Récemment, la Banque de France a annoncé des pertes d’exploitation historiques de 12,4 milliards d’euros pour l’exercice 2023, un choc sans précédent depuis sa fondation en 1800 par Napoléon. Cette situation rappelle étrangement les défis longuement dissimulés par la Banque du Liban (BdL), confrontée à une crise financière exacerbée par des réserves nettes négatives depuis 2015.

Pertes Historiques en France : Un Symbole d’Alerte

La Banque de France, dans son rapport annuel, a fait état d’une perte nette de 12,4 milliards d’euros pour l’année 2023, attribuée principalement à la remontée des taux d’intérêt. Ces pertes, bien que couvertes par une reprise sur le fonds pour risques généraux, mettent en évidence les défis auxquels les banques centrales sont confrontées dans un environnement économique volatile. François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, souligne que cette situation résulte de l’obligation pour la banque de lutter contre l’inflation plutôt que de maximiser ses résultats financiers.

Le Liban : Des Pertes Longtemps Occultées

À l’autre bout du spectre, la Banque du Liban offre un exemple de gestion opaque qui a mené à une crise financière profonde. Les réserves nettes négatives, dissimulées pendant des années, ont révélé un système financier en proie à des pertes cachées et à une instabilité grandissante. Cette situation a contribué à une crise économique sans précédent, plongeant le pays dans une instabilité financière et sociale majeure.

La Banque du Liban (BDL), la banque centrale du pays, a en effet joué un rôle majeur dans la crise financière qui a secoué le Liban. Cette crise est caractérisée par une dette publique énorme, une monnaie locale aujourd’hui dévaluée mais précédemment surévaluée de 100% et une pénurie de devises étrangères, ce qui a rendu difficile pour les citoyens d’accéder à leurs économies en dollars.

Pour la BdL, il n’était jusqu’il y a peu, nul question d’accepter même le principe de pertes financières. Souvenons-nous des déclarations de son désormais ex-gouverneur qui défendait une livre libanaise “Alf bel kheir” en dépit d’une dévaluation au marché noir, ou encore du fait que jusqu’à présent, la BdL fait porter à l’état la responsabilité de ses pertes en dépit du fait que le rapport d’audit juricomptable dont elle a fait l’objet indique qu’un certain nombre de malversation ou encore de procédures illicites aient été menés.

Le gouverneur de la BDL, Riad Salamé, est au centre des critiques. Il est accusé d’avoir utilisé des profits fiduciaires pour dissimuler les pertes de la banque. En d’autres termes, il aurait manipulé les bilans de la BDL pour faire apparaître la banque comme plus solide qu’elle ne l’était en réalité. Les profits fiduciaires sont des bénéfices réalisés par un fiduciaire pour le compte d’un tiers. Dans ce cas, Salamé aurait utilisé ces profits pour masquer les pertes de la BDL, pour ne pas évoquer aussi aujourd’hui, les accusations dont font l’objet l’ancien gouverneur en terme de détournements de fonds et autres.

Les opérations d’ingénierie financière ont également été un facteur clé dans l’aggravation de la crise. Ces opérations, également dirigées par Salamé, ont essentiellement consisté à emprunter de l’argent à des taux d’intérêt élevés en dollar pour augmenter les réserves brutes de la BdL alors que les réserves nettes étaient négatives pour financer la dette publique, en contrepartie de livres libanaises accordées au banques. Cela a créé un cycle de dette qui a finalement creusé le déficit de la BDL. Ces opérations ont été rendues possibles par des régulations financières laxistes et une supervision insuffisante de la part du gouvernement notamment induit par l’indépendance de la BdL.

Des Parallèles Inquiétants et des Leçons à Tirer

La comparaison entre la France et le Liban révèle les vulnérabilités inhérentes au système bancaire central mondial. D’un côté, une transparence relative et une capacité à couvrir les pertes grâce à une gestion prévisionnelle des risques; de l’autre, un manque de transparence qui a alimenté une crise financière majeure.

Les pertes record annoncées par des institutions telles que la Banque de France servent de rappel que même les piliers de la stabilité financière ne sont pas à l’abri des turbulences économiques. La gestion des taux d’intérêt et la lutte contre l’inflation restent des priorités absolues, mais ces objectifs doivent être équilibrés avec la nécessité de maintenir la stabilité financière à long terme.

Mais pour autant, la principale leçon à en tirer est que la Banque de France offre à la Banque du Liban une leçon de transparence qui aurait été bien souhaitable avant que la crise n’advienne. Cette transparence permet à juste titre aux opérations financiers et même aux personnes de mieux prévenir les risques et de prendre dès à présent, les mesures visant à limiter les risques et à faire face à tout imprévu aussi sérieux qu’il soit.

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