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Réfugiés syriens au Liban : Salam face à une crise sans fin

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Le Liban, confronté à une crise économique sans précédent depuis 2019, voit dans la question des réfugiés syriens un enjeu diplomatique majeur qui cristallise ses tensions internes et ses relations internationales. Avec plus d’un million de Syriens encore présents sur son sol, soit un quart de sa population estimée à 4,5 millions d’habitants, ce fardeau pèse lourdement sur une économie exsangue et des infrastructures délabrées. Ce 28 février 2025, plusieurs pays européens, notamment l’Allemagne et la France, accentuent leurs pressions sur Beyrouth pour éviter des expulsions forcées, tandis que le gouvernement libanais, dirigé par Nawaf Salam, insiste sur la nécessité d’un retour progressif des réfugiés en Syrie, arguant que la crise économique rend leur présence prolongée intenable. Lors d’une récente réunion avec des représentants de l’ONU, Salam a défendu cette position, mettant en avant l’urgence d’alléger le poids sur le Liban. Cette question reste un point de friction avec la communauté internationale, qui craint des violations des droits humains en cas de retours forcés, dans un contexte où la chute de Bachar el-Assad en décembre 2024 relance le débat sur la sécurité en Syrie.

Une pression démographique sans équivalent

Depuis le début de la guerre civile syrienne en 2011, le Liban a accueilli un afflux massif de réfugiés fuyant les violences, atteignant un pic estimé à près de 2 millions dans les années précédentes. En 2025, ce nombre s’élève encore à plus d’un million, dont environ 800 000 enregistrés auprès de l’ONU, faisant du Liban le pays avec la plus forte proportion de réfugiés par habitant au monde. Bien que des retours spontanés aient eu lieu depuis la chute d’Assad en décembre 2024 – plus de 200 000 selon les estimations – cette population reste colossale pour un pays de petite taille, déjà ravagé par une crise économique qui a vu son PIB chuter de 55 milliards de dollars en 2019 à 18 milliards en 2023, et sa monnaie perdre plus de 98 % de sa valeur, s’échangeant à plus de 100 000 livres pour un dollar sur le marché noir en 2024.

Ce fardeau démographique exerce une pression écrasante sur les infrastructures libanaises. Les écoles, sous-financées et surpeuplées, peinent à intégrer des centaines de milliers d’enfants syriens, tandis que les hôpitaux, confrontés à des pénuries de médicaments et d’électricité limitée à quelques heures par jour, luttent pour répondre aux besoins d’une population élargie. L’accès à l’eau potable est particulièrement critique dans des régions comme la Bekaa et le nord, où les camps informels de réfugiés se concentrent, aggravant une situation déjà tendue pour les Libanais eux-mêmes. En 2021, neuf Syriens sur dix vivaient sous le seuil de l’extrême pauvreté, une précarité qui s’est accentuée avec l’inflation atteignant 200 % en 2022, tandis que 80 % des Libanais sont eux-mêmes tombés dans la pauvreté la même année.

Une crise économique amplifiée par les réfugiés

La présence prolongée des réfugiés syriens est devenue un fardeau économique insoutenable pour le Liban, selon le gouvernement de Nawaf Salam. Lors d’une récente réunion avec des représentants de l’ONU, Salam a insisté sur la nécessité d’un retour progressif des Syriens, arguant que la crise économique – avec une dette publique à 280 % du PIB en 2022 et des pertes bancaires estimées à 75 milliards de dollars – ne permet plus au pays de supporter cette charge sans un soutien international massif ou une réduction significative de cette population. Les flux de la diaspora, qui atteignaient 6,7 milliards de dollars en 2023 (33 % du PIB), déclinent face à l’instabilité persistante, limitant encore les ressources disponibles.

Les infrastructures, déjà fragiles avant la crise, sont au bord de l’effondrement. En 2024, plus de 90 % des Syriens dépendaient de l’aide humanitaire pour survivre, tandis que les Libanais, confrontés à des coupures prolongées d’électricité et à une pénurie de carburant, voyaient leurs conditions de vie se détériorer parallèlement. Cette concurrence pour des ressources rares a alimenté une montée des tensions sociales, avec des violences sporadiques contre les réfugiés et des restrictions locales, comme des couvre-feux discriminatoires imposés dans certaines municipalités en 2024. Le 11 décembre 2024, des villages comme Maroun el-Ras, dans le sud, privés d’eau potable après les destructions de la guerre avec Israël, illustraient cette pression accrue, où Syriens et Libanais se disputent des services de base de plus en plus rares.

