Intervention de l’auteur au colloque «Dynamique de changement en Algérie», organisé le 6 avril 2019 à Marseille, par l’UFAC (Union des universitaires Franco-Algériens)
L’Algérie: De pays phare du tiers monde à un état en léthargie avec un président à l’état végétatif.
Abdel Aziz Bouteflika constitue un condensé de l’histoire post coloniale de l’Algérie.
En partenariat avec Madaniya.info – Mieux que tout, plus que personne, le président algérien résume à lui seul une séquence historique de 70 ans….De son brillant surgissement sur la scène internationale à son lent engourdissement par l’effet d’une pesanteur bureaucratique, à sa dégénérescence enfin par la nécrose de ses circuits de décision.
Pays phare du tiers monde à l’aube de la décennie 1960, au même titre que le Vietnam et Cuba, l’Algérie se retrouve au terme d’une séquence de 70 ans, en 2019, en état de léthargie avec un président à l’état végétatif, amnésique, aphasique, ataraxique.
L’un des plus brillants diplomates du monde, Boutef, en tandem avec son mentor Houari Boumediene, avait insufflé une dynamique contestataire dans les relations internationales, matérialisée par une diplomatie multilatérale qui culminera avec le parachutage de Yasser Arafat, en Novembre 1974 à l’ONU, offrant au chef du combat national palestinien une tribune pour s’adresser au monde depuis New York, la plus grande ville juive du Monde. Une action d’éclat. Le propre d’un coup de force d’un guérillero diplomate.
La captation de l’héritage
La captation de l’héritage révolutionnaire, de même que la rente
pétrolière au profit d’une nomenklatura a brisé net la dynamique
algérienne, générant corruption, népotisme, incivisme.
A l’image de la bureaucratie que le système a sécrétée, les successeurs présidentiels seront sans relief;
Certains des «analphabètes bilingues». Sauf exception de Mohamad
Boudiaf, dont l’élan sans lendemain, a été assassiné en plein envol, en
même temps que le projet de renouveau de l’Algérie, débouchant à terme
sur la guerre civile.
La léthargie algérienne avait atteint un degré tel qu’un moucheron du
calibre du Qatar osera toiser le lion algérien assoupi, le menaçant
d’expulsion de la Ligue arabe, pour s’être opposée à l’expulsion de la
Syrie, pourtant membre fondateur de l’organisation pan arabe par
ailleurs partenaire de l’Egypte dans 4 guerres contre Israël (1948,
1956, 1967, 1973).
Dans la foulée de son philanthrope Qatari, le «sang mêlé» Nicolas
Sarkozy tressautera de joie en répétant, tel un saut de cabri impulsé
par ses tics: «Dans un an l’Algérie, dans trois ans l’Iran».
L’impertinent pétrolier sera expurgé de la scène par son tuteur
américain, gisant désormais dans les bidets de l’histoire et le philo
sioniste, artisan de la déconstruction de la politique arabe de la
France, se retrouve en butte avec les mailles de la justice de son pays.
Un complexe international radicalement différent.
Le contexte international a radicalement changé depuis la guerre civile algérienne, la décennie noire.
En 1990, le djihadisme planétaire, qui sera par la suite le terrorisme
islamiste, était triomphant, l’Union soviétique en implosion; Le bloc
soviétique, en voie de désagrégation, sous la dynamique de la chute du
mur de Berlin, propulsant à la tête de la Russie, Boris Eltsine, un
ivrogne, la plus grave insulte aux héros de Stalingrad, alors que,
parallèlement, les pétromonarchies du Golfe, en digne héritier fes
flibustiers de l’ancienne Côte des pirates, se vivaient en maîtres du
monde via la finance islamique. La France se vivait encore comme une
grande puissance et Bernard Henry Lévy… comme son nom l’indique .…en
état de lévitation.
30 ans après l’inversion de tendance est manifeste et sans doute irréversible.
La Russie a opéré un retour en force au Moyen orient à la faveur de la guerre de Syrie. Un axe de la contestation à l’hégémonie israélo-américaine s’y est constitué par la verticale Téhéran-Damas-Beyrouth et son prolongement au sud Liban et à Gaza.
La Chine, contournant l’Europe par l’Afrique, a fait de l’Algérie son principal point d‘ancrage de sa présence sur le flanc sud de l’Europe dans le prolongement de sa plateforme commerciale du port de Pirée.
Le terrorisme islamique, en négation de la théologie de la
Libération, est désormais discrédité par ses abus et ses excès,
provoquant une implosion du syndicat des pétromonarchies du Golfe du
fait de la rivalité entre le grand frère et le petit frère wahhabite,
l’Arabie saoudite et le Qatar.
La suprématie du dollar dans les échanges internationaux est ouvertement
contestée. La France, à son tour, connait les affres d’une guerre
civile larvée, à la faveur de l’irruption des gilets jaunes sur la scène
de la contestation nationale.
