La Résistance libanaise, sert – elle la paix ? Par Dr Riad JREIGE

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De toutes les polémiques dont la classe politique libanaise a le secret, celle qui concerne la Résistance et son armement, continue par médias interposés, d’ alimenter des discussions sans jamais la régler.

Mettre autour d’une même table les protagonistes pour en débattre, dans le but de la résoudre, représente la façon la plus pragmatique pour y arriver.

Pour autant à ce jour, tout reste à faire.

L’attitude, le comportement, les actions, le discours, le raisonnement concernant l’utilité et l’utilisation de l’armement du Hezbollah exprimés par son secrétaire général Sayyed Hassan NASRALLAH, notamment en date des 2 et 7/08/2012, paraissent cohérents, logiques, patriotiques et souverainistes.

Nous allons tenter de l’expliquer en revenant sur le fond du problème (les armes de la Résistance) et en envisageant les deux principales hypothèses qui le corroborent (remise ou non de cet armement à l’armée régulière libanaise).

– L’objet de la discorde :

Les armes de la Résistance …  et la Résistance

Toute personne qui lutte contre une occupation illégitime de son territoire est un résistant. Ceci s’applique à elle, indépendamment de sa confession ou de sa communauté. Au Liban, jusqu’à preuve du contraire, l’armée israélienne continue d’ occuper illégalement des territoires libanais. Israël continue de se comporter comme l’ennemi du Liban. Le Hezbollah est un parti politique libanais qui lutte contre l’occupation israélienne de ces territoires libanais. Il est donc un parti politique résistant avec sa propre organisation paramilitaire (objet de la discorde). Les armes du Hezbollah font donc partie des armes de la Résistance libanaise qui lutte contre l’occupation israélienne. Ces armes lui ont été offertes et sont régulièrement mises à jour, par la République islamique d’Iran, ceci depuis 1982, pourquoi ?

Pour à la fois, étendre son influence (gardiens de la révolution) et tenir tête à Tsahal, l’armée israélienne, par l’intermédiaire de leurs coreligionnaires libanais. Ceci au moment où, cette armée entreprenait son invasion du sud et au delà jusqu’à Beyrouth. La capitale libanaise dont elle a fait le blocus durant l’été de cette même année.

Le siège de Beyrouth avait abouti à l’expulsion, sous protection française, de l’OLP et de son chef charismatique (Yasser ARAFAT), vers Tunis.

Tsahal devait stationner au Liban durant de très longues années jusqu’à ce qu’elle soit forcée en Mai 2000, guidée par son pragmatisme implacable constatant l’inflation du nombre des pertes humaines dans ses rangs, perpétrées par la Résistance, à quitter, unilatéralement et sans conditions – ni aucun accord de paix -, la quasi totalité du territoire libanais (exception faite de Ghajjar, Kfarchouba et les fermes de Chebaa).

Quelques années plus tard, en Juillet 2006, à la faveur d’un enlèvement de soldats de Tsahal, stationnés à la frontière sud du Liban, Israël déclencha une attaque aérienne, maritime et terrestre de grande envergure contre le Liban, trente trois jours durant. Attaque qui s’était soldée par l’échec de l’armée israélienne puisque aucun des objectifs qu’elle s’était fixée n’avait été atteint. Ceci l’a conduit à quitter unilatéralement le territoire libanais, non sans avoir détruit l’infrastructure d’une bonne partie du pays.

A ce jour, dixit les autorités israéliennes, le Hezbollah détiendrait un arsenal de guerre impressionnant dont la puissance de feu paraît être plus importante que jamais. Cet arsenal devait être le sujet principal des discussions autour de la « table de dialogue » initiée en 2006 par le Président de la chambre (Nabih BERRY), interrompue et poursuivie depuis 2011 par le Président de la république (Michel SLEIMAN).

A ce jour, dixit le secrétaire général du Hezbollah, aucun débat n’a eu lieu autour de la « table du dialogue » concernant le rôle de cet armement, pourtant clairement exposé, par lui même, en Avril ou Mai 2006.

Nous allons répondre à deux des questions, en rapport avec cet armement, que tout citoyen libanais est en droit de se poser.

1 – Que se passerait-il si l’armement de la Résistance était remis à l’armée libanaise ?

D’aucuns diraient qu’Israël, ne se sentant plus menacée, n’attaquerait plus le Liban. L’on dirait même que si les armes avaient été remises plus tôt, le Liban n’aurait probablement pas été attaqué en 2006. Autrement dit, ce ne serait pas tant l’armement que les détenteurs de celui-ci, ou l’usage qu’ils en feraient, qui représente en fait la menace.

