Arabie Saoudite
I â Solder lâĂšre Bandar.
Sous couvert de guerre contre le terrorisme, lâArabie saoudite a opĂ©rĂ© un rapprochement tangible avec IsraĂ«l, criminalisant la confrĂ©rie des FrĂšres Musulmans, renouant avec Mahmoud Abbas, dans une tentative de renflouement de la question palestinienne, la grande oubliĂ©e du «printemps arabe», en vue dâaccompagner le rĂšglement du conflit israĂ©lo-arabe selon un schĂ©ma amĂ©ricain confĂ©rant un statut minorĂ© au futur Ă©tat palestinien.
Mais la chute de la place forte islamiste de Yabroud en Syrie, le verrou de Damas, aux mains des forces gouvernementales syriennes, le 15 mars 2014, le jour mĂȘme du rĂ©fĂ©rendum du rattachement de la CrimĂ©e Ă la Russie traduit une exacerbation de la rivalitĂ© des puissances entre le bloc atlantiste et ses adversaires, Ă lâeffet de fausser les plans des AmĂ©ricains et de leurs alliĂ©s saoudiens tant en Syrie que dans lâhinterland stratĂ©gique de la Russie et propulser lâancien Empire des tsars au rang dâinterlocuteur fiable au niveau du Monde arabe, longtemps diabolisĂ© du fait de lâathĂ©isme marxiste soviĂ©tique.
La chute de Yabroud, 10 mois aprÚs le perte de Qoussayr, devrait sécuriser les voies de ravitaillement du Hezbollah libanais et tarir quelque peu le flux djihadiste de Syrie vers le Liban.
Un tel dĂ©veloppement stratĂ©gique, tant sur le plan militaire en Syrie que diplomatique en Ukraine, devrait donner plus dâĂ©cho Ă la retentissante mise en garde de Mahmoud Abbas, dĂ©pitĂ© par le comportement amĂ©ricain : «Ne faites jamais confiance aux AmĂ©ricains. Si vous voulez rĂ©cupĂ©rer vos droits, adressez-vous aux Russes», a lancĂ© le dirigeant palestinien exacerbĂ© par les nouvelles requĂȘtes amĂ©ricaines concernant de nouvelles concessions palestiniennes en faveur dâIsraĂ«l.
Pour le lecteur arabophone, la totalité de cette déclaration sur ce lien: http://www.al-akhbar.com/node/202185
Ni lâoffre du Qatar de louer Ă des prix faramineux les deux bases russes en Syrie, sur la MĂ©diterranĂ©e, ni la proposition mirobolante de Bandar Ben Sultan dâun partenariat Ă©nergĂ©tique entre lâArabie saoudite et la Russie, -un pacte de non concurrence dans le domaine du pĂ©trole et du gaz, doublĂ© dâun contrat militaire de 14 milliards de dollars-, nâauront eu raison du soutien russe Ă la Syrie en ce que Moscou a voulu apporter, dans la bataille de Syrie, au-delĂ des considĂ©rations stratĂ©giques, la preuve de sa loyautĂ© Ă lâĂ©gard dâun pays qui aura Ă©tĂ©, avec lâAlgĂ©rie, le seul alliĂ© arabe fiable en dĂ©pit de lâeffondrement de lâempire soviĂ©tique.
Pour le lecteur arabophone, lâoffre de Bandar Ă Poutine: http://www.al-akhbar.com/node/191263
Soldant sans Ă©tat dâĂąme lâĂšre Bandar, lâancien patron de la nĂ©buleuse islamiste, la dynastie wahhabite pense avoir dĂ©blayĂ© la voie Ă la grande rĂ©conciliation saoudo amĂ©ricaine, concrĂ©tisĂ©e par la visite Ă Ryad de Barack Obama, fin mars, une pĂ©riode correspondant Ă la reprise des nĂ©gociations irano amĂ©ricaines sur le nuclĂ©aire iranien.
