Djihad 3/3: Les principes directeurs des offensives de Daech: une méthode composite

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Par Samir Hassan
Originaire de Tripoli (Nord-Liban), fondateur du Mouvement de l’Unification (At Tawhid) et ancien dirigeant de sa branche militaire (1982-1986), Samir Hassan a Ă©tĂ© prisonnier en Syrie pendant onze ans. Depuis sa libĂ©ration, il fait office d’expert militaire et spĂ©cialiste des groupements islamistes de la zone.

Adaptation en version française par René Naba,
Directeur du site www.madanya.info

DAECH, UN NOVATEUR DANS LES MÉTHODES DE COMBAT

En partenariat avec Al Madaniya – Daech a Ă©tĂ© novateur dans ses mĂ©thodes de combat, en adĂ©quation avec la topographie de son dĂ©ploiement et dans la dĂ©signation de son adversaire.

Sa principale contribution aura Ă©tĂ© le dĂ©ploiement de ses forces sous formes de petites unitĂ©s mobiles, s’infiltrant par une progression silencieuse, dans la pure tradition des ghazzou, les raids de la conquĂȘte arabe. La jonction des unitĂ©s engagĂ©es dans la bataille se faisaient juste au moment de l’assaut par fusion de plusieurs Saraya (dĂ©tachement) en Katiba (bataillon).

L’attaque est prĂ©cĂ©dĂ©e par un pilonnage au mortier de calibre 60-81-82, Ă©paulĂ© par des tirs de mitrailleuses lourdes (Douchka et BKC) et pa des tirs de lance-roquettes et des tirs lance-missiles mobiles de type B-10 ainsi que des missiles Ă  longue portĂ©e GRAD de portĂ©e de 20 km.

Depuis les ligne arriĂšres, les combattants de Daech ouvrent le feu sur les arriĂšres des lignes ennemies en vue d’entraver l’arrivĂ©e des renforts vers les premiĂšres lignes adverses. Un pilonnage de l’arriĂšre Ă  l’aide de l’artillerie de campagne et de lance-roquettes multiples de missiles Katiouchas, connues dans les pays occidentaux sous le nom d’ «orgues de Staline». Une telle opĂ©ration «opĂ©ration choc» implique une puissance de feu considĂ©rable.

La fonction du Sniper et les opĂ©rations d’immesion (Al Inghimassioune)

Le sniper Ă©chappe Ă  sa fonction traditionnelle. Il cesse d’avoir un activitĂ© marginale d’intimidation et d’entrave pour devenir un Ă©lĂ©ment essentiel de l’engagement, Ă  l’avant-garde du combat. Il se dĂ©ploie en nombre Ă©levĂ©, en position sur-Ă©levĂ©e de maniĂšre Ă  embrasser la totalitĂ© du champ de bataille. DĂšs l’affaiblissement des positions ennemies, les forces de soutien de Daech entrent alors massivement en action pour les anĂ©antir.

Pour des assauts Ă  longue distance, Daech a recours Ă  des camions et voitures piĂ©gĂ©es qu’il fait exploser sur les premiĂšres lignes ennemies pour dĂ©gager les passages, ou alors il recourt Ă  des commandos suicides porteurs de ceintures explosives, dans des opĂ©rations d’infiltration et d’immersion (Al Inghimassioune).

Au delĂ  des dĂ©gĂąts matĂ©riels et pertes humaines qu’ils infligent Ă  leur adversaires, les commandos suicides ont pour effet second de dĂ©moraliser les troupes adverses.

Les assauts sont gĂ©nĂ©ralement prĂ©cĂ©dĂ©s d’opĂ©ration de diversion, d’assauts virtuels, de tirs de reconnaissance destinĂ©s Ă  tester la puissance de feu adverse. L’estocade finale, dĂ©nommĂ©e l’offensive choc (Al Sadm) vient couronner la sĂ©rie des manƓuvres prĂ©paratoires. L’arsenal de Da’ech comporte, en sus de l’arsenal traditionnel, des missiles tĂ©lĂ©guidĂ©s TAO, des missiles Grad Ă  tube unique, pour amplifier la percussion de la charge sur la cible.

