Le 24 mars 2025, le bureau de presse du ministre de l’Intérieur et des Municipalités, Ahmad Hajjar, a publié un communiqué officiel annonçant les dates des élections municipales et des conseils locaux au Liban, réparties par gouvernorats. Selon le calendrier dévoilé, les scrutins se tiendront comme suit : le 4 mai 2025 dans le Mont-Liban, le 11 mai dans le Liban-Nord et à Akkar, le 18 mai à Beyrouth, dans la Bekaa et à Baalbek-Hermel, et le 25 mai dans le Liban-Sud et à Nabatieh. Le ministère précise que les corps électoraux seront convoqués au moins un mois avant la date des élections dans chaque gouvernorat. Ce calendrier marque une étape clé pour le rétablissement de la gouvernance locale dans un pays en crise.
Un retour des élections après des reports successifs
Ces élections municipales, prévues pour mai 2025, seront les premières depuis 2016, après plusieurs reports. En 2022, les scrutins, initialement prévus pour mai, avaient été annulés en raison de l’effondrement économique et d’un vide politique – le Liban était alors sans président depuis octobre 2022, jusqu’à l’élection de Joseph Aoun en décembre 2024. En mai 2024, le ministre par intérim de l’Intérieur, Bassam Mawlawi, avait fixé les élections à Beyrouth, dans la Bekaa et à Baalbek-Hermel au 26 mai, mais elles avaient été annulées à la dernière minute, faute de financement et à cause de préoccupations sécuritaires, notamment des tensions au Sud-Liban (NNA, 2024).
Sous le gouvernement de Nawaf Salam, nommé Premier ministre le 8 février 2025 après avoir obtenu 84 voix au Parlement le 13 janvier, cette annonce signale une volonté de restaurer les institutions locales. Les municipalités, dont les mandats ont été prolongés à plusieurs reprises (2016-2022, puis 2022-2025), jouent un rôle crucial dans la gestion des services publics – collecte des déchets, eau, électricité – dans un pays où l’État central est défaillant.
Un contexte économique et sécuritaire tendu
Ces élections se déroulent dans un Liban en proie à une crise économique sans précédent. En 2024, 82 % de la population vit sous le seuil de pauvreté (Banque mondiale), et la livre libanaise s’échange à 92 000 LBP pour 1 USD sur le marché parallèle (Lira Rate, mars 2025). Ce marasme pourrait affecter la participation électorale, qui avait chuté à 49 % en 2022 lors des législatives (1,9 million de votants sur 3,9 millions d’inscrits, ministère de l’Intérieur). Les campagnes électorales, souvent coûteuses – une liste à Beyrouth dépensait en moyenne 500 000 dollars en 2016 (L’Orient-Le Jour) – risquent d’être limitées par le manque de fonds, dans un pays où le PIB a plongé de 54,9 milliards de dollars en 2019 à 21,8 milliards en 2024 (FMI).
Sur le plan sécuritaire, des tensions sectaires pourraient peser sur le scrutin, notamment à Baalbek-Hermel, un bastion historique du Hezbollah. Le mouvement chiite, qui a perdu 3 000 combattants lors de sa guerre contre Israël entre octobre et novembre 2024 (estimations ONU), a vu son influence décliner après un cessez-le-feu fragile signé le 27 novembre 2024, sous supervision de la FINUL. Dans cette région, où les chiites représentent 60 % des 150 000 habitants (UNFPA, 2024), des rivalités entre clans pro-Hezbollah et indépendants issus de la révolution de 2019 pourraient compliquer le vote.
Le Sud-Liban sous surveillance
Les élections dans le Liban-Sud et à Nabatieh, prévues le 25 mai 2025, coïncident avec une période sensible. Le cessez-le-feu avec Israël, en place depuis novembre 2024, reste précaire : la FINUL a recensé 1 100 violations israéliennes (survols, frappes) entre novembre 2024 et mars 2025. Ces régions, où le Hezbollah et Amal dominent – ils ont remporté 15 des 23 sièges aux législatives de 2022 – sont aussi marquées par des destructions massives : 80 000 logements endommagés dans le Sud en 2024 (OCHA). Une escalade militaire pourrait perturber le scrutin, comme ce fut le cas en 2006 lors de la guerre entre Israël et le Hezbollah.
Un enjeu pour la gouvernance locale
Le calendrier annoncé par Ahmad Hajjar, ministre de l’Intérieur depuis février 2025, intervient après des années de paralysie. En 2016, 1 200 municipalités avaient élu leurs conseils, mais leur mandat, prolongé à trois reprises, a laissé des villes comme Beyrouth sans budget ni projets – la capitale a vu ses déchets s’accumuler en 2023, avec 1 500 tonnes non collectées par jour (Ramsa). Ces élections, si elles ont lieu, pourraient redonner un souffle aux services locaux, bien que le financement reste un défi : en 2024, le budget alloué aux municipalités par l’État n’a pas dépassé 2 trillions de livres (22 millions de dollars au taux parallèle), selon le ministère des Finances.
Le 24 mars 2025, cette annonce est un pas vers la normalisation, mais les défis sont immenses. Entre crise économique, tensions sectaires et fragilité sécuritaire, le scrutin de mai 2025 sera un test pour le gouvernement de Nawaf Salam et pour un Liban qui cherche à se relever.