Enfin BHL, toujours lui, le chantre de l’irrédentisme tout azimut (Darfour, sud Soudan, Kabyle, Kurde), mais honteusement taiseux sur l’indépendance de la Palestine, de la Catalogne, du Pays Basque et de la Corse, est à jamais frappé de l’infamie du fait de la propulsion de la chariah en Libye, sous l’égide d‘Abel Hakim Bel Hadj, le nouveau chef de Daech pour la Tripolitaine.
Le Monde arabe n’a pas vocation à servir de serpillère aux boursouflures médiatiques d‘un imposteur de haute voltige.
Et voilà que le peuple algérien, contre toute attente mais en pleine
résilience de sa décennie noire, offre au monde, en ce printemps 2019,
un bel exemple de démocratie directe, sans violence, sans excès,
hermétique aux sirènes de l’étranger.
L’Algérie en plein compte à rebours
Le compte à rebours a commencé. Les lois de la biologie sont
inéluctables. Le 28 avril marquera et la fin du mandat présidentiel
algérien et la fin de l’existence politique du président algérien.
Le 1er mandat de Boutef était justifié par la nécessité de la réconciliation nationale.
Le 2me mandat s’imposait par l’impératif de préserver l’Algérie du nœud
coulant placé autour de son cou par l’alliance islamo atlantiste avec la
Libye d’Abdel Hakim Belhadj et la Tunisie nahdawiste de Rached
Ghannouchi.
Le 3me mandat, à la rigueur, par la nécessité de consolider les acquis.
Le 4eme, à l’extrême rigueur, de donner un bonus à un grand artisan de l’histoire de l’Algérie post coloniale.
L’adage populaire était pourtant bien formel.
Une chorba ça va…trois chorbas…Bonjour les dégâts.
Que n’a ton observé les prescriptions de cet adage populaire ?
Epilogue: L’échéance du 8 avril
Plusieurs hypothèses se présentaient dans la perspective du 28 avril
date théorique de la fin du mandat présidentiel, au-delà laquelle Abdel
Aziz Bouteflika aurait été en situation d’illégalité constitutionnelle.
En sursis.
La hiérarchie militaire algérienne a tranché optant pour une solution à
l‘égyptienne du temps d’Hosni Moubarak, préconisant la mise en route du
processus de déclaration de la vacance du pouvoir pour cause
d’incapacité présidentielle. De choisir la préservation de l’institution
militaire et du pays, plutôt que de sauvegarder la personne du
président, en fin de parcours.
Quoi qu’il en soit, Bouteflika a raté sa sortie de l’histoire. Ceux qui
ont pris la décision de solliciter en son nom un 5eme mandat en
porteront une lourde responsabilité devant l’histoire.
La décision de la hiérarchie militaire algérienne ne résulte pas du
hasard. Elle est intervenue le 26 mars, le jour même de la signature par
Donald Trump du décret formalisant l‘annexion du Golan syrien par
Israël, au lendemain de raids meurtriers de l’aviation israélienne
contre Gaza. A une semaine des élections législatives israéliennes, le 8
avril, avec dans la foulée la mise en route de la «transaction du
siècle», autrement dit, le bradage de la Palestine, avec la complicité
des reptiles arabes, déterminés à brader la cause centrale des Arabes
pour la survie de leur trône décrié.
Une transaction qui s’annonce calamiteuse pour le Monde arabe et
musulman, de même que le tiers monde en ce qu’elle signe la soumission
définitive de cet ensemble à l’impérium israélo-américain.
Le Sud-Liban et Gaza, les deux ultimes foyers de résistance du Monde
arabe à une capitulation honteuse et irrémédiable, représentent 5 pour
cent de la totalité de la superficie du Monde arabe.
A la veille de grands bouleversements géostratégiques sur l’échiquier
mondial, avec la montée en puissance de la Chine, comme première
puissance planétaire, le déploiement de l’Eurasie, la constitution d’une
axe de contestation à l’hégémonie israélo américaine sur l‘ensemble
arabe, alors que la zone sahélo saharienne est gangrénée par la
prolifération de 50 groupements terroristes se réclamant de l’Islam,…..
l’Algérie se doit de procéder sans retard à la refonte de son système
afin de reprendre la place de choix qui est la sienne.
-Au sein de la Ligue arabe, pour mener le difficile combat de la restauration de la dignité arabe;
-Au sein de l’Union Africaine pour mettre un terme à la prédation de l’économie africaine;
-Au sein du BRICS, pour la constitution d’un monde multipolaire;
En un mot qu’elle renoue avec son histoire tant il est vrai que le
destin de l’Algérie n’est de pas de se constituer en un groupement de
nostalgiques nombrilistes.
L’histoire l’exige, le devoir le commande, qu’elle se porte à
l’avant-garde du combat pour la dignité humaine, le respect des peuples
et la souveraineté des nations, dans la même tranchée que les
combattants pour la liberté;
Zalimoune Kounna am Mazloumine
Pour reprendre le mot d’ordre impérissable des Moujahidines algériens
L’histoire est impitoyable avec ceux qui lui font défaut