La stratĂ©gie de l’EI est essentiellement une stratĂ©gie offensive, prĂ©cisĂ©ment pour la dĂ©fense des zones sous son contrĂŽle. Quoiqu’il en soit, qu’elle soit offensive ou dĂ©fensive, la stratĂ©gie de Da’ech obĂ©it aux rĂšgles suivantes:

  1. Éviter la confrontation directe avec une armĂ©e rĂ©guliĂšre pour la priver de la possibilitĂ© de faire usage de sa puissance de feu et la combattre alors qu’elle se trouve en mauvaise posture.
  2. Considérer le champ de bataille, comme un champ ouvert, en alimentant le combat par une offensive permanente en vue de prévenir la stabilisation du front.
  3. Tirer profit de l’effet de surprise. Engager des effectifs rĂ©duits Ă©quipĂ©s de matĂ©riels non coĂ»teux pour entraver la progression des forces rĂ©guliĂšres mieux Ă©quipĂ©es en armes coĂ»teux.
  4. Pratiquer le dĂ©ploiement anticipĂ© en guise de moyens de dĂ©fense et Ă©viter les raids aĂ©riens en se positionnant de maniĂšre adĂ©quate dĂ©s l’engagement des forces sur le thĂ©Ăątre des opĂ©rations.
  5. PrivilĂ©gier le qualitatif au quantitatif dans l’usage de l’armement lourd pour Ă©viter qu’il ne soit un handicap au cours de la bataille; Lui prĂ©fĂ©rer les missiles anti-chars et les rampes de lancement de missiles multiples.
  6. AmĂ©nager des PC de substitution et des positions de repli pour assurer la continuitĂ© des combats lors de l’offensive.
  7. DĂ©busquer l’ennemi et le dĂ©gager de sa tranchĂ©e par une succession d’assauts virtuels et d’offensives effectives.

Abdallah Ben Mohammad (2) rĂ©sume ainsi les rĂšgles de base des mĂ©thodes de combat du djihadiste: «Pour assurer la bonne exĂ©cution de l’action militaire, il importe de fonctionner en tant que bloc dans un cadre prĂ©cis afin d’éviter la dispersion des forces. Éviter la dispersion des forces quelque soit la superficie du champ de bataille est une condition essentielle pour la prĂ©servation des forces, la condition de leur efficacitĂ©. Quiconque rĂ©ussit Ă  concentrer ses forces rĂ©ussit Ă  les redĂ©ployer».

Un commandement militaire affranchi de l’observation des lois de l’État et du respect du patrimoine public et privĂ©

Le commandement militaire de Daech diffĂšre des commandements militaires des armĂ©es rĂ©guliĂšres. Ses chefs et ses combattants sont affranchis de l’observation des rĂšglements et des lois de l’État.

Affranchis Ă©galement du respect des biens publics et privĂ©s, ne tenant compte d’aucun sanctuaire, pas plus que de la sĂ©curitĂ© et la survie des combattants.

En tĂ©moigne le nombre Ă©levĂ© des combattants tuĂ©s au cous d’opĂ©rations suicides pendant l’assaut contre la ville kurde de KobbanĂ© (Ain Al Arab), en Syrie, effectuĂ© par 60 combattants lancĂ©s en commandos-suicides, ainsi que contre la raffinerie de Beiji en Irak (20 hommes suicides) et Ă  HassakĂ© en Syrie (32 commandos suicides).

Les combattants de Daech ne sont pas soumis Ă  une dĂ©ontologie, seul l’Émir es susceptible de rendre compte de ses actes en cas d’échec d ‘une offensive. Une Ă©tude comparative des batailles menĂ©es par Da’ech et par Jabhat An Nosra en Syrie rĂ©vĂšle l’absence du moindre garde-fou contre d’éventuels dĂ©bordements. Un fait qui leur confĂšre une supĂ©rioritĂ© sur le champ de bataille.

