Le Liban est aujourd’hui confronté à un phénomène alarmant : l’exode massif de ses jeunes diplômés. Cette “fuite des cerveaux” prive le pays de ses forces vives et hypothèque son avenir.

Un phénomène en plein essor

Les statistiques sont éloquentes : plus de 30% des jeunes diplômés libanais ont quitté le pays au cours des cinq dernières années, et ce chiffre ne cesse d’augmenter. La crise économique et financière qui frappe le pays depuis 2019 a amplifié ce phénomène. En 2023, le PIB du Liban a chuté de 40%, le chômage atteint 30% et la monnaie nationale a perdu plus de 90% de sa valeur.

Voici les principales destinations pour les étudiants libanais :

1. France

  • La France est la destination la plus populaire pour les étudiants libanais, avec plus de 10 000 étudiants inscrits dans des universités françaises.
  • La France offre un système d’enseignement supérieur de haute qualité, des universités prestigieuses et une variété de programmes d’études.
  • La langue française est également largement parlée au Liban, ce qui facilite l’adaptation des étudiants.

2. États-Unis

  • Les États-Unis sont la deuxième destination la plus populaire pour les étudiants libanais, avec plus de 8 000 étudiants inscrits dans des universités américaines.
  • Les États-Unis offrent un large éventail d’universités et de programmes d’études, ainsi que des opportunités de recherche et de travail après l’obtention du diplôme.
  • Le coût des études aux États-Unis est cependant plus élevé qu’en France.

3. Canada

  • Le Canada est une destination de plus en plus populaire pour les étudiants libanais, avec plus de 5 000 étudiants inscrits dans des universités canadiennes.
  • Le Canada offre un système d’enseignement supérieur abordable et de haute qualité, ainsi qu’une société multiculturelle et accueillante.
  • Le climat froid du Canada peut cependant être un facteur dissuasif pour certains étudiants.

4. Royaume-Uni

  • Le Royaume-Uni est une autre destination populaire pour les étudiants libanais, avec plus de 4 000 étudiants inscrits dans des universités britanniques.
  • Le Royaume-Uni offre un système d’enseignement supérieur prestigieux et des universités de renommée mondiale.
  • Le coût des études au Royaume-Uni est cependant élevé et le Brexit a rendu plus difficile l’obtention d’un visa pour les étudiants étrangers.

5. Allemagne

  • L’Allemagne est une destination de plus en plus populaire pour les étudiants libanais, avec plus de 3 000 étudiants inscrits dans des universités allemandes.
  • L’Allemagne offre un système d’enseignement supérieur de haute qualité et abordable, ainsi qu’une économie forte et des opportunités d’emploi.
  • La langue allemande peut cependant être un obstacle pour certains étudiants.

Autres destinations populaires

  • Chypre
  • Italie
  • Espagne
  • Égypte
  • Pays du Golfe

Les raisons du départ

Le Liban se caractérise par un taux de chômage des jeunes particulièrement élevé, atteignant 37% en 2023, selon les estimations de la Banque mondiale. Cette situation, loin d’être récente, s’est considérablement aggravée avec la crise économique et financière que traverse le pays depuis 2019.

L’exode des cerveaux libanais fait référence au départ de nombreux professionnels hautement qualifiés et éduqués du Liban vers d’autres pays. Cela est dû à divers facteurs, tels que le manque d’opportunités d’emploi, la situation économique et politique instable, et le désir d’avoir une meilleure qualité de vie. Mais, est-ce que cette migration profite plus aux économies étrangères qu’à l’économie libanaise? Et quel est le coût réel de cet exode pour l’économie du Liban?

D’une part, il est évident que les économies étrangères bénéficient de l’exode des cerveaux libanais. Ces professionnels apportent leurs compétences, leur expertise et leur connaissance à leurs nouveaux pays d’accueil, contribuant ainsi à la croissance et au développement de ces économies. De plus, ils peuvent également créer des liens internationaux et des relations d’affaires qui peuvent favoriser le commerce et l’investissement entre le Liban et ces pays.