Cette programmation nâest nullement le fait du hasard. Elle paraĂźt destinĂ©e dans lâesprit de Washington Ă signifier tant aux Saoudiens quâĂ leurs alliĂ©s arabes et musulmans, dans lâordre subliminal, la permanence et la soliditĂ© du Pacte de Quincy (1) en dĂ©pit des fritures dans les relations entre le meilleur alliĂ© des Etats Unis dans le Monde arabe et le protecteur dâIsraĂ«l; en dĂ©pit des tentatives de rapprochement des Etats-Unis avec lâIran, lâancien super gendarme du Golfe du temps de Chah et dĂ©sormais la bĂȘte noire de la dynastie wahhabite.
Dans un mouvement de balancier, le royaume saoudien a accordĂ© le grand pardon royal Ă ses enfants prodiges djihadistes, diabolisant les FrĂšres Musulmans, son ancien pupille, et, dans un ultime cadeau dâun roi octogĂ©naire en phase crĂ©pusculaire de son rĂšgne, le Roi Abdallah (88 ans) a couplĂ© cette dĂ©marche en impulsant une refonte de lâarchaĂŻque systĂšme Ă©ducatif saoudien, si prĂ©judiciable Ă lâimage du Royaume, Ă lâimage de lâIslam et Ă la stratĂ©gie de ses alliĂ©s du bloc atlantiste.
Fait sans prĂ©cĂ©dent dans les annales du Royaume, une dame, Haya Al Sahmary, a Ă©tĂ© nommĂ©e Ă une fonction dâautoritĂ© au sein de la haute administration saoudienne, Ă la direction de la formation, en tandem avec le Prince Khaled Ben Faysal, le fils du dĂ©funt Roi Faysal, au poste de ministre de lâĂ©ducation, avec Ă la clĂ© un budget de plusieurs milliards de dollars pour mener Ă bien cette opĂ©ration.
Au-delĂ des rivalitĂ©s de voisinage et des conflits de prĂ©sĂ©ance, la diabolisation des FrĂšres Musulmans, la matrice originelle dâAl Qaida et de ses organisations dĂ©rivĂ©es, apparait ainsi comme une grande opĂ©ration de blanchissement des turpitudes saoudiennes et de dĂ©douanement de la dynastie Ă son soutien Ă la nĂ©buleuse du djihadisme erratique depuis son apparition dans la dĂ©cennie 1980 lors de la guerre anti soviĂ©tique dâAfghanistan. Un parrainage qui a valu Ă lâIrak dâassumer, par substitution, la fonction de victime sacrificielle dâun jeu de billard Ă trois bandes, en 2003, en compensation au chĂątiment de lâArabe saoudite pour sa responsabilitĂ© dans les attentats du 11 septembre 2001 contre les symboles de lâhyperpuissance amĂ©ricaine.
Cette dĂ©cision Ă lâencontre dâune confrĂ©rie, quâelle a longtemps couvĂ©e, qui fut de surcroĂźt son instrument docile dans sa guerre contre les rĂ©gimes rĂ©publicains du versant mĂ©diterranĂ©en du Monde arabe, tĂ©moigne du brutal retournement de situation Ă lâĂ©gard dâune organisation, jadis portĂ©e au pinacle dĂ©sormais vouĂ©e aux gĂ©monies. A lâapogĂ©e de sa puissance au dĂ©but du «printemps arabe», en 2011, lâunique formation transnationale arabe se retrouve Ă son pĂ©rigĂ©e trois ans plus tard, en butte dĂ©sormais en aux coups de butoir conjuguĂ©s de son pays dâorigine, lâEgypte, et de son pays incubateur, lâArabie saoudite, les deux plus grands pays arabes, le premier par sa puissance militaire, le second par sa puissance Ă©conomique.
La criminalisation des FrĂšres Musulmans a signĂ© dâune maniĂšre spectaculaire lâentrĂ©e en fonction du nouveau patron du renseignement saoudien, le prince Mohamad Ben Nayef, ministre de lâIntĂ©rieur. Elle sâest doublĂ©e, dans la foulĂ©e, de lâinscription sur la liste des organisations terroristes, deux autres de ses excroissances, le Front As Nosra de Syrie et lâEtat islamique en Irak et au Levant (EIIL), et pour faire bonne mesure, deux organisations chiites, les rebelles zaĂŻdites dits Houthis du YĂ©men, et, naturellement, le Hezbollah Libanais, le diable habillĂ© en Prada iranien.