Les failles du dispositif dĂ©fensif de Da’ech et sa vulnĂ©rabilitĂ©: sa dĂ©faite est possible et certaine

L’expĂ©rience de Daech en Irak et en Syrie n’est pas concluante et ne constitue en aucun cas un critĂšre de rĂ©ussite du fait que ses adversaires pĂątissent d’une grande faiblesse consĂ©cutive Ă  l’hĂ©morragie qu’ils subissent depuis plusieurs annĂ©es, ce qui les contraint Ă  faire preuve de prudence voire mĂȘme d’indĂ©termination dans certains cas. Les forces rĂ©guliĂšres en Irak et en Syrie sont en Ă©tat d’épuisement. La Syrie mĂšne un combat complexe depuis cinq ans. Il en est de mĂȘme de l’Irak captif d’une situation rĂ©sultant de l’invasion amĂ©ricaine de ce pays.

Les batailles menĂ©es par les armĂ©es rĂ©guliĂšres en Irak et en Syrie, se dĂ©roulant dans un environnement complexe, ont montrĂ© leurs limites. La victoire impliquait au prĂ©alable la constitution d’armĂ©es modernes organisĂ©es et performantes et non de songer Ă  freiner Daech Ă  l’aide de milices levĂ©es hĂątivement, Ă  l’exemple du Hachd Al Chaabi (la mobilisation populaire) en Irak ou l’ArmĂ©e de la DĂ©fense Nationale, sorte de garde nationale supplĂ©tive de l’armĂ©e en Syrie.

En dĂ©pit de la force dont il a fait preuve dans la conquĂȘte des territoires en Irak et en Syrie, les faiblesses de Da’ech sont Ă©videntes. La DEFAITE DE DA’ECH EST POSSIBLE ET CERTAINE.

  1. Daech évite le choc frontal, les confrontations frontales et directes et éprouve de la difficulté à mener des opération défensives.
  2. Les armĂ©es rĂ©guliĂšres mettent gĂ©nĂ©ralement Ă  profit les vastes superficies pour procĂ©der Ă  de fortes concentrations de forces en prĂ©vision de leurs offensives. La stratĂ©gie offensive de Da’ech dans un contexte d’extension des zones sous son contrĂŽle le prive de la possibilitĂ© de les conserver durablement sous son emprise; ceci, par contrecoup, offre la possibilitĂ© aux forces rĂ©guliĂšres de le frapper en divers points au mĂȘme moment.
  3. Une autre faiblesse de Daech est sa prĂ©fĂ©rence pour des assauts en surface plane afin de lui permettre de lancer des vĂ©hicules piĂ©gĂ©s Ă  l’assaut des lignes ennemies. Ce faisant, il rencontre des difficultĂ©s pour des combats en zone montagneuse ou dans des guerres de rue, comme ce fut le cas KobbanĂ©, HassakĂ© et Tall Al Abiad.
  4. Son systĂšme des transmissions n’est pas hermĂ©tique. Il est possible de le parasiter pour lui faire perdre le contrĂŽle des opĂ©rations, isoler les unitĂ©s les unes des autres et entraver ses mouvements en semant la confusion dans ses rangs.

Les Kurdes ont rĂ©ussi Ă  gagner contre Daech Ă  KobanĂ©, HassakĂ© et Tall Al Abiad, de mĂȘme que le Hezbollah Ă  l’Est de Homs et dans le secteur du Qalmoun, en le privant de l’effet de surprise par un minutieux travail de repĂ©rage et d’observation et un travail de sape Ă  l’arriĂšre des lignes Da’ech.

Daech doit consolider ses dĂ©fenses en creusant des tranchĂ©es curvilignes (en zig zag) pour freiner les assauts des vĂ©hicules piĂ©gĂ©s. Consolider ses postes d’observation par des batteries de missiles et des snipers.

En ce qui concerne les «groupes d’immersion» (Al Inghimassioune), la force de frappe des commandos-suicides, il serait judicieux de les protĂ©ger par un rĂ©seau de mortier de calibre de 60mm d’une potĂ©e de 100 mĂštres une distance suffisante pour neutraliser quiconque vise Ă  entraver leur lancĂ©e.

Il est notoriĂ©tĂ© publique enfin que Da’ech compense ses pertes territoriales par des conquĂȘtes de zones inhabitĂ©es ou faiblement peuplĂ©es, comme c’est le cas en Libye, oĂč elle a pris pied dans la zone pĂ©trolifĂšre de la CyrĂ©naĂŻque (Benghazi), et l’assaut contre Deir Ez Zor, le 17 Janvier 2016, capturant prĂšs de 500 civils et en Ă©gorgeant une centaine d’autres.

