Le 7 juin 2021, le député Ibrahim Kanaan, président de la commission parlementaire aux Finances et au Budget, a présenté une proposition de loi sur le contrôle des capitaux qui serait appliquée un an mais serait renouvelable ou abrogeable par le Conseil des ministres après avis du gouverneur de la Banque du Liban (BDL) et du ministre des Finances. À titre de comparaison, la Grèce a attendu 8 ans avant de lever le contrôle des capitaux. 

Cette proposition qui arrive près de deux ans après l’instauration par l’Association des Banques du Liban (ABL) d’un contrôle des capitaux illégal et a été élaborée sans obtenir toutes les données chiffrées demandées aux banques (et en ne prenant les données chiffrées que de celles-ci bien que contestées par le plan du gouvernement sortant et le Fonds monétaire international) doit encore passer par des commissions parlementaires comme celle de l’Administration et de la Justice avant d’être soumise au vote du Parlement pour être adoptée.

Elle va entraîner la suppression de tout texte la contredisant à l’exception de l’article 208 du Code de la monnaie et du crédit qui concerne les sanctions bancaires. Elle prévaudra ainsi sur la circulaire n°158 de la BDL qui concerne le décaissement ou le transfert pour les particuliers de 400 dollars frais par mois et l’équivalent en livres sur la base du taux de change sur la plateforme Sayrafa. 

La loi ne s’appliquerait pas à l’argent frais (« fresh money ») conformément à la circulaire n°150 de la BDL et aux dépôts d’organisations internationales et d’ambassades qui pourront donc être convertis en toute devise ou transférés dans toute autre banque au Liban (ce qui n’entrainerait pas l’application de la loi). 

En revanche, elle s’appliquerait sur les fonds transférés à l’étranger après le 17 octobre 2019 et rapatriés depuis. 

La BDL serait en charge de l’application de la loi qui fixe les retraits mensuels en livres à une limite de 15 ou 20 millions de livres par déposant, la limite devant être fixée par la BDL mais après avoir discuté avec le ministre des Finances. 

La conversion de livres en devises sera quasi-interdite. 

Pour ce qui est des retraits de devises de comptes créés avant le 17 octobre 2019, leurs montants ne devront pas dépasser la moitié de la valeur des retraits en livres (15 ou 20 millions de livres) soit moins de 700 dollars par mois mais Ibrahim Kanaan a parlé de 400 à 800 dollars par mois. Ces montants pourront être transférés à l’étranger dans le cas de transferts ou crédits liés aux étudiants inscrits avant le 17 octobre 2019, aux loyers, aux crédits immobiliers, aux taxes et impôts dus à l’étranger et aux factures internet. La BDL jouera un rôle central dans ces transferts alors qu’il aurait pu être confié à la Commission de contrôle des banques ou même aux tribunaux. Les banques seront sanctionnées si elles ne respectent pas la loi. 

Le 16 juin 2021, le porte-parole du Fons monétaire international (FMI), Gerry Rice, a critiqué le timing choisi par ladite Commission et même l’intérêt d’une telle loi « sans le soutien de politiques budgétaires, monétaires et de taux de change adaptées ». Les députés ont d’ailleurs eux-mêmes reconnus que leur loi ne s’inscrit pas dans le cadre d’un assainissement des finances, la modernisation et la réforme des institutions, le renforcement de la transparence et la restructuration de l’économie et notamment du secteur bancaire (public et privé). Cette loi risque d’ailleurs d’effrayer les investisseurs étrangers alors que le Liban a tant besoin de leurs fonds. 

L’an passé, le FMI avait effectué une série de remarques comme par exemple sur le système de taux de change multiple et cela pour limiter les effets indésirables mais elles n’ont pas été reprises par la proposition de loi de la commission. 

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