Atterrissage à Beyrouth, la veille du 4 août 2022, 2 ans tout juste après l’explosion du port, passage devant les silos à blé au retour, devenus symbole du drame, rougeoyant dans la nuit, quelques fumeroles qui s’élèvent, 2 jours après un effondrement que trop partielle, la menace continue à peser sur la ville.

Deux ans après le drame, les polémiques enflent, certaines comme des diversions. Une chose est claire, les responsables du port de Beyrouth misent sur le temps qui efface les mémoires, à défaut d’effacer les cicatrices. Si encore aujourd’hui, on se souvient, comme un certain 11 septembre 2001, où on était, ce qu’on faisait, comment on a réagi, le temps est justement contre la Justice. Combien de drames ont déjà été oubliés, entre famine de la 1ère guerre mondiale qui a tué un tiers de la population, entre guerre civile qui a coûté 100 000 vies, toujours aucun mémorial. Ils font ce pari comme ils l’ont toujours fait lors des drames précédents avec ce que j’appelle personnellement la loi de l’amnésie et non de l’amnistie.

Le libanais est un martyr, soit mort, soit vivant, aujourd’hui un peu mort-vivant à cause des nuances de crises qu’il vit jour après jour, heure après heure, parfois même seconde après seconde.

Hier dans l’avion, une dame à côté de moi, elle me disait, évoquant ce sujet, “quelle chance que mon père soit mort, il n’aura pas à vivre ce qu’on vit aujourd’hui. Il aura vécu l’espoir de la fin de la guerre, il aura vécu des moments heureux, dans l’espérance et non dans le désespoir”.

Que peut-on répondre aujourd’hui si ce n’est qu’effectivement, l’espoir n’existe plus pour beaucoup y compris ceux qui voulaient se battre pour rendre ce pays meilleur.

Si les drames se répètent, c’est justement à cause de ces lois d’amnésies qui permettent aux responsables de se faire non seulement oublier mais également de rester au pouvoir. Le pouvoir, malgré les blessures de la chair, corrompt parfois même les meilleurs, ceux en qui nous avons cru. Mais après tout, la faute première est d’accepter ces états non pas de droit mais de fait où la Raison du plus fort reste la meilleure et où la souveraineté de l’état est vendue au plus corrompu. Mais surtout quel état? Depuis 2 ans, on en découvre des états dans l’état, des états qui n’épargnent pas les libanais de chemins de croix, de douleurs. On connaissait l’état des banlieues et celui qui régnait au centre-ville de capitale, on a découvert l’état des banques qui privent les libanais de leurs subsistances si ce n’est de futur, mais l’Etat lui-même est dans un état déplorable, fantôme, incapable de faire justice comme à l’image de ces responsables du port de Beyrouth qui pavanent désormais à la chambre en dépit d’un mandat d’arrêt à leur encontre.

La population a beau appeler à la justice, soutenue par la communauté internationale, à crier justice à défaut de vengeance, rien n’y fait. Eux jouissent d’une protection supérieure, qu’elle soit de droit divin à l’image des souverains qui règnent sans partage durant des décennies en banlieue et du parlement ou même dans d’autres institutions comme la Banque du Liban, ou encore ailleurs. Le Liban est morcelé entre seigneurs de guerre avec la seule différence par rapport à la guerre est du fait qu’ils se sont entendus pour partager le gâteau durant des années au lieu du conflit jusqu’à l’épuisement des ressources de pays, des complices dans le crime.

Deux ans après le drame, Justice reste un bien vain mot avec un seul espoir, un jour pourvu qu’elle soit faite mais en attendant, à l’image de ces silos, le Liban continue à bruler à petit feu pour finir par s’effondrer.

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