NDLR: 18.802 civils tués, 3.500 esclaves, 3,2 millions de déplacés

((Dans un rapport publiĂ© mardi 19 Janvier 2016, l’ONU dresse un bilan effrayant des exactions commises par les djihadistes de Daech en Irak. Plus de 18 000 civils ont Ă©tĂ© tuĂ©s depuis janvier 2014, et 3500 esclaves sont actuellement aux mains du groupe terroriste.

La Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Irak (MANUI) et le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme dĂ©plorent la dĂ©tention de plus de 3500 personnes, rĂ©duites au rang d’esclaves, et provenant en premier lieu de la communautĂ© des YĂ©zidis. Plus largement, l’ONU dĂ©nonce des actes pouvant Ă©quivaloir Ă  « des crimes de guerre, des crimes contre l’humanitĂ©, et peut-ĂȘtre Ă  un gĂ©nocide Â». Dans ce rapport, les Nations unies dĂ©noncent l’impact « grave et Ă©tendu Â» du conflit en Irak sur les civils, avec 18 802 civils tuĂ©s et 36 245 blessĂ©s entre le 1er janvier 2014 et le 31 octobre 2015. Par ailleurs, 3,2 millions de personnes ont Ă©tĂ© dĂ©placĂ©es Ă  l’intĂ©rieur du pays depuis janvier 2014, dont plus d’un million d’enfants. Et les chiffres rĂ©els pourraient ĂȘtre beaucoup plus Ă©levĂ©s que ceux documentĂ©s, prĂ©vient l’ONU)). Fin de la note.

EPILOGUE

Substitution de l’ennemi proche à l’ennemi lointain

Al Qaida, dans ses trois moutures (Khorassan, Irak et Syrie) et ses franchises Ă  travers le Monde dispose d’une expertise militaire distinctive au niveau opĂ©rationnel. En crĂ©ant des petites unitĂ©s combattantes et en les transformant en une armĂ©e trans-frontiĂšre, en mesure de tenir tĂȘte aux armĂ©es rĂ©guliĂšres et aux coalitions internationales, sa contribution est notable dans l’art de la guerre.

Un de ses apports majeurs aura Ă©tĂ© l’élaboration d’une «mĂ©thode de combat composite», «une guerre de l’initiative sur le terrain». Une technique expĂ©rimentĂ©e en Irak et en Syrie, sur une vaste Ă©chelle, testĂ©e Ă  l’épreuve de grandes confrontations dans des guerres forces pendant cinq ans. Cette technique a apportĂ© la preuve, sinon de sa supĂ©rioritĂ©, Ă  tout le moins de son efficacitĂ©.

La «mĂ©thode composite» ne se limite plus dĂ©sormais Ă  la guĂ©rilla urbaine ou Ă  la guerre dans les montagnes. Elle s’applique depuis aux grandes confrontations impliquant l’usage des blindĂ©s, des drones et de la balistique.

Elle a frappĂ© de caducitĂ© la conception traditionnelle de l’art de la guerre en ce que le commandant opĂ©rationnel su le terrain, par sa capacitĂ© d’improvisation libĂ©ratoire d’une routine inhĂ©rente Ă  ce mode de fonctionnement, avait dĂ©sormais prĂ©Ă©minence sur le stratĂšge de l’état-major.

L’armĂ©e conventionnelle observe un processus de prise de dĂ©cision rĂ©glementĂ© dĂ©composĂ© en trois phases: La dĂ©finition de l’objectif, la mise en place du dispositif pour l’atteindre puis son exĂ©cution sur le terrain.

L’État Islamique a confĂ©rĂ© la prioritĂ© aux commandants opĂ©rationnels sur le terrain, du fait qu’ils Ă©taient dotĂ©s d’une double expĂ©rience: l’expĂ©rience de la guerre de type conventionnel et l’expĂ©rience de la guĂ©rilla. Cette synthĂšse leur a confĂ©rĂ© une supĂ©rioritĂ© dans l’impulsion d’une dynamique de combat et l’adresse manifestĂ©e dans les rangs des combattants de Daech, plus importante que leur homologue Ă  des postes bureaucratiques dans les armĂ©es conventionnelles. En sus de la grande mobilitĂ© dont les djihadistes ont su faire preuve dans leur dĂ©placement de Tall Al Abiad Ă  KobbanĂ© via Raqqa ou de la raffinerie de Beiji (Irak) Ă  Hayt.

