Près de 9 mois après la démission du gouvernement Hassan Diab, le premier ministre désigné depuis octobre Saad Hariri semble être isolé tant localement que sur le plan international, y compris parmi ses alliés traditionnels, alors que la situation locale semble plus que jamais critique avec la fin prochaine du programme de subvention qui induira une hausse importante des prix et une dégradation supplémentaire de la parité de la livre libanaise face aux devises étrangères.

Pourtant, il semble que former un gouvernement – préalable à l’obtention de l’aide internationale conditionnée au diagnostic comme l’audit juricomptable des comptes de la Banque du Liban ou encore aux réformes économiques et fiscales – ne soit pas prioritaire.

Il aura fallu la gifle protocolaire infligée par la France et l’Arabie Saoudite pour révéler l’ampleur d’un premier ministre désigné isolé même parmi ses amis et dans son propre camp.

Pour rappel, c’est un journal saoudien, proche du pouvoir saoudien, qui a révélé qu’une entrevue, la semaine dernière, entre le ministre des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian et Saad Hariri n’était pas à l’ordre du jour. Ce dernier attendait que le diplomate français demande rendez-vous auprès de lui à la Maison du Centre. Finalement, c’est le contraire qui s’est déroulé. Pour ne pas perdre la face et pour ne pas montrer son isolement parmi les siens, Saad Hariri a dû au contraire demander rendez-vous et se déplacer à la Résidence des Pins, comme simple citoyen libanais et non comme premier ministre désigné, un affront à ce qu’il considère être son rang, une claque protocolaire qui lui a été infligée.

Décrédibilisé par la France, Saad Hariri a été également lâché par la communauté internationale puisque Paris est en charge du dossier libanais. Il ne fait même plus unanimité parmi les pays du golfe et en premier lieu en Arabie Saoudite, un pays dont il détient tout de même la nationalité et où les dirigeants comme Mohammed Ben Salmane à l’origine de son kidnapping, ont, à plusieurs reprises, fait part de leurs désaccords avec lui, tant au niveau de ses affaires – en faillite qu’il refuse à assumer – que sur le plan politique.

Saad Hariri ne fait plus l’unanimité dans son propre camp, avec ses alliés traditionnels qui l’ont déjà lâché. La relation avec les Forces Libanaises s’était déjà dégradée lors de l’épisode de ce même kidnapping à Riyad en 2018. Aujourd’hui, les Forces Libanaises exigent des élections législatives anticipées.

Même Walid Joumblatt, celui qui avait juré fidélité au fils de son ami Rafic, semble avoir pris ses distances avec son déplacement, il y a un mois au Palais Présidentiel de Baabda et étant à l’origine de la proposition d’un gouvernement de 24 membres au lieu de 18 membres comme voulu par Saad Hariri. S’il n’y a pas conflit avec lui, les désaccords sont pourtant visibles aujourd’hui.

Mais peut-être encore pire pour le premier ministre Saad Hariri, dans son propre parti, le vice-président du Courant du Futur, Mustapha Alloush ou encore un homme proche de lui Hadi Hobeiche, n’excluaient plus son retrait du Grand Sérail, prenant visiblement acte de son isolement sur la scène politique locale et internationale. Le Royaume a d’ailleurs, à plusieurs reprises, indiqué, comme la France aussi ou d’autres pays, que l’aide internationale au Liban sera conditionnée à des réformes économiques. La communauté internationale semble en effet souhaiter ne plus coopérer avec une classe politique locale qui n’a de politique que le mot et qui n’agit qu’en fonction d’intérêts privés et qui a, par le passé, détourné une grande partie des fonds destinés au Liban. Certains accolent ainsi à des personnalités libanaises des pourcentages de commissions pour ne pas parler de corruption exigés par eux pour chaque projet. Saad Hariri n’échappe ainsi pas, comme d’autres anciens premiers ministres, à cela.

Dernière chose paradoxale, côté partis politiques traditionnels, seuls le Hezbollah et le Mouvement Amal semblent aujourd’hui tenir à sa candidature comme prochain premier ministre. Ces 2 mouvements, opposés politiquement à lui depuis 2005, semblent ainsi tenir à un Saad Hariri affaibli qui sans nul doute devra composer avec eux et obéir à tous leurs désirâtes, comme le fait d’accepter d’attribuer le ministère des finances à un proche de Nabih Berri pour que sa candidature soit acceptée par le duo chiite en octobre dernier l’a démontré.

Un commentaire?