L’armée libanaise ne l’utilisera pas, ne faisant pas, raisonnablement, le poids face à son ennemi potentiel : l’armée israélienne. Ou alors si elle devait l’utiliser contre Tsahal, le résultat ne laisserait personne perplexe.

Ainsi en pratique, le Liban aurait la paix et demeurerait ainsi soumis à la bonne volonté d’Israël, serait-ce pour un semblant de paix, pour faire la Paix ou pour faire la guerre.

Mais cette dernière éventualité ne serait plus d’actualité, puisqu’il suffirait à Tel-Aviv de hausser le ton pour que Beyrouth obtempère. Comme jadis, nous compterions à nouveau sur la faiblesse militaire du Liban pour espérer éviter la guerre.

Pour rappel, les libanais n’ont pratiquement jamais été les seuls à vivre au Liban. En effet, dès 1948, l’afflux des réfugiés palestiniens sur son sol, à la faveur de la création de l’état d’Israël, changeait cette logique. Et les palestiniens du Liban, dés avant 1970, avaient « le droit » de s’attaquer à Israël. Laissant présager les multiples ripostes en tout genre de la part de l’armée ennemie. A l’intention des libanais qui ont connu la guerre du Liban de 1975, nous avions vécu les manquements de l’armée, résultante pour l’essentiel, des politiques qui la commandaient. Surtout dans le contexte régional particulier : Le Liban entouré par deux puissances régionales qui influençaient les courants politiques libanais en les divisant au moins en deux, ceci pour assouvir leurs besoins de conflits … sur son compte.

En réagissant de la sorte, nous répondrions favorablement aux attentes des USA et d’Israël : Le Liban endossant le rôle pour lequel il avait étè créé. Toute menace de sanction économique ou bancaire serait levée … momentanément. Qui sait, peut-être même que les 60 ou 70 milliards de $ de dettes seraient effacés d’un seul coup.

Le Hezbollah serait désarmé et ne représenterait plus aucun danger pour Israël. Il n’y aurait plus de Résistance.

Que faire alors de la présence massive des palestiniens des camps de réfugiés au Liban ?

Nous attendrions une solution qui nous serait imposée et qui stipulerait, en substance : de les naturaliser pour permettre leur établissement définitif au Liban. Ainsi, le problème des réfugiés serait, lui aussi, résolu. Car à ce jour, personne n’évoque sérieusement le retour de ces réfugiés en Palestine. Etant donné le peu d’enthousiasme dont ont fait preuve et continuent de le faire, à la fois les USA et Israël à résoudre, de la sorte, ce problème-là.

Toute autre solution ne serait pas réaliste, vu la politique poursuivie par Israël et suivi en cela par les USA et celle inconsistante sur ce sujet, suivie par les gouvernements libanais successifs et dictée également par les USA.

La question à se poser serait alors, voudrions-nous cela ?

A assister à la polémique toujours d’actualité mais datant de quelques années déjà, mettant en cause les armes du Hezbollah, l’on remarque cette consternante “philosophie” de la vie libanaise :

–      fataliste visant à admettre sa faiblesse, en espérant en tirer bénéfice, en se laissant dicter son comportement

–      et corruptible en confiant, une fois de plus, le soin à nos politiciens, de faire avaler cette pilule amère à la population libanaise.

En agissant de la sorte, non seulement nous récolterions le déshonneur mais en plus très vite nous aurons la guerre. Le Liban endossant le rôle d’  “état tampon” qui depuis sa création, n’arrête pas d’absorber les chocs que ses voisins lui infligeaient.

Evitant ainsi de se les infliger directement.

2 – Que se passerait-il si l’armement de la Résistance n’était pas remis à l’armée libanaise ?

Même si le Liban devait récupérer la totalité de son territoire, les armes du Hezbollah ne seraient pas restituées à l’armée libanaise, pourquoi ? A cause de la “stratégie de défense” ainsi que celle de “la libération”, non plus seulement du territoire libanais en tant que tel mais de tous les territoires arabes. Ceci lors d’un règlement global du conflit israélo-arabe, dont celui israélo-palestinien.

Sayyed NASRALLAH a exposé la « stratégie gagnante libanaise et arabe » face à l’expansionnisme israélien rampant depuis plus de 60 ans, qui a infligé des pertes arabes itératives depuis 1948 à 1973, date à laquelle le Président égyptien de l’époque SADATE avait su surprendre les israéliens pendant quelques jours seulement. Ce qui lui avait valu d’être récompensé pour cela.

Tout affrontement entre Tsahal et n’importe quelle armée régulière arabe, c’est-à-dire avec une couverture aérienne conséquente, seule ou associée à d’autres armées réguliéres, se soldera pratiquement sûrement par un échec ; nous n’entrerons pas dans les détails mais l’histoire récente de la région nous l’a bien démontrée.