Le combat djihadiste a grandement modifiĂ© la conduite de la guerre au sein des groupements armĂ©s depuis la proclamation du Califat, en 2014, par la fusion de la gĂ©ographie Ă  la dĂ©mographie. Da’ech a modifiĂ© la nature de la confrontation en substituant Ă  «la stratĂ©gie du combat de l’ennemi lointain» (États-Unis), via le raid du 11 septembre 2001, la «stratĂ©gie de l’ennemi proche», matĂ©rialisĂ© par les rĂ©gimes arabes, Ă  la faveur de l’anarchie rĂ©gnant dans ces pays.

La quasi totalitĂ© des figures de proue d’Al Qaida ont disparu

Le Califat a constituĂ© un pĂŽle d’attraction, mais l’expĂ©rience d’Al Qaida et Da’ech ont dĂ©naturĂ© l’éthique de la guerre de guĂ©rilla et de la guerre de libĂ©ration nationale, elles qu’elles Ă©taient pratiquĂ©es auparavant. La terreur et les bains de sang produisent certes des effets immĂ©diats, mais prĂ©ludent gĂ©nĂ©ralement Ă  l’échec.

La consolidation des acquis et la pĂ©rennitĂ© d’un mouvement reposent sur la solidaritĂ© de la population et la coopĂ©ration avec les instances sociales et non sur leur soumission. Dans ce contexte, des doutes ont surgi quant Ă  l’aptitude de l’État Islamique Ă  se perpĂ©tuer du fait mĂȘme de ses abus. L’État Islamique ne dispose plus des Ă©lĂ©ments pouvant assurer sa pĂ©rennitĂ©. Les capacitĂ©s militaire sont en contraction au niveau de la mobilisation de troupes combattantes, reflet de son incapacitĂ© Ă  soutenir des guerres politiques.

Al Qaida a perdu la quasi totalitĂ© de ses figures de proue en moins d’une dĂ©cennie, de 2006 Ă  2015. Des chefs charismatiques sur le plan du djihadisme planĂ©taire, Ă  commencer par son fondateur, Oussama Ben Laden.

La nouvelle gĂ©nĂ©ration, quarantenaire, qui ne dispose pas de la mĂȘme expĂ©rience guerriĂšre que la prĂ©cĂ©dente, est plus impulsive et aventuriste. Ce qui l’a conduit Ă  commettre des erreurs, lui faisant perdre de nombreux soutiens, notamment du fait de la prĂ©sence de nombreux combattants Ă©trangers ce qui a provoquĂ© des tensions et des scissions au niveau des commandements locaux.

Vers la conclusion d’un arrangement sur le modĂšle ds accords de Dayton (2005) sur la Bosnie avec expulsion des combattants Ă©trangers

Tous ces facteurs convergent pour favoriser la conclusion d’un arrangement de type de celui qui a Ă©tĂ© conclu en Bosnie (Accord de Dayton 2005), dĂ©bouchant sur l’expulsion des combattants Ă©trangers. La perspective de l’expulsion des combattants Ă©trangers du champ de bataille et de mĂȘme que l’affaiblissement des groupements armĂ©s se sont dĂ©jĂ  traduits sur le terrain par des rĂšglements de compte inter-djihadiste, en Syrie mĂȘme.

Les combattants étrangers sont perçus comme le «cheval de Troie», un instrument des états pour des rÚglements de compte qui ne concernent pas spécifiquement le mouvement djihadiste.

Le Djihad au Moyen-Orient, produit dĂ©rivĂ© de la guerre du Golfe et de l’invasion amĂ©ricaine de l’Irak

Le djihadisme ne relĂšve pas d’un projet global islamiste, ni mĂȘme de projets sous tendant la promotion de l’Islam. Il rĂ©sulte des consĂ©quences de la guerre du Golfe et de l’invasion amĂ©ricaine de l’Irak.