La position du Liban : un retour progressif comme impératif

Nawaf Salam, nommé le 13 janvier 2025 avec 84 voix sur 128 au Parlement et ayant obtenu un vote de confiance le 26 février avec 95 voix, fait face à une situation explosive. Lors d’une récente réunion avec l’ONU, il a défendu la nécessité d’un retour progressif des réfugiés syriens, une position qu’il a réitérée ce 28 février 2025 comme une urgence nationale. « Le Liban ne peut plus continuer ainsi », aurait-il déclaré, mettant en avant l’effondrement économique et la saturation des infrastructures. Cette stance reflète une pression interne croissante : depuis 2019, les appels à expulser les Syriens se sont multipliés, alimentés par une rhétorique qui les tient responsables d’une part des difficultés économiques, bien que les experts attribuent la crise principalement à la corruption et à la mauvaise gestion interne.

Le gouvernement voit dans la chute d’Assad une opportunité. Avec plus de 200 000 retours spontanés depuis décembre 2024, Beyrouth argue que la fin du régime ouvre la voie à un rapatriement organisé. Cependant, cette position est pragmatique plus qu’humanitaire : les ressources pour soutenir les réfugiés s’épuisent, et l’aide internationale, bien qu’essentielle – avec près de 1 milliard d’euros promis en mai 2024 – reste insuffisante face à l’ampleur des besoins. Salam insiste sur une coordination avec la communauté internationale pour faciliter ce retour, mais ses appels se heurtent à des résistances externes.

L’Europe : un frein aux expulsions forcées

Plusieurs pays européens, dont l’Allemagne et la France, accentuent leurs pressions sur Beyrouth pour éviter des expulsions forcées, une position réaffirmée ce 28 février 2025. Ces nations insistent sur le respect du principe de non-refoulement, qui interdit de renvoyer des personnes vers un pays où elles risquent la persécution, la torture ou la mort. Malgré la chute d’Assad en décembre 2024, la Syrie reste instable : des détentions arbitraires, des disparitions forcées et des violences persistent dans certaines régions, rendant le retour problématique pour beaucoup. En 2024, plus de 90 % des Syriens vivaient sous le seuil de pauvreté, et 15 millions avaient besoin d’aide humanitaire, des chiffres qui, bien qu’améliorés depuis la fin du régime, soulignent les défis d’un retour durable.

L’Europe, qui a accueilli plus d’un million de Syriens depuis 2011, voit dans le Liban un rempart contre une nouvelle vague migratoire vers ses côtes. En mai 2024, une aide d’un milliard d’euros était annoncée pour soutenir la « stabilité socio-économique » du Liban, en échange d’une coopération renforcée contre l’immigration clandestine vers Chypre, à seulement 200 kilomètres des côtes libanaises. Cette aide visait à renforcer les forces de sécurité libanaises et à maintenir les Syriens sur place, une approche critiquée au Liban comme une tentative d’externaliser la crise des réfugiés plutôt que de la résoudre par des retours ou une réinstallation élargie.

Un enjeu diplomatico-humanitaire complexe

La question des réfugiés syriens place le Liban au cœur d’un dilemme diplomatico-humanitaire. D’un côté, la crise économique – avec une inflation historique, une dette publique écrasante, et des dépôts bancaires de 84 milliards de dollars gelés – pousse Beyrouth à chercher une réduction rapide de cette population. Le 23 février 2025, Salam plaidait pour éviter l’effondrement total, une position qui reflète l’urgence d’agir sur ce front. De l’autre, la communauté internationale, notamment l’Europe, craint que des retours forcés ne violent les droits humains, dans une Syrie où la sécurité reste incertaine malgré la fin d’Assad.

Cette friction est exacerbée par des dynamiques internes. Les tensions sociales entre Libanais et Syriens, alimentées par la concurrence pour des ressources rares, rendent la position de Salam politiquement sensible : céder aux pressions internes pour expulser les réfugiés risque de provoquer un tollé international, tandis que maintenir leur présence prolongée attise la grogne populaire. Le cessez-le-feu avec Israël, signé le 27 novembre 2024 mais fragilisé par la présence persistante de positions israéliennes au Sud-Liban, ajoute une couche de complexité, limitant les ressources disponibles pour gérer la crise des réfugiés.

Vers une solution ou une impasse ?

Le Liban se trouve à un carrefour critique. La chute d’Assad offre une opportunité théorique pour organiser des retours, mais les obstacles pratiques – insécurité en Syrie, manque de fonds pour la reconstruction, pression internationale – restent immenses. Salam, dans son discours du 14 janvier, a tendu la main à toutes les factions pour unifier le pays, mais cette inclusion complique ses relations avec les bailleurs qui conditionnent leur aide à des réformes et à une stabilité régionale. Sans un soutien international massif et coordonné, et sans consensus interne sur la gestion des réfugiés, le pays risque de rester enlisé dans cette crise.

Le 28 février 2025, la question des réfugiés syriens demeure un miroir des défis du Liban : une économie au bord du gouffre, une société fracturée, et une diplomatie tiraillée entre souveraineté et dépendance. Alors que Beyrouth insiste sur un retour progressif et que l’Europe prône la prudence humanitaire, la résolution de cette crise reste suspendue à une coopération improbable, dans un pays où chaque pas en avant semble suivi d’un recul.

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Newsdesk Libnanews
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