Les banques libanaises sont toujours fermées pour le 2ème jour consécutif, en signe de protestation contre une récente décision de justice qui a forcé l’une des plus grandes banques du pays à payer deux de ses déposants en devises du libellée du compte.

L’Association des banques du Liban indique que cette grève ouverte intervient suite “à une décision judiciaire préjudiciables pour tous les déposants, indiquant que ses membres sont aujourd’hui incapables d’honorer le versement en cash des déposants dans leur totalité”, confirmant indirectement l’état de faillite des établissements bancaires qui avaient unilatéralement imposés un contrôle informel des capitaux dès novembre 2019.

Suite à cette décision d’imposer un contrôle informel, des décisions de justice étrangères ont déjà statué sur l’obligation des banques libanaises à verser les sommes dues aux déposants. Une première décision sur le plan local avait également abouti à une victoire de 2 déposants contre la Fransabank avant que celle-ci ne fasse appel. Puis, face à une décision contraire, les 2 déposants ont depuis gagné une nouvelle manche devant la cour de cassation, une décision qui a effet immédiat, alors que par ailleurs, des personnes ont tenté de retirer par la force les sommes déposées auprès de leurs établissements, notamment en raison du refus de ces derniers à permettre le paiement des frais médicaux de leurs proches, même si les banques permettaient jusqu’à présent de retirer des chèques bancaires avec une décôte importante des sommes, de l’ordre de 15% par rapport au montant initial.

L’ABL a ainsi appelé le gouvernement à mettre en œuvre les réformes que le Fonds monétaire international a fait une condition pour un programme de relance économique – une loi sur les contrôles des capitaux, la levée du secret bancaire et la restructuration des banques commerciales du pays. Cependant, le projet de loi instaurant un contrôle des capitaux comporte de nombreuses lacunes et offre une immunité aux dirigeants des banques et à leurs actionnaires alors que de nombreuses malversations auraient été commises, notent les observateurs.

Par ailleurs, 46% des actions des banques appartiennent à des hommes politiques. L’ABL dispose donc d’un levier politique important sur le plan local, levier qu’elle a déjà à plusieurs reprises actionnées par le passé, notamment pour faire échouer le plan Lazard présenté en 2020 qui prévoyait une restructuration des banques et un bail-out des actionnaires actuels afin de garantir la grande majorité des comptes des petits et moyens déposants, conformément aux exigences du FMI. Côté banques, l’ABL avait ainsi présenté un plan garantissant une répartition des pertes estimées aujourd’hui à plus de 100 milliards de dollars au détriment des petits déposants et de l’état, donc de la population.

Parallèlement, les associations des déposants dénoncent les manipulations faites par les Banques, estimant que l’appel à la grève mais aussi les propositions de ces derniers visent à faire pression sur la classe politique et obtenir la validation d’une loi de contrôle des paiements leur offrant une immunité. Par ailleurs, ces derniers dénoncent la manipulation des banques qui tentent de convaincre l’opinion publique, notant dans un communiqué que l’appel de l’ABL à lever le secret bancaire par exemple vise à ne pas aboutir en réalité à cette mesure, d’autant plus qu’un certain nombre d’établissement est confronté à des enquêtes sur le plan international pour détournement de fonds et blanchiment d’argent notamment via la Banque du Liban elle-même et son gouverneur Riad Salamé.

“Quant à la vérité, elle réside dans le fait que votre position est vraie et fausse, car nous savons tous que votre escalade est une tentative de pression pour arrêter la décision de lever le secret bancaire de l’actuel et anciens présidents et membres de conseils d’administration, directeurs exécutifs et commissaires aux comptes, délivrés par un certain nombre de grandes banques”, notent les associations dans un communiqué appelant à ce que la justice locale puisse poursuivre ses enquêtes sur les transferts illégaux de fonds au bénéfice de dirigeants ou encore d’actionnaires mais aussi d’hommes politiques après le 17 octobre 2019 alors que les déposants usuels n’avaient pas accès à leurs fonds.

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