Le Liban, pays au carrefour des crises politiques, économiques et sociales, se retrouve une fois de plus sous les projecteurs avec l’affaire impliquant Najib Mikati, Premier ministre du pays. Cette situation soulève des questions cruciales sur la transparence, l’intégrité financière et la gestion des fonds publics dans un contexte de profonde détresse nationale.

Cette fois-ci, c’est le premier ministre lui-même Najib Mikati qui est visé par une plainte déposée en France, en lien avec l’Affaire Riad Salamé. Le nom du premier ministre et de ses proches étaient déjà apparues par le passé.

Ces accusations s’inscrivent donc dans le cadre plus large de l’enquête visant Riad Salamé, l’ancien gouverneur de la Banque du Liban, illustrant ainsi les réseaux complexes de pouvoir et d’argent qui influencent profondément la structure étatique du Liban.

Le rôle du groupe M1

Le nom du groupe M1, propriété de Najib Mikati et de son frère, apparaît au centre de transactions financières suspectes, notamment des versements au Liechtenstein. En tant que principaux actionnaires à l’époque de la Banque Audi, les frères Mikati ont bénéficié d’opérations d’ingénierie financière ainsi que de prêts de la Banque du Liban destinés, en théorie, à soutenir l’achat de biens par des personnes vulnérables, notamment à Monaco.

La défense de Najib Mikati

Face aux accusations, Najib Mikati a rapidement pris position pour défendre son intégrité et la légitimité de son patrimoine. Dans un communiqué adressé à l’AFP et d’autres médias, il insiste sur la transparence et la légalité de la fortune familiale, tout en dénonçant les tentatives de discréditation à son égard comme étant infondées et souvent motivées politiquement. Cette défense s’appuie sur le rejet des charges par un juge de Beyrouth en février 2022 et par un tribunal de Monaco en août 2023, soulignant l’absence de condamnation de la famille Mikati par une juridiction, que ce soit au Liban ou à l’étranger.

Les plaintes en France

L’affaire prend une dimension internationale avec le dépôt de plaintes en France, accusant Mikati de blanchiment d’argent, de dissimulation ou de complicité, et de conspiration criminelle dans le cadre d’une organisation mafieuse. Ces plaintes, portées par le collectif des victimes de crimes financiers du Liban (CVPFCL) et l’association anti-corruption Sherpa, mettent en lumière les acquisitions présumées de propriétés en France et à l’étranger par le biais de transferts financiers colossaux. Parmi les biens cités figurent des propriétés à Monaco et à Saint Jean-Cap-Ferrat, un yacht de 79 mètres acquis pour 100 millions de dollars, ainsi que deux jets Falcon évalués à environ 95 millions de dollars.

Les plaignants et leurs avocats, William Bourdon et Vincent Brengarth, dépeignent un tableau sombre de la situation au Liban, où la corruption serait intimement liée au fonctionnement de l’État depuis le milieu des années 1990. Selon eux, l’utilisation systématique de comptes offshore et de paradis fiscaux par Mikati, ainsi que la culture de corruption et de conflits d’intérêts qu’il incarne, le rendent, ainsi que sa famille, largement suspectés de blanchiment d’argent à grande échelle et de fraude fiscale sur de nombreuses années.

Najib Mikati: Un profil complexe entre affaires et politique

Najib Mikati, figure de proue du paysage politique libanais, navigue entre ses rôles d’homme d’affaires prospère et de politicien influent depuis plusieurs décennies. Sa carrière illustre les intrications profondes entre le pouvoir économique et politique au Liban, un pays marqué par une histoire tumultueuse et une structure sociopolitique complexe.

Ascension et parcours politique

Né à Tripoli, Najib Mikati s’est lancé dans la vie politique libanaise après avoir bâti un empire dans le secteur des télécommunications. Sa fortune, estimée à plusieurs milliards de dollars, fait de lui l’une des figures les plus riches et les plus influentes du Liban. Mikati est entré dans l’arène politique en tant que ministre des Transports et des Travaux publics au début des années 2000, avant de gravir rapidement les échelons pour occuper le poste de Premier ministre à trois reprises.

Son parcours politique est caractérisé par des périodes de tension et de crise, notamment lorsqu’il a pris la tête d’un gouvernement de transition en 2005 après l’assassinat de Rafik Hariri, puis de nouveau en 2011 dans un contexte de divisions politiques profondes. Malgré les controverses, Mikati a souvent été perçu comme un modérateur capable de naviguer dans les eaux troubles de la politique libanaise, mettant en avant son expérience en tant qu’homme d’affaires pour promouvoir une approche pragmatique et conciliante.

Empire entrepreneurial

Au-delà de sa carrière politique, Najib Mikati est un entrepreneur accompli. Avec son frère Taha, il a fondé le groupe M1, une entreprise qui s’est étendue bien au-delà des frontières du Liban pour devenir un acteur majeur dans divers secteurs, notamment les télécommunications, l’immobilier et les finances. Leur succès dans le secteur des télécoms, en particulier, a jeté les bases de leur fortune, Investcom, ayant été vendu à MTN Group en 2006 pour plusieurs milliards de dollars.

Controverses et accusations

La richesse et l’influence de Mikati ne sont pas sans susciter des controverses. Ses liens avec la Banque Audi et son implication dans des opérations d’ingénierie financière ont été scrutés, notamment dans le cadre de prêts de la Banque du Liban destinés à soutenir des personnes vulnérables. Plus récemment, son nom a été associé à des allégations de détournement de fonds et de blanchiment d’argent, dans le sillage de l’affaire Riad Salamé, l’ancien gouverneur de la Banque du Liban.

Malgré les accusations portées contre lui et sa famille, Najib Mikati a fermement nié toute malversation, mettant en avant la légitimité et la transparence de sa fortune. Les enquêtes en France et les déclarations des associations anti-corruption ajoutent cependant une couche de complexité à son profil, déjà marqué par un mélange de réussites entrepreneuriales et de défis politiques.

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