Initialement prévue pour février, remise pour mars ensuite, la visite du Président Français au Liban semble être quelque peu compromise aujourd’hui et même plus évoquée. Et pour cause, les relations entre le Liban et la France semblent être quelques peu refroidies en raison de divergences sur plusieurs dossiers.

Le rapprochement entre les 2 pays avait été illustré par la médiation française lors de l’affaire de la fausse démission du Premier Ministre Saad Hariri, en réalité démission forcée, imposée par l’Arabie Saoudite, en novembre 2017. La France avait ensuite réitéré son soutien au Liban à plusieurs reprises, en devenant le Pays Hôte de la conférence d’aide dite CEDRE où les pays donateurs ont promis une aide, essentiellement sous forme de prêts bonifiés pour 10.5 milliards de dollars et des dons à hauteur de 500 millions de dollars environ.

Il s’agissait pour Beyrouth, de relancer la croissance de son économie via un plan de remise à nouveau de ses infrastructures largement impactées déjà par la présence de nombreux réfugiés syriens. Pour les puissances européennes, il s’agissait déjà de garder ces réfugiés au Liban, puisque l’essentiel des emplois proposés dans le cadre de CEDRE le seront à une main-d’oeuvre sous qualifiée et donc syrienne et puis de préparer la reconstruction de la Syrie, avec notamment la mise en place d’une ligne de chemin de fer entre le Port de Tripoli et la frontière syrienne.

De même tout nouveau conflit israélo-libanais a été évité pour les mêmes raisons, suite aux allégations du Premier Ministre Israélien au sujet de stocks de missiles situés à proximité de l’Aéroport International de Beyrouth ou encore la découverte de tunnels à proximité de la Ligne Bleue.

Au niveau militaire, l’envoi de blindés Mephisto équipés de missiles HOT illustraient un symbole fort de la coopération entre les 2 pays et à son appui aux forces armées libanaises en dépit de l’annulation du fameux contrat saoudien de 5 milliards de dollars d’équipements. Il s’agit toutefois de quelque peu relativiser les choses. les VAB Mephisto sont en cours de retrait en France et les missiles HOT sont aujourd’hui remplacés par une nouvelle génération de missiles antichars.

Pourtant aujourd’hui, de nombreuses divergences entre la France et le Liban apparaissent et refroidissent quelque peu les relations entre les 2 pays.

Premier contentieux, le cas de la libération de Georges Abdallah

Georges Abdallah, militant libanais pro-palestinien, membre du Front populaire pour la libération de la Palestine (FPLP) est accusé de faux et usages de faux. Cependant, le FPLP aurait participé au commando impliqué dans l’assassinat de Charles R. Ray, attaché militaire américain à Paris, le 18 janvier 1982, et de Yacov Barsimentov, diplomate israélien, le 3 avril. Il aurait également gravement blessé gravement Robert Onan Homme, consul américain à Strasbourg.

La participation de Georges Abdallah dans ces actes n’a jamais été officiellement prouvée, ce qui fera par exemple dire au Premier Ministre Nagib Mikati en 2013 que Georges Abdallah est un prisonnier politique.

Les autorités libanaises sont intervenues auprès de Georges Abdallah à Paris dont la libération devait intervenir en janvier et qui a été repoussée suite à des pressions israéliennes et américaines. L’ambassadeur du Liban en France, Rami Adwan s’est ainsi rendu auprès du prisonnier, une première pour un représentant libanais.

Pour l’heure, ce contentieux entre les 2 pays n’a pas encore débouché sur une quelconque solution.

La coopération sécuritaire quelque peu gelée entre les services français et libanais

Des sources sécuritaires libanais ont indiqué être quelque peu déçues dernièrement du manque de volonté de leurs homologues français dans la localisation d’une personne recherchée au Liban. Il semblerait qu’elles aient, elles-même, pris l’initiative de pouvoir la retrouver alors que les services français prétendaient ne pas pouvoir le faire.

