Depuis des décennies, Nabih Berri, président du Parlement libanais et leader du mouvement Amal, est au cœur des dynamiques politiques du Liban. À travers son influence, il a consolidé un pouvoir qui dépasse son rôle officiel, notamment en imposant une emprise stratégique sur le ministère des finances. Cette mainmise pose des questions sur les véritables motivations derrière ce contrôle et sur les blocages qu’il engendre, notamment en matière de transparence et de lutte contre la corruption.
Le ministère des finances : Une position stratégique
Le ministère des finances est un poste clé dans le système politique libanais. En raison de son rôle dans l’élaboration des budgets, la gestion des fonds publics, et le contrôle des dépenses de l’État, ce ministère agit comme un levier central pour influencer tous les autres.
Depuis l’Accord de Taëf, un usage tacite accorde ce poste crucial à un ministre chiite, un arrangement que Nabih Berri défend avec acharnement. Sous couvert de préserver l’équilibre confessionnel, cette revendication masque souvent des enjeux politiques plus larges : celui de maintenir une capacité de veto sur toutes les décisions financières du gouvernement et de renforcer le clientélisme dans l’attribution des fonds publics.
Bloquer les investigations : Le mur de l’impunité
Le contrôle du ministère des finances par le mouvement Amal a également des implications profondes dans la lutte contre la corruption. De nombreuses enquêtes sur des détournements de fonds publics ou des malversations restent bloquées, souvent faute de coopération du ministère. Des affaires majeures, comme celles liées à la gestion des subventions, au secteur de l’électricité ou encore à la Banque centrale, révèlent un système d’opacité orchestré pour protéger les élites politiques et économiques.
Nabih Berri est régulièrement accusé de freiner toute réforme visant à introduire plus de transparence ou à permettre des audits indépendants. La culture de l’impunité qu’il entretient contribue à paralyser les institutions judiciaires et à renforcer la méfiance des citoyens à l’égard de l’État.
Un blocage institutionnel au service du statu quo
Au-delà du ministère des Finances, Nabih Berri est également connu pour son rôle dans le blocage des réformes politiques. Il utilise sa position de président du Parlement pour retarder, voire annuler, des propositions de lois qui pourraient compromettre l’équilibre actuel des pouvoirs. Ce blocage affecte directement les tentatives d’enquêtes sur des dossiers sensibles, tels que l’explosion du port de Beyrouth ou les milliards disparus dans la crise bancaire. En empêchant toute remise en question des pratiques du passé, il perpétue un système qui protège les responsables des malheurs du pays.
Les conséquences pour le Liban
Le maintien du contrôle de Nabih Berri sur le ministère des finances et sa capacité à bloquer les enquêtes sur la corruption coûtent cher au Liban. Alors que le pays traverse l’une des pires crises économiques de son histoire, ces blocages institutionnels freinent l’arrivée de l’aide internationale, conditionnée à des réformes structurelles. Les citoyens, exaspérés par les scandales et les impasses politiques, voient leurs conditions de vie se dégrader chaque jour davantage.
Vers un Changement ?
La mainmise de Nabih Berri sur le système libanais est un exemple de la manière dont les élites politiques se servent des institutions publiques pour protéger leurs intérêts. Si le pays aspire à un véritable changement, il devra briser ce cercle vicieux et instaurer des mécanismes de responsabilité et de transparence. Cependant, tant que des figures comme Nabih Berri continueront à dominer la scène politique, le chemin vers une gouvernance efficace et équitable restera semé d’embûches.
La question est simple : le Liban peut-il se libérer de ces chaînes politiques pour embrasser un avenir où l’État de droit prime sur les intérêts particuliers ?