Elle a coĂŻncidĂ© avec le grand chamboulement du personnel diplomatique opĂ©rant sur le front de Syrie avec la mise Ă lâĂ©cart dâune personnalitĂ© majeure du conflit, Robert Ford, le cerbĂšre amĂ©ricain auprĂšs de lâopposition offâshore et lâĂ©vacuation sanitaire du prince Bandar Ben Sultan, consĂ©quence des revers du camp atlantiste en Syrie et du dĂ©ferlement djihadiste qui sâen est ensuivi. Il devrait ĂȘtre complĂ©tĂ©, selon toute vraisemblance, par la mise Ă lâĂ©cart du reprĂ©sentant français Eric Chevallier, ancien chargĂ© de mission auprĂšs de Bernard Kouchner.
Un tel ravalement cosmĂ©tique devrait doter les alliĂ©s arabes du bloc atlantiste dâune image bonifiĂ©e et offrir, dans lâesprit de ses ordonnateurs, une meilleure exposition mĂ©diatique Ă lâopinion internationale en cas de reprise des hostilitĂ©s Ă grande Ă©chelle en Syrie dans lâhypothĂšse dâun Ă©chec durable de la confĂ©rence de GenĂšve 2; ou en riposte compensatoire au coup de force de la Russie en CrimĂ©e.
Le nouveau patron du renseignement saoudien a dâores et dĂ©jĂ pris langue avec un vieux cheval de retour, le gĂ©nĂ©ral Rifaâat Al Assad, oncle paternel du prĂ©sident syrien Bachar Al-Assad, dans une dĂ©marche destinĂ©e Ă relancer la rivalitĂ© au sein du clan familial entre le bourreau de Hama, en 1982, en exil en Europe, et son neveu.
Cette crise, la plus violente depuis la crĂ©ation du Conseil de coopĂ©ration du Golfe, il y a trente ans, parait devoir entraver le fonctionnement de lâultime instance rĂ©gionale de coopĂ©ration arabe encore en activitĂ©.
En pointe dans le combat de la contre rĂ©volution arabe, ce syndicat des pĂ©tromonarchies du Golfe, sous haute protection militaire occidentale, parait devoir rĂ©duire sa voilure, non seulement en raison de la guerre entre les frĂšres ennemis du wahhabisme, mais aussi du fait du souci du 6eme membre, le Sultanat dâOman, de se maintenir Ă lâĂ©cart de ce conflit fratricide, cherchant auprĂšs de lâIran un contrepoids Ă la prĂ©Ă©minence du duo saoudo qatariote au sein de cette organisation. Un pont reliant Oman Ă lâIran devrait ĂȘtre Ă©difiĂ© via le dĂ©troit dâOrmuz concrĂ©tisant lâalliance scellĂ©e Ă lâoccasion de la visite du prĂ©sident iranien Hassan Rouhani Ă Mascate, le 12 mars 2014.
FormĂ© des six pĂ©tromonarchies du Golfe, (Arabie saoudite, BahreĂŻn, Emirats Arabes Unis, KoweĂŻt, Qatar, Sultanat dâOman), le Conseil de CoopĂ©ration du Golfe a Ă©tĂ© mis sur pied dans la dĂ©cennie 1970 au moment de lâaccession Ă lâindĂ©pendance de lâancienne cĂŽte des pirates, dans la foulĂ©e du retrait britannique Ă lâEst de Suez. Les six pĂ©tromonarchies abritent chacune une importante base occidentale, faisant de la zone la plus importante concentration militaire atlantiste, hors de lâOtan.
Que le Mufti de lâOtan (87 ans) soit parvenu, au soir de sa vie, Ă saborder les relations entre les meilleurs alliĂ©s de lâOtan, ses supplĂ©tifs dans la recolonisation du Monde arabe donne la mesure de la fragilitĂ© de cet Ă©difice et de ses adhĂ©rents.