L’effondrement de l’État irakien, les dĂ©ceptions rĂ©pĂ©titives gĂ©nĂ©rĂ©es par la politique Ă©radicatrice du premier pro consul amĂ©ricain en Irak, Paul Bremer, ont fĂ©dĂ©rĂ© les mĂ©contentements. Les anciens officiers de l’armĂ©e irakienne mis d’office au chĂŽmage sans indemnitĂ©s, les rescapĂ©s des purges du parti Baas, en application de la politique d’éradication menĂ©e contre ce parti laĂŻcisant ont fait leur jonction avec le reliquat des combattants d’Al Qaida en Irak, en perte de vitesse depuis son conflit en 2007 avec le conseil des chefs des tribus sunnites, eux mĂȘmes abandonnĂ©s Ă  leur sort par la puissante occupante.

Ce groupement hĂ©tĂ©rogĂšne et hĂ©tĂ©roclite ne disposait pas d’une plate-forme Ă©volutionnaire militante rĂ©active avec les aspirations de la sociĂ©tĂ©. L’analyste Abdallah Ben Mohammad l’admet volontiers: «les RĂ©volutions arabes ont commencĂ© d’une maniĂšre mĂ©canique. La faiblesse du rĂ©gime tunisien a encouragĂ© le mouvement de protestation populaire tunisien, au dĂ©part spontanĂ©, pour acquĂ©rir une dynamique propre Ă  la faveur des erreurs d’apprĂ©ciation et des fautes des gouvernements en place. Le phĂ©nomĂšne d’imitation s’est alors propagĂ© Ă  l’Égypte, puis Ă  la Libye et Ă  la Syrie, en dĂ©pit de la prĂ©sence d’un important arsenal dans ces pays.

L’absence d’un leadership de substitution a favorisĂ© l’amplification de la contestation populaire, motivĂ©e au dĂ©part par une rĂ©action au processus de marginalisation de larges couches populaires. Il est indubitable que la Guerre du Golfe et l’invasion amĂ©ricaine de l’Irak ont eu des rĂ©percussions nĂ©gatives sur la situation. «L’anarchie provoquĂ©e par l’occupation amĂ©ricaine et les dĂ©cisions destructives de Paul Bremer, en sapant les fondements de l’État par la dissolution de l’armĂ©e et les purges administratives ont favorisĂ© l’afflux des Moujahiddines. La puissante occupante assume la responsabilitĂ© d’avoir crĂ©Ă© les conditions objectives Ă  l’afflux des Moujahiddines», explique Haytham Manna, opposant syrien historique au pouvoir baasiste et auteur d’un livre intitulĂ© «Des Hijras illusoires aux bains de sang» (Institut Scandinave des Droits de l’Homme). «Un tel phĂ©nomĂšne a surgi en phase d’ébullition et se dissipe avec la disparition de causes qui l’ont engendré», soutient de son cĂŽtĂ©, Docteur Kamal Khalaf Al Tawil, un intellectuel arabe de renom.

La guerre prĂ©emptive: Les succĂšs des cas isolĂ©s, non un cas d’école

Sur le plan militaire, les armĂ©es conventionnelles ont retrouvĂ© leur primautĂ© en ce qu’elles ont dĂ©jĂ  intĂ©grĂ© les enseignements des guerres asymĂ©triques de Syrie et d’Irak. Leur mode opĂ©ratoire a Ă©tĂ© rĂ©amĂ©nagĂ© avec l’inclusion de petites unitĂ©s mobiles dans leurs formations avec leur intĂ©gration aux grandes opĂ©rations combinĂ©es avec l’intervention des diverses armes (blindĂ©s, aviation, balistique, troupes hĂ©liportĂ©es etc..)

L’Iran a optĂ© pour un mode opĂ©ratoire composite de ses mĂ©thodes de combat, avec la triple combinaison de son armĂ©e conventionnelle avec les Pasdarans, les gardiens de la rĂ©volution, spĂ©cialiste de la guerre de guĂ©rilla, dĂ©sormais Ă©quipĂ© d’un armement comparable Ă  l’arsenal d’une armĂ©e conventionnelle, avec en soutien les Bassidj, pour la protection du front intĂ©rieur.