Certains estiment par conséquent que la coopération sécuritaire entre les 2 pays est quelque peu amoindrie alors que se sont éloignées les menaces terroristes avec l’échec de Daesh en Syrie. Pour autant, les services des 2 pays indiquent officiellement continuer à coopérer dans le dossier de la lutte antiterroriste.

Le retard pris pour la mise en place des réformes prévues dans le cadre de CEDRE

Autre sujet important de contentieux, parmi les premières raisons évoquées pour remettre la visite du Président Français Emmanuel Macron, le retard pris par le Liban dans la mise en place des réformes économiques, fiscales et monétaires détaillées lors de la conférence d’aide économique au Liban. Cette conférence s’est déroulée en avril 2018 à Paris.

Ce plan d’aide nommé CEDRE avait été suspendu à la mise en place d’un nouveau gouvernement, chose faite en février 2019 par la constitution du gouvernement Hariri III.

Alors que la lutte contre la corruption a été engagée par les administrations politiques comme l’illustrent les vagues d’arrestations de personnes soupçonnées de détournement de fonds publics, le volet de réformes économique tarde encore à se concrétiser.

L’Ambassadeur extraordinaire en charge du dossier, Pierre Duquesne, s’était ainsi montré quelque peu pessimiste quant à la capacité de l’état libanais à mettre en œuvre ces réformes lors de sa dernière visite.

Il devrait également revenir prochainement au Liban pour juger des progrès accomplis dans ce dossier.

Pour autant, une grande partie des projets détaillés lors de la conférence CEDRE et notamment une grande partie de son infrastructure, le sera pas une main d’œuvre sous-qualifiée et non libanaise. D’où l’absence d’étude d’impact sociologique et économique officiellement. Officieusement, ces études existent mais n’ont pas été rendues publiques

La population libanaise n’en profitera à priori indirectement que par des gains de compétitivité et par la croissance économique qu’ils engendreraient.

La main d’oeuvre sous-qualifiée qui sera utilisée pour la mise en place de ces infrastructures sera principalement issue de la communauté de réfugiés syriens présents au Liban. C’est ainsi qu’il faille comprendre les derniers propos du Ministre des AF Gébran Bassil qui estimait, tout en étant en faveur de CEDRE, qu’il faille oeuvrer dans l’intérêt du Liban et que la communauté internationale semble lier CEDRE à une implantation des réfugiés syriens au Pays des Cèdres.

Cette présence donc est faite pour durer.

La polémique au sujet des discussions avec la Syrie pour le retour des réfugiés syriens

Mais c’est plutôt sur le dossier des réfugiés syriens lui même que les divergences entre le Liban et la France sont les plus importantes.

Ainsi, en dépit de la la publication dans divers journaux de la presse écrite d’une tribune de l’Ambassadeur de France au Liban, il existe une grande différence de position entre celles de la Présidence de la République qui appelle au retour sans condition du million et demi de réfugiés présents au Liban et celles d’une partie de la communauté internationale et la France qui appelle à une solution politique à la crise syrienne en préalable au retour des réfugiés syriens.

Et pour cause, le Liban est largement dépassé par la situation.

2.2 millions de réfugiés si on inclus réfugiés syriens et réfugiés palestiniens, soit 62% de la population libanaise résidente au Liban, un taux de chômage de 43% de la population active libanaise principalement concurrencée par une main d’œuvre étrangère moins payée et pour laquelle, il n’y a pas de charge sociale.

Une étude en date de 2014 effectuée par Médecins Sans Frontières (MSF) estimait à 27% le nombre de réfugiés syriennes présentes au Liban soit enceintes, soit qui ont donné naissances au cours des 12 derniers mois.

Ces chiffres ne peuvent pas laisser indifférents et montrent la pression démographique et économique importante engendrée par cette présence. Le Premier Ministre lui-même en a conscience mais semble être quelque peu coincé entre la volonté de la communauté internationale parmi laquelle la France joue un rôle décisif au Liban et la situation libanaise.

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