D’autre part, l’exode des cerveaux peut avoir un impact négatif sur l’économie libanaise. Le départ de ces professionnels signifie une perte de compétences et de talents qui auraient pu contribuer à la croissance économique du pays. De plus, cela peut également entraîner une diminution des recettes fiscales, car ces individus ne paient plus d’impôts au Liban. En outre, le pays investit dans l’éducation de ces individus, et lorsque ceux-ci partent, le retour sur investissement est perdu.

Quant au coût de cet exode pour l’économie libanaise, il est difficile à quantifier précisément. Cependant, on peut dire qu’il est considérable. Il ne s’agit pas seulement du manque à gagner en termes de recettes fiscales et de contribution économique, mais aussi du coût d’opportunité. C’est-à-dire, ce que l’économie libanaise aurait pu gagner si ces professionnels étaient restés et avaient contribué à son développement.

Les causes profondes du chômage des jeunes et les conséquences de ces départs

Plusieurs facteurs contribuent à ce phénomène :

  • Un système éducatif inadapté aux besoins du marché du travail: L’offre de formation ne correspond pas toujours aux compétences recherchées par les entreprises.
  • Un marché du travail restreint: Le Liban, avec une population de 6 millions d’habitants, dispose d’un marché du travail relativement petit.
  • Un secteur public hypertrophié: Le secteur public, qui emploie environ 25% de la main-d’œuvre, est saturé et offre peu de perspectives d’emploi.
  • Un environnement entrepreneurial peu favorable: Le climat des affaires au Liban est souvent considéré comme difficile, ce qui freine la création d’emplois.
  • Les barrières d’accès à l’autofinancement: déjà avant la crise économique, plus de 90% des entreprises privées étaient familiales. Leurs dirigeants souhaitaient que les familles conservent le contrôle de ces entreprises au lieu de faire appel à des compétences externes mieux qualifiées.

Barrières à l’entrée dans le monde du travail

En plus de ces facteurs structurels, les jeunes diplômés se heurtent à de nombreuses barrières à l’entrée dans le monde du travail :

  • Manque d’expérience professionnelle: Les employeurs exigent souvent une expérience professionnelle que les jeunes diplômés ne peuvent pas avoir.
  • Compétences non techniques: Les compétences transversales telles que la communication, le travail en équipe et la résolution de problèmes sont souvent négligées dans le système éducatif libanais.
  • Réseaux professionnels limités: Le piston et les réseaux personnels jouent encore un rôle important dans l’obtention d’un emploi au Liban.
  • Discrimination: Certains groupes de jeunes, comme les femmes et les personnes handicapées, peuvent être victimes de discrimination à l’embauche. La discrimination dans le cas du Liban peut être aussi religieuse, ethnique ou encore sociale.

Un impact profond sur le Liban

La fuite des cerveaux a des conséquences profondes sur le Liban. Le pays perd ses talents et ses compétences dans des domaines clés tels que la médecine, l’ingénierie, l’informatique et les sciences. Cette perte de capital humain affecte la compétitivité du pays et freine son développement économique.

Un avenir incertain

L’exode des jeunes diplômés met en péril l’avenir du Liban. Le pays a besoin de ses jeunes pour reconstruire son économie, rénover ses institutions et relever les nombreux défis auxquels il est confronté.

1. Pénurie d’enseignants qualifiés:

  • Le départ massif de professeurs expérimentés vers des pays offrant de meilleures conditions de travail et de vie crée une pénurie dans plusieurs disciplines clés.
  • La baisse du nombre d’enseignants expérimentés affecte la qualité de l’enseignement dispensé.
  • Le recours à des enseignants moins expérimentés ou à des solutions palliatives peut nuire à l’apprentissage des élèves.

2. Dégradation de la qualité de l’enseignement:

  • La perte de compétences et d’expertise dans certains domaines affecte la qualité des programmes d’études et la recherche pédagogique.
  • La difficulté à recruter des enseignants de qualité peut mener à une baisse du niveau d’instruction des élèves.
  • La diminution des ressources financières pour l’éducation aggrave la situation.