II â Une guerre Ă outrance sur fond dâun contentieux territorial historique
La rivalitĂ© entre Qatar et lâArabie est historique quoique feutrĂ©e. Elle remonte Ă la fondation du royaume wahhabite au dĂ©but du XX me siĂšcle, lorsque le Roi Abdel Aziz, fondateur de la dynastie wahhabite, avait ordonnĂ© le rattachement du Qatar Ă la province saoudienne dâAl Hassa, faisant de la principautĂ© un dĂ©partement de son royaume. Un contentieux rĂ©solu en 1965 Ă la suite de fortes pressions de Haut-Commissaire britannique enjoignant aux deux pays de ratifier un accord de dĂ©limitation des frontiĂšres.
Le rebond de la crise rĂ©sulte tant du refus viscĂ©ral de lâArabie saoudite de cautionner des coups dâĂ©tat comme mode de changement de rĂ©gime au sein des pĂ©tromonarchies, -comme ce fut le cas Ă deux reprises au Qatar-, que de la volontĂ© de Doha de se soustraire de la tutelle de lâArabie saoudite, pesante sur le fonctionnement du Conseil de coopĂ©ration du Golfe. En soutenant les FrĂšres Musulmans, honnis par la dynastie wahhabite et les Houthistes du YĂ©men, le Qatar a exacerbĂ© les tensions entre les deux monarchies.
Les propos «incendiaires» du Mufti de lâOtan, Cheikh Youssef Al Qaradawi, en soufflant sur les braises, ont fait voler en Ă©clat lâaccord de rĂ©conciliation signĂ© en dĂ©cembre 2013 Ă Ryad, entre le Qatar, dâune part, lâArabie saoudite et les Emirats arabes Unis, dâautre part, en prĂ©sence de lâEmir du KoweĂŻt et donnĂ© une tournure virulente Ă leur rivalitĂ©.
La mise Ă lâindex des FrĂšres Musulmans tant par lâArabie saoudite quâauparavant par lâEgypte devrait fragiliser considĂ©rablement la branche syrienne de la confrĂ©rie, un des principaux vecteurs du combat anti Assad, de mĂȘme que les formations rigoristes sunnites de Tripoli (Nord Liban).
III â Le pardon royal
Indice supplĂ©mentaire du changement de cap de la dynastie wahhabite: LâArabie saoudite a offert le pardon royal aux djihadistes qui se rendraient dans les ambassades saoudiennes de lieu de leur dĂ©ploiement (Liban, Turquie, Jordanie), et autorisĂ©e leur retour en Arabie saoudite sous condition quâils fassent lâobjet dâune rĂ©habilitation dans des camps affectĂ©s Ă cet effet Une mĂ©thode efficace qui permet Ă lâArabie de faire plaisir Ă ses alliĂ©s occidentaux, notamment lâAmĂ©rique et de ficher en mĂȘme temps ces propres djihadistes. Le pardon royal ne concerne toutefois pas les volontaires qui continuent de sây rendre. Ce systĂšme ingĂ©nieux pour les Saoudiens est vĂ©cu comme un supplice de tantale par les Occidentaux en ce quâil Ă©ponge une partie des djihadistes tout en continuant Ă ravitailler en homme le champ de bataille de Syrie et dâIrak
Ryad a ainsi conditionnĂ© la reprise de son aide financiĂšre et matĂ©rielle (armes) Ă la tribu dâAl Ahmar du YĂ©men, sous rĂ©serve que cette importante confĂ©dĂ©ration tribale, lâune des deux plus importantes du YĂ©men, mĂšne un combat sans relĂąche, non contre «Al Qaida» et les rebelles houthistes qui gagnent du terrain, mais contreâŠ. les FrĂšres Musulmans yĂ©mĂ©nites (soutenus par le Qatar).
IV â Fin de lâamnĂ©sie saoudienne Ă propos des Palestiniens.
Rompant avec son coma, lâArabie saoudite sâest Ă nouveau manifestĂ©e, dĂ©but mars, sur le plan palestinien, le grand oubliĂ© du printemps arabe, sâengageant dans une concurrence mĂ©diatique avec son rival qatariote, envoyant lâun de ses plus flamboyants Ă©missaires mĂ©diatiques Ă Ramallah, le prince Walid Ben Talal, pour y rencontrer Mahmoud Abbas.
