Alors que les autorités libanaises ont décidé d’augmenter les salaires de la fonction publique, ces hausses ne suffisent pas à compenser les pertes de pouvoir d’achat. Pire, elles augmentent même l’inflation que subit l’ensemble de la population.

Ces dernières semaines, ont eu lieu de nombreuses manifestations dans le secteur public, avec une grève générale qui avait bloqué le fonctionnement normal des institutions mais aussi des retraités. Le gouvernement a agi en décidant d’augmenter les salaires en leur accordant l’équivalent de 9 mois de leurs salaires d’avant la crise et en les calquant sur le taux de change au marché noir. Cependant, cela est loin d’être suffisant et pourrait au contraire faire entrer l’ensemble de la population dans un cercle inflationniste infernal.

De nombreuses interrogations portent sur le financement de ces hausses, certaines personnes estimant que les fonds sont sécurités sur les gains de la Banque du Liban, à hauteur de 30 millions de dollars. Cependant, recourir aux fonds de la Banque du Liban revient à de vielles recettes déjà malheureusement déjà éprouvées puisque les réserves de la Banque centrale ont déjà financé la dette publique depuis 2017, une année où des hausses de salaires avaient déjà été décidées, faute de pouvoir attirer réellement des fonds de l’étranger. Il s’agit d’un des facteurs essentiels ayant contribué à la crise que nous traversons jusqu’à aujourd’hui.

Une hausse insuffisante

Avant la crise, le salaire médian au Liban était équivalent à 1000 USD, soit à l’époque 1.5 millions de livres libanaises. À parité également, ce salaire devrait donc attendre 89 millions de livres libanaises, ce qui est loin d’être aujourd’hui le cas.

Par ailleurs, le pouvoir d’achat depuis 4 ans a été fortement impacté sur un plan interne par la fin des subventions accordées à de nombreux produits notamment énergétiques mais aussi par l’inflation qui s’est produite sur le plan international.

Ainsi, le taux d’inflation en dollar au Liban pour l’année 2023 a atteint 43% avec la fin des subventions dont bénéficiaient la population sur l’électricité publique, l’essence voire même la farine ou les produits essentiels. Ce chiffre de 43% est à mettre en parallèle au taux d’inflation en dollar dans le monde qui a atteint 5%. La hausse des prix des marchandises en dollar a donc été plus importante que la hausse des salaires. A parité également le pouvoir d’achat de l’ensemble de la population s’est donc fortement érodé.

S’il s’agissait donc de rattraper ces pertes en terme de pouvoir d’achat, il s’agirait donc de doubler les salaires en dollar, ce qui est loin d’être le cas et même loin d’être possible.

Des hausses qui devraient être conditionnées à un retour à la croissance

Ces hausses doivent aussi tenir compte de l’état de l’économie libanaise et notamment de sa productivité et de sa compétitivité sur le plan régional et international. Aujourd’hui, l’économie libanaise va d’autant plus mal que le système financier actuel ne lui permet pas d’attirer des capitaux étrangers, par un manque de confiance et de transparence et par l’absence de viabilité de ce secteur essentiel faute de pouvoir être restructuré. Les autorités libanaises sont aussi en mal de restructurer la dette publique et notamment de négocier avec les détenteurs des fameux eurobonds en vue de permettre au Liban d’accéder aux marchés financiers internationaux.

Alors que les prévisions de croissance prévoyaient au mieux un léger équilibre en 2023, la récession que subit le pays des cèdres pourrait même se prolonger en 2024, faute de réformes économiques, fiscales mais surtout de décisions importantes concernant les banques libanaises.

Cette décision de hausse des salaires des fonctionnaire n’est pas nouvelle. Les prédécesseurs de Najib Mikati y avaient déjà recouru, comme Tamam Salam en 2014 ou encore Saad Hariri en 2017. La résultante de ces décisions erronées a été accentuée par la politique de maintien paritaire de la livre libanaise face au dollar, accentuant de facto aussi la pression sur la monnaie nationale, jusqu’à la crise financière et économique actuelle.

Au final, ces augmentations de salaire sont une nouvelle erreur, une décision populiste comme les précédentes visant à satisfaire un secteur public qui comme l’ensemble de la population finira par en payer le prix avec des dépenses inconsidérées en devises étrangères dont on aurait plutôt besoin pour relancer notre économie locale par la production de richesses et non par la destruction de richesses.

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