L’année 2024 qui ne s’est pas encore achevée a été riche en événements qui ont mis à rude épreuve notre confiance collective dans les mécanismes démocratiques, soulevant des interrogations profondes sur la sincérité du suffrage universel à travers le globe.

D’un côté, nous avons la Russie, où la réélection de Vladimir Poutine avec un score écrasant de 87% des voix a suscité de l’émoi, non seulement parmi ses détracteurs internationaux mais également au sein d’une partie de la population russe. Cette victoire, bien que célébrée comme une démonstration de soutien populaire incontestable par le Kremlin, soulève des interrogations inévitables sur la liberté et l’équité du processus électoral dans un pays où l’opposition est souvent muselée et les médias étroitement contrôlés.

À l’opposé du spectre, les États-Unis, considérés comme le phare de la démocratie libérale, n’ont pas été épargnés par la controverse. L’élection de 2020, opposant Joe Biden à Donald Trump, a été marquée par des accusations répétées de fraude et des tentatives de remettre en cause les résultats, démontrant une polarisation sans précédent et ébranlant la foi en un système électoral autrefois considéré comme infaillible. La bataille juridique et médiatique qui s’en est suivie a mis en lumière les fragilités de la démocratie américaine, exposant au grand jour les failles d’un système complexe et largement décentralisé. Et rebelote cette année avec les mêmes acteurs et déjà les mêmes accusations s’ils ne sont pas élus.

Pourtant, malgré ces imperfections, ces nations ont en commun d’avoir réussi à désigner un leader à l’issue de leur processus électoral. Ce qui n’est pas le cas du Liban, pays marqué par une crise politique et économique profonde. Dans ce contexte, le mécanisme du suffrage parlementaire, censé élire le nouveau président du pays, s’est avéré incapable de remplir sa fonction. Le Palais de Baabda, résidence officielle du président libanais, demeure vide, symbole d’un système politique paralysé par les divisions sectaires et les jeux d’influence étrangères.

Cet échec à élire un président au Liban soulève des questions fondamentales sur la nature même de la démocratie et du processus électoral. Si dans certains pays, les élections peuvent être perçues comme “pipées” ou entachées de controverses, elles aboutissent néanmoins à la désignation d’un chef d’État, participant ainsi à une certaine forme de continuité institutionnelle. À l’inverse, l’impasse libanaise illustre comment la paralysie politique peut engendrer un vide du pouvoir encore plus déstabilisateur pour un pays déjà en proie à de multiples crises.

Le blocage actuel au Liban soulève une question cruciale et potentiellement révolutionnaire : et si, en cas d’échec répété de ce système, on se tournait vers le suffrage universel direct pour élire le chef de l’État ? Cette proposition, bien que radicale dans le contexte libanais marqué par un équilibre délicat entre différentes communautés religieuses et ethniques, mérite une exploration approfondie, tant elle pourrait offrir une nouvelle voie vers la résolution de la crise politique, ou déjà du moins, le simple fait de l’évoquer.

Elle invite en effet à une réflexion sur la nécessité de réformes structurelles pour revitaliser la démocratie libanaise. Cette proposition pourrait servir de catalyseur pour une discussion plus large sur la modernisation du système politique du pays, en cherchant des moyens d’améliorer la gouvernance et de répondre plus efficacement aux aspirations de la population.

Cette proposition pose également la question de savoir si le système politique actuel qui prévaut au Liban est réellement démocratie. Les allégeances politiques et sociales sont souvent basées sur l’identité religieuse plutôt que sur des programmes politiques ou des idéologies. Cela conduit à des divisions et à des tensions entre les différentes communautés, limitant la capacité du pays à mettre en œuvre des politiques qui bénéficient à l’ensemble de la population au-delà des intérêts sectaires et sont principalement responsables de la corruption qui nous a mené vers les abîmes actuels. . Les élites politiques et économiques sont souvent accusées de s’accaparer les ressources de l’État et de bloquer les réformes nécessaires pour maintenir leur pouvoir et leur influence. Cette situation limite sérieusement l’efficacité des institutions démocratiques et sape la confiance du public dans le système politique via le parlement qui au final n”est pas représentatif de la majeure partie de la population. Un suffrage universel pourrait justement restaurer la confiance publique envers les institutions et ainsi permettre le redémarrage d’un état de droit capable de combattre la corruption et de restaurer la justice face aux mafias.

En effet, le suffrage universel direct, en confiant le choix du président directement aux citoyens, pourrait théoriquement renforcer la légitimité du chef de l’État. En permettant à chaque citoyen de participer à l’élection présidentielle, on pourrait voir émerger un sentiment d’appropriation et de responsabilité collective envers le processus démocratique et ses résultats. Une telle approche pourrait également diluer les tensions sectaires en encourageant les candidats à s’adresser à un électorat plus large, dépassant ainsi les clivages communautaires traditionnels pour promouvoir des programmes véritablement nationaux et surtout, permettre l’émergence d’un sentiment d’unité nationale face aux crises qui nous frappent.

Alors que le monde continue de lutter avec les idéaux de la démocratie et les réalités souvent désordonnées de sa pratique, les cas de la Russie, des États-Unis et du Liban offrent des leçons cruciales. Ils nous rappellent que la démocratie, pour toutes ses imperfections, nécessite un engagement constant envers le renforcement des institutions, la transparence et le dialogue inclusif. Plus que jamais, il est vital de reconnaître les défis auxquels nos systèmes démocratiques sont confrontés, tout en travaillant sans relâche à les améliorer et à les rendre plus résilients face aux épreuves du temps. Il est largement temps au Liban de se poser des questions sur la viabilité et les réformes politiques nécessaires pour rendre notre système à nouveau démocratique.

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