Un message Ă triple sens, Ă triple destinataire:
A â Aux Etats Unis et Ă lâEurope: En missionnant un prince de sang royal, -celui-lĂ mĂȘme qui a actĂ© publiquement la connivence de fait entre lâArabie Saoudite et IsraĂ«l, «les Arabes et les sunnites», dans leur combat contre la branche rivale de lâIslam, lâIran chiite et ses alliĂ©s rĂ©gionaux, la Syrie et le Hezbollah libanais» (2)-, en visite publique en Cisjordanie occupĂ©e pour y rencontrer le prĂ©sident de lâautoritĂ© palestinienne, cela signifie pour un Royaume au langage hermĂ©tique quâil formalise de facto ses rapports avec IsraĂ«l, en ce que cette visite nâaurait pu avoir lieu sans le blanc-seing des autoritĂ©s dâoccupation du siĂšge administratif de lâembryon du problĂ©matique futur Ă©tat palestinien.
B -A lâopinion internationale: Cette visite publique, amorcĂ©e avec les rencontres saoudo israĂ©liens de Monaco, le 10 DĂ©cembre 2013, et de Davos, en FĂ©vrier 2014, tranche avec les visites secrĂštes de lâancien chef du renseignement saoudien, le Prince Bandar Ben Sultan et constitue un jalon complĂ©mentaire de la convergence saoudo israĂ©lienne. Elle confirme, concrĂštement, une tendance lourde de la nouvelle orientation saoudienne, le jeu Ă dĂ©couvert sans faux fuyant, qui Ă©tait auparavant la marque de fabrique traditionnelle de la diplomatie saoudienne.
C -Aux Palestiniens et au Monde arabe et islamique: Une visite Ă Mahmoud Abbas, câest-Ă -dire au rival direct du chef du Hamas, rĂ©pond indirectement au souci de Ryad de rendre hommage Ă un dirigeant arabe qui a eu lâingĂ©nieuse idĂ©e de se maintenir Ă distance des conflits interarabes et de dĂ©ployer ses «bons offices» auprĂšs des protagonistes du conflit syrien pour favoriser la tenue de GenĂšve II, lui ouvrant ainsi la voie Ă une audience avec Barack Obama, le 15 mars prochain Ă Washington.
Au-delĂ de ses objectifs Ă©conomiques, ce dĂ©placement Ă forte portĂ©e symbolique, dâun prince de sang royal saoudien avec le consentement israĂ©lien, tĂ©moigne du bouleversement des rapports inter arabes et des rapports entre IsraĂ«l et les pĂ©tromonarchies.
Au regard du prĂ©cĂ©dent qatariote, la visite de lâEmir du Qatar Ă Gaza et le fiasco qui sâest ensuivi avec le discrĂ©dit qui a frappĂ© le chef politique du Hamas, Khaled Mechaâal se pose la question de lâimpact de ce dĂ©placement et la durĂ©e de viabilitĂ© de son caractĂšre «historique» dans un Moyen-Orient furtif et dĂ©rapant.
Les rencontres rĂ©pĂ©tĂ©es avec les dirigeants israĂ©liens de Turki Ben Faysal, le parrain originel dâOussama Ben Laden durant la guerre dâAfghanistan, dans la dĂ©cennie 1980, tant Ă Monaco, le 10 dĂ©cembre 2013, avec son ancienne collĂšgue du Mossad Tzipi Livni, chargĂ©e des nĂ©gociations avec les Palestiniens, quâĂ Davos, en fĂ©vrier 2014 avec le prĂ©sident israĂ©lien Shimon PĂ©rĂšs, de mĂȘme que le dĂ©placement Ă Ramallah du prince Walid Ben Talal ont constituĂ© les signes avant-coureurs de cette Ă©volution. De mĂȘme que lâattribution par lâArabie saoudite Ă une sociĂ©tĂ© israĂ©lienne la responsabilitĂ© de la sĂ©curitĂ© du pĂšlerinage Ă La Mecque et de lâaĂ©roport de DoubaĂŻ, le lieu mĂȘme du meurtre du dirigeant militaire du Hamas Al Mabhouh. La maison-mĂšre G4S fournit non seulement des Ă©quipements de sĂ©curitĂ© aux colons dans les territoires occupĂ©s palestiniens, mais participe aux interrogatoires musclĂ©s de dĂ©tenus palestiniens dans plusieurs prisons israĂ©liennes. Dans le monde arabe, elle emploierait 44 000 personnes dans 16 pays, notamment aux aĂ©roports de Bagdad et de DubaĂŻ. Outre lâintĂ©rĂȘt financier de ces contrats, la filiale saoudienne de la sociĂ©tĂ© israĂ©lienne Al Majal G4S peut disposer des relevĂ©s dâidentitĂ© de millions de pĂšlerins musulmans, y compris leur photo et leurs empreintes digitales.