Les guerres prĂ©emptives ont remporte de nombreuses batailles sur le terrain sans que cette tendance se confirme dĂ©finitivement dans les faits. Les succĂšs des guerres prĂ©emptives demeurent des cas isolĂ©s, pour qu’il soit possible de les Ă©riger en cas d’école.

Le Vietnam peut servir d’exemple d’une maĂźtrise parfaite de la guerre de guĂ©rilla. Ils ont engagĂ© le combat Ă©quipĂ©s au dĂ©part d’armes individuelles, ayant recourt a des ruses de guerre, les piĂšges et souriciĂšres, faisant l’acquisition d’armes supplĂ©mentaires, spĂ©cialement du butin de son ennemi, d’abord français ensuite amĂ©ricain, au fur et Ă  mesure de la progression de son combat.

Au plus fort de la bataille, le gĂ©nĂ©ral N’Guyen Van Giap, ministre de la dĂ©fense nord vietnamien et son Ă©tat major, envisageaient dĂ©jĂ  l’amĂ©nagement des conditions d’une confrontation globale, en mobilisant, en rĂ©serve, une armĂ©e populaire pour des combats de soutien Ă  la guerre totale. Au tournant de la guerre, Ă  un point donnĂ© de sa mobilisation, le Vietcong a pu lancer une offensive gĂ©nĂ©rale s’emparant sans coup fĂ©rir de la totalitĂ© des postions adverses, dĂ©ferlant vers le Sud Vietnam jusqu’à son entrĂ©e victorieuse Ă  Saigon, la capitale du sud Vietnam pro amĂ©ricain.

Le Vietnam n’aurait pu gagner s’il s’était maintenu au plan de la guerre de guĂ©rilla. Certes la guĂ©rilla peut difficilement ĂȘtre vaincue, mais il est non moins vrai que la guerre de guĂ©rilla ne peut, Ă  elle seule, parvenir Ă  la victoire totale par l’anĂ©antissement de son adversaire.

Une force militaire a besoin d’un objectif mobilisateur. Le combat contre l’occupation soviĂ©tique de l’Afghanistan, de mĂȘme que le combat contre l’occupation amĂ©ricaine de l’Irak ont constituĂ© des objectifs mobilisateurs lĂ©gitimant l’usage de la force. Dans le cas d’espĂšce, l’occupation soviĂ©tique de l’Afghanistan a pris fin, de mĂȘme que l’occupation amĂ©ricaine de l’Irak. Les djihadistes sont dĂ©sormais en panne d’un objectif mobilisateur. Le fait de se mettre en quĂȘte d’une quote-part du pouvoir ne constitue pas un objectif mobilisateur en soi et justifier les lourds sacrifices inhĂ©rents Ă  la rĂ©alisation d’un tel projet.

Faute d’un objectif majeur et lĂ©gitime, l’horizon des groupements djihadistes paraĂźt bouchĂ©, tributaire des arrangements en gestation tant sur le plan rĂ©gional qu’international, pour la stabilisation au Moyen-Orient et cela quelque soit la durĂ©e de gestation des solutions envisagĂ©es.

RÉFÉRENCES

1- Forces et faiblesses de Daech par Ala’ Al Ansi, journal libanais «Al Akhbar» en date du 29 juillet 2014.

2- Abdallah Ben Mohammad, auteur de deux ouvrages: «Memorandum stratĂ©gique, la stratĂ©gie dans les batailles rĂ©gionales au Levant» et «La guerre de guĂ©rilla politique».

ReneNaba
RenĂ© Naba | Journaliste, Ecrivain, En partenariat avec https;//www.Madaniya.info Français d’origine libanaise, jouissant d’une double culture franco arabe, natif d’Afrique, juriste de formation et journaliste de profession ayant opĂ©rĂ© pendant 40 ans au Moyen Orient, en Afrique du Nord et en Europe, l’auteur dont l’expĂ©rience internationale s’articule sur trois continents (Afrique Europe Asie) a Ă©tĂ© la premiĂšre personne d’origine arabe Ă  exercer, bien avant la diversitĂ©, des responsabilitĂ©s journalistiques sur le Monde arabo-musulman au sein d’une grande entreprise de presse française de dimension mondiale.

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