. Garde la tête haute. Tu surviras !

Je ne terminerai pas ma salade. Au loin. Un harmonica. Et l’accordéon de Yann Tiersen. Des sanglots tout au fond. Je suis en retard. Ne me bousculez pas. Comment fait-on pour vivre, comme si de rien n’était ?

Photo : Eugene Delacroix, La liberté guidant le peuple (1830)

Hala Moubarak
Trentenaire aux cheveux rouges. Hier, un cri. Aujourd’hui, elle est «À cor et à cri ». Ambidextre. Architecte d’intérieur. Enseignante. Designer à ses heures perdues. Dévoreuse de livres d’histoire et de littérature. Mordue d’art. Râleuse au second degré. Vit une relation ambigüe avec Beyrouth. Se promène souvent avec l’énergie d’une étoile. Aime manger de la glace à la vanille. Grande rêveuse idéaliste. Atteinte d’une folie passagère. Fut le chat de Toulouse Lautrec dans une vie antérieure ! Si, si… je vous le jure !

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