Monsieur Le Président,
Vous vous rendez au Liban en ce lundi 31 août 2020 pour une seconde visite en moins d’un mois, afin de célébrer le centenaire de la création du Liban. Nous vous remercions pour l’intérêt que vous portez à notre pays en ces moments ô combien sombres et difficiles.

Depuis des décennies, les seigneurs de guerre, qui ont pris les commandes du pays, appliquent leur politique de destruction massive au mépris des lois et de la Constitution.

Ils ont vidé les caisses de l’Etat et contracté des dettes colossales pour de prétendus « grands projets » d’infrastructure et de modernisation. Mais force est de constater qu’à ce jour notre peuple ne dispose que de quelques heures d’électricité et rêve d’accès à une eau potable, salubre et propre, un droit fondamental de l’homme.

En octobre 2019, les incendies ont ravagé les quatre coins du pays. Un désastre environnemental qui a suscité colère et indignation des Libanais, sans pour autant troubler la quiétude de la caste dirigeante.

Le 17 Octobre 2019, nous sommes descendus dans la rue et exigé le départ de toute la classe politique, dans un contexte de pauvreté galopante, d’une économie moribonde et d’une corruption institutionnalisée.

Pourtant, depuis le sursaut citoyen d’octobre 2019, la réponse de nos gouvernants reste inchangée, ils continuent de violer nos droits, de confiner nos libertés et de confisquer nos avoirs avec la complicité de la Banque du Liban.

Le 4 août 2020, une double explosion due au stockage de 2750 tonnes de nitrate d’ammonium dans un entrepôt du port de Beyrouth dévaste la capitale. Le bilan est de 180 morts, plus de 7000 blessés, une dizaine de disparus et 300 000 personnes sans abri. Par-delà la lassitude et les deuils répétés, les Libanais se trouvent aujourd’hui désemparés, face à l’ampleur de la catastrophe et l’incurie criminelle de nos dirigeants qui ne laisse nulle place à l’espoir d’un avenir meilleur.

Monsieur le Président, nos jeunes se suicident et nos aînés n’ont plus de raison de vivre. Le peuple libanais est aux portes de l’Enfer. C’est pourquoi, à la veille de votre visite au Liban, nous tenons à réitérer nos revendications à savoir :

– Le gel immédiat des comptes bancaires étrangers de nos hauts responsables et de leurs proches, dans l’attente d’une enquête transparente sur la disparition de milliards de dollars des caisses de l’Etat et en vue de la restitution des fonds publics pillés.
– Application de la loi relative à l’enrichissement illicite.
– La démission de toute la classe politique défaillante et corrompue.
– La formation d’un gouvernement professionnel provisoire, indépendant des partis au pouvoir avec une délégation du pouvoir législatif. Vous avez dans ce sens prôné « un nouveau pacte politique » conduisant à la formation d’un « cabinet d’union nationale », une approche consensuelle qui risque toutefois de maintenir au pouvoir les politiciens actuels, sous un nouvel habillage.
– Une réforme électorale et l’organisation d’élections législatives, démocratiques et transparentes, sous contrôle international, en application de l’article 22 de la Constitution et ce, dans un délai de six mois, conformément aux aspirations du peuple libanais.
– Le lancement d’un programme de réforme institutionnelle renforçant la séparation des pouvoirs et l’indépendance des juges.
– La neutralité du Liban.
– Un audit exhaustif mené par des experts internationaux du secteur public et la mise en place d’un tribunal pénal, chargé de juger les responsables du crime contre l’humanité perpétré à Beyrouth, ainsi que les auteurs des crimes financiers. Nous appuyons dans ce sens, votre proposition d’une enquête internationale, avec la participation de la France, sur les explosions de Beyrouth.

Monsieur Le Président, une sortie de crise ne saurait se concrétiser avec des ingérences extérieures à répétition.

Nous demandons par conséquent l’application du chapitre VII de la Charte des Nations Unies et préconisons les mesures suivantes :
– Le strict respect des résolutions onusiennes et des accords de Taëf, notamment des dispositions concernant le désarmement des milices, et le retour à la souveraineté étatique sur l’ensemble du territoire libanais.
– L’extension du mandat de la FINUL à toutes les frontières du Liban, terrestres, maritimes et aériennes.
Ces mesures permettraient au Liban de retrouver les conditions d’une souveraineté et par là même, la qualité d’Etat.

Monsieur le Président, vous allez bientôt commémorer le centenaire du Grand Liban. Le chemin est encore long pour bâtir une véritable démocratie à l’écoute des citoyens, nous en sommes conscients.

Vous nous avez déclaré lors de votre dernière visite au Liban : « Vous n’êtes pas seuls ». Sachez, Monsieur le Président, que nous saurons saisir cette main tendue et que le peuple libanais, s’il lui est permis de s’exprimer, répondra présent au rendez-vous de l’Histoire.

Mouvement des Citoyens libanais du Monde [email protected]

Elian SARKIS






Jinane Chaker Sultani Milelli
Jinane Chaker-Sultani Milelli est une éditrice et auteur franco-libanaise. Née à Beyrouth, Jinane Chaker-Sultani Milelli a fait ses études supérieures en France. Sociologue de formation [pédagogie et sciences de l’éducation] et titulaire d’un doctorat PHD [janvier 1990], en Anthropologie, Ethnologie politique et Sciences des Religions, elle s’oriente vers le management stratégique des ressources humaines [diplôme d’ingénieur et doctorat 3e cycle en 1994] puis s’affirme dans la méthodologie de prise de décision en management par construction de projet [1998].