La communauté maronite qui vient de fêter son saint patron le 9 février, journée chômée nationale depuis 1920, doit son existence et son organisation culturelle et politique, à 3 figures tutélaires.

Tout d’abord le Père spirituel fondateur, l’ermite Saint Maron, moine syriaque (autour de 340-410). C’est lui qui donna le modèle, par la vie de pénitence et de prières qu’il mena. Les miracles qu’il accomplissait le rendirent célèbre dans toute la Syrie. Il enclencha un mouvement spirituel et à sa mort, ses disciples bâtirent un sanctuaire, pour l’y déposer et organiser un pèlerinage. Son monastère près d’Apamée (Hama) joua un rôle, dans la Syrie chrétienne de l’antiquité tardive. En 517, il y eut un affrontement sanglant, au cours duquel 350 moines de ses disciples furent assassinés (martyrs célébrés par l’église maronite le 31 juillet).

La seconde figure fondatrice culturelle et politique fut Saint Jean Maron (autour de 627-707), adepte de Saint Maron et moine byzantin (né près d’Antioche et fit ses études à Constantinople). Il devint patriarche élu d’Antioche en 686, reconnu par le pape Serge 1er. Il y avait 5 patriarches évêques à l’époque dans l’empire chrétien (Rome, Constantinople, Jérusalem, Alexandrie et Antioche) L’empire d’Occident était tombé en 476 (avec la chute de Rome) et l’empire d’Orient tombera en 1453 (avec la chute de Constantinople).

Saint Jean Maron est considéré comme le premier patriarche maronite (686), établi au monastère de Canobin (Quanoubine), fondé par Théodose le grand, sur le fleuve de Nahr el kadès ou fleuve saint. C’est lui qui donna une autonomie et une existence communautaire, culturelle et politique aux maronites qui étaient persécutés par les deux pouvoirs militaires de l’époque, arabe et byzantin. Au fil des siècles, cette communauté réfugiée dans le Mont Liban, va développer, notamment durant la période de l’Emirat (1516-1842), ses caractéristiques propres, pour préserver sa liberté, sa culture et sa foi. Saint Jean Maron est fêté par l’église maronite le 2 mars. Il fonda le couvent qui porte son nom à Kfarhay (Batroun).

La troisième figure de Père fondateur est celle du patriarche Elias Hoayek (1843-1931), élève du couvent de Kfarhay, patriarche maronite (1899-1931) et Père fondateur du grand Liban dans ses frontières actuelles (qui fut proclamé le 1 er septembre 1920, à la suite de l’intervention du patriarche à la tête d’une délégation libanaise, au congrès de la paix à Versailles). C’est le Père de l’actuelle entité libanaise juridique et politique, et du modèle libanais de vivre-ensemble et de la diversité culturelle, pionnier dans le monde arabe et en Occident, autrement dit du ’’Pays-message’’.

Ces 3 figures, liées l’une à l’autre à travers l’Histoire, ont structuré la communauté maronite spirituellement (expérience mystique de Saint Maron), culturellement et politiquement, à l’échelle d’une communauté (Saint Jean Maron, premier patriarche reconnu) et au cœur d’une nation (le patriarche Hoayek, père du Grand Liban pluricommunautaire).

Cette entité a mis 15 siècles (410-1920) pour se construire et obtenir, au sein de l’entité libanaise, avec l’exclusivité de la présidence de la République, une garantie pour ses droits culturels et politiques. Hélas, après ce parcours périlleux et providentiel, si douloureux, pionnier et quasi héroïque, elle est minée de l’intérieur, depuis bientôt un siècle, par les ambitions personnelles de ses dirigeants politiques, qui voient dans la présidence, une fin en soi narcissique et non un moyen, au service de la survie de la collectivité. Un siècle de luttes intra maronites et bientôt deux ans, de vacance de la présidence de la République, qui remettent en question, un acquis culturel et politique de 16 siècles et un héritage, qui au lieu d’être précieusement et solidairement, préservé et transmis aux générations futures, ne sert plus qu’à des jouissances immédiates et ponctuelles et à être, rapidement et dangereusement, éparpillé et dilapidé.

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