A lâinstar de son rival du Qatar, la dynastie wahhabite, pour la survie de son trĂŽne, a fait donc le choix dâIsraĂ«l contre lâIran, pourtant en phase ascendanteâŠâŠsous couvert de lutte contre les FrĂšres Musulmans, dont lâalliance contre nature avec le philo-sioniste Bernard Henry LĂ©vy tant en Libye que dans la bataille de Syrie ne leur a Ă©tĂ© dâaucun secours, de mĂȘme que leur rĂŽle de facteur de nuisance des Etats Unis dans la zone depuis la fin de la 2eme guerre mondiale.
Lâhistoire retiendra que le poignard dans le dos des FrĂšres Musulmans a Ă©tĂ© plantĂ©, non par de mĂ©crĂ©ants laĂŻcs, ou dâaffreux nationalistes arabes, voire mĂȘme dâhorribles communistes, mais par un rĂ©gime thĂ©ocratique se rĂ©clamant de la mĂȘme religiositĂ© intĂ©griste quâeux.
La centralitĂ© de lâislam wahhabite dans la sphĂšre spirituelle musulmane ne saurait souffrir la moindre compĂ©tition. Tel est le message de la dynastie wahhabite aux Ă©ventuels contestataires de son leadership. Autrement dit, «plus religieux que les wahhabites tu meurs»: Telle pourrait ĂȘtre la leçon de cette tragique sĂ©quence en ce que le commerce de la religion peut rĂ©server, parfois, de mauvaises surprises.
Notes :
1 â Le pacte de Quincy Une relation spĂ©ciale mais de vassalitĂ©:
http://www.renenaba.com/le-pacte-de-quincy/
Le «Pacte de Quincy» a Ă©tĂ© scellĂ©, en fĂ©vrier 1945, sur le croiseur Quincy entre le Roi Abdel Aziz Ibn Saoud, fondateur du royaume, et le prĂ©sident amĂ©ricain Franklin Roosevelt, en route pour Yalta pour le sommet soviĂ©to-amĂ©ricain portant sur le partage du monde en zone dâinfluence.
Il sâarticule sur cinq points
-La stabilitĂ© de lâArabie Saoudite fait partie des âintĂ©rĂȘts vitauxâ des Etats-Unis qui assurent, en contrepartie, la protection inconditionnelle du Royaume contre toute menace extĂ©rieure Ă©ventuelle. Par extension la stabilitĂ© de la pĂ©ninsule arabique et le leadership rĂ©gional de lâArabie Saoudite font aussi partie des «intĂ©rĂȘts vitaux» des Etats-Unis.
-En contrepartie, le Royaume garantit lâessentiel de lâapprovisionnement Ă©nergĂ©tique amĂ©ricain, la dynastie Ibn Saoud nâaliĂ©nant aucune parcelle de son territoire, les compagnies concessionnaires ne seraient que locataires des terrains. Les autres points portent sur le partenariat Ă©conomique, commercial et financier saoudo amĂ©ricain ainsi que sur la non-ingĂ©rence amĂ©ricaine dans les questions de politique intĂ©rieure saoudienne. Le «Pacte du Quincy» sâest rĂ©vĂ©lĂ© ĂȘtre une alliance contre nature entre une puissance qui se veut la plus grande dĂ©mocratie libĂ©rale du monde et une dynastie qui se revendique comme la plus rigoriste monarchie thĂ©ocratique du monde.2-DĂ©claration de Walid Ben Talal Ă propos de lâIran et dâIsraĂ«l http://www.lemondejuif.info/prince-ben-talal-les-musulmans-sunnites-sommes-israel-contre-liran/