Nous ne nous étendrons pas, non plus, sur la cas de l’armée libanaise qui, malgré tout le respect que nous tous libanais lui devons, malgré son dévouement exemplaire, son professionnalisme et son courage forçant l’admiration, ne dispose pas et ne disposera pa, ni d’une force aérienne, ni de l’armement terrestre nécessaire, susceptibles de menacer, un tant soit peu, Tsahal.

Rappelons qu’il est toujours défendu à l’armée réguliére libanaise, de détenir quel qu’armement que ce soit pouvant directement menacer Israël (essentiellement l’aviation). Il est vrai que l’absence physique de l’armée dans le Sud, résultat d’une décision politique, à postériori absurde, pendant des années, ne lui permettait pas de se confronter à la réalité du terrain. Ceci étant, même si elle avait été présente pendant toutes les années de 1982 à aujourd’hui, rien ne pouvait raisonnablement la conduire à demander, ou à forcer Tsahal, à quitter le territoire libanais  – “château d’eau” vital, dont le besoin pour le Nord d’Israël n’est plus à démontrer -.

Autrement dit, la présence de la Résistance libanaise dans le Sud, dont la population est certes composée essentiellement de chiites, à côté des sunnites, druzes et chrétiens, vivant tout simplement là, est un élément majeur à prendre en considération. En plus de la présence du Hezbollah et de son armement, toujours plus adapté à la lutte, à la manière des guérillas, non structurée à la manière d’une armée régulière, capable de menacer Israël. C’est bien le fait de menacer Israël qui est déterminant.

La démonstration en a été faite en 2000 mais aussi et surtout en 2006, lors des trente trois jours de la guerre d’Israël contre le Liban. La force de frappe de la Résistance libanaise, n’importe où en Israël, devient une réalité. Ce qui représente un danger réel pour au moins deux à trois millions d’israéliens ainsi que pour I’état d’Israël. Ce dernier est convaincu désormais, que la Résistance libanaise est capable de répondre, point par point, à n’importe quelle attaque de la part de son armée et ce d’une manière proportionnée.

Le potentiel de la terreur devient bilatéral, équilibrant les forces en présence, ce qui militairement pourrait signifier la désescalade : C’est la « dissuasion ». Ce qui a été acquis, c’est cette force de frappe capable de tenir tête à Tsahal. C’est cela qui est important. Les ingrédients, pour tous les pays concernès directement par ce conflit et qui voudraient s’inspirer de l’exemple libanais :

Une armée idéalement forte (bien qu’au Liban on en soit loin) et une véritable Résistance avec sa population et son armement. Il est clair que la République Islamique d’Iran, puissance régionale, continue à alimenter gracieusement le Hezbollah. Nous pouvons en dire au moins autant d’Israël et de son donateur : Les  USA, puissance impériale incontestée.

Jusqu’à quand détenir cet arsenal ?

Dans la logique qui prévaut au Proche et Moyen-Orient depuis plus de trois générations, jusqu’à ce qu’il y ait une solution globale et juste du problème israélo-arabe dans son ensemble. Avec restitution des territoires palestiniens occupés depuis 1967, du Golan des syriens ainsi que de tous les territoires libanais, toujours sous contrôle israélien. En plus du retour de tous les réfugiés palestiniens ainsi que la résolution des problèmes annexes (notamment de l’eau pour Israël), pour que la solution soit viable et pérenne.

Au total

Équilibrer l’impact des forces de frappe des protagonistes, permettra le dialogue dans le but de résoudre des problèmes existentiels, si longtemps dèlaissés, et mènera à la table des discussions les arabes, la tête haute, avec des revendications, somme toute, légitimes et justes.

Il serait insensé de se débarrasser de cet armement au moment même où il devient signifiant et déterminant pour espérer une solution globale, pour résoudre l’ensemble des problèmes, intriqués les uns aux autres et englobant le problème palestinien.

Ces armes de la Résistance sont donc celles d’une véritable stratégie, qui vise non pas à détruire, mais à équilibrer les forces, justement pour éviter d’autres destructions.

Tant qu’Israël ne l’aura pas compris, nous ne serons pas à l’abri d’une ou de plusieurs déflagrations au Liban, fruits d’une surestimation de l’impact réel de ses forces, s’octroyant le droit, en fonction de ses besoins, de se lancer dans de telles mésaventures.

Israël et les USA commencent – ils à le comprendre ?

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la force de cette vision est là :

Les armes de la Résistance représentent en effet, les armes … de la future Paix que personne n’ose imaginer, tellement elle paraît irréalisable … et pourtant, en y réfléchissant de plus prés… si réaliste.

Dr Riad JREIGE

Montpellier – France

8/08/2012

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