3. Diminution des inscriptions dans les universités:

  • Le coût élevé des études et l’incertitude quant à l’avenir professionnel incitent les jeunes à quitter le Liban pour poursuivre leurs études à l’étranger.
  • La baisse du nombre d’étudiants fragilise les universités et limite leurs potentialités de développement.
  • Le Liban risque de perdre son statut de pôle d’excellence éducative dans la région.

4. Fuite des compétences dans la recherche:

  • Le départ des chercheurs et des étudiants diplômés prive le Liban de ses talents dans des domaines clés comme la médecine, l’ingénierie et les sciences.
  • La recherche scientifique et l’innovation en pâtissent, freinant le développement du pays.
  • Le Liban perd sa place dans la compétition internationale pour la recherche et le développement.

Des solutions possibles?

Enrayer la fuite des cerveaux est une nécessité impérieuse pour le Liban. Des solutions urgentes doivent être mises en place pour améliorer la situation économique, créer des opportunités d’emploi pour les jeunes et restaurer la confiance en l’avenir.

Mobiliser la communauté internationale

La communauté internationale a également un rôle à jouer pour aider le Liban à endiguer ce phénomène. Un soutien financier et technique est nécessaire pour mettre en place des politiques et des programmes visant à créer des opportunités pour les jeunes et à les encourager à rester dans leur pays.

Le Fonds Monétaire International (FMI) avait déjà mis l’accent dans son plan d’action pour le Liban sur le fait que la fuite des cerveaux pourrait représenter l’un des problèmes économiques les plus importants pour l’économie libanaise dans le futur.

Dans le cas du Liban, le FMI a souligné que ce problème pourrait devenir encore plus grave à l’avenir. Cela signifie que le pays pourrait perdre une grande partie de sa main-d’œuvre qualifiée, ce qui pourrait entraver sa capacité à se développer et à prospérer sur le plan économique.

Le FMI a donc souligné l’importance d’aborder ce problème dans son plan d’action pour le Liban. Il est essentiel que le pays mette en place des politiques et des stratégies pour retenir ses talents et encourager les individus qualifiés à rester et à contribuer à l’économie locale. Sans cela, l’économie libanaise pourrait faire face à de sérieux défis à l’avenir.

Un appel à l’action

L’exode des jeunes diplômés est un défi majeur pour le Liban. Il est crucial de prendre des mesures concrètes et urgentes pour inverser cette tendance et garantir un avenir meilleur au pays.

FocusLiban

Statistiques clés

  • Plus de 30% des jeunes diplômés libanais ont quitté le pays au cours des cinq dernières années.
  • Le PIB du Liban a chuté de 40% en 2023 et de 75% depuis 2019.
  • Le chômage atteint 30% au Liban.
  • La monnaie nationale a perdu plus de 90% de sa valeur depuis 2019.

Ces cerveaux sur le départ qui participent au cycle de la crise économique libanaise

Ces personnes quittant le Liban et donc rejoignent la diaspora libanaise contribuent-ils à la crise économique?

La diaspora libanaise est l’une des plus importantes et des plus influentes au monde, avec des communautés établies sur tous les continents, contribuant significativement à l’économie du Liban de plusieurs manières. Cependant, les implications de ces contributions sont à double tranchant.

D’un côté, la diaspora joue un rôle positif en envoyant des transferts de fonds au Liban, ce qui représente une source cruciale de devises étrangères pour le pays. Ces transferts ont aidé à soutenir les familles, à stimuler la consommation et à investir dans des projets locaux, contribuant ainsi au PIB et à la stabilité économique du pays. Selon la Banque mondiale, les envois de fonds vers le Liban ont souvent constitué une part significative du PIB national, offrant un amortisseur essentiel contre les chocs économiques externes et internes.

D’un autre côté, il existe des préoccupations quant à l’effet potentiellement « néfaste » de ces flux financiers sur l’économie libanaise, notamment en termes de surévaluation de la livre libanaise et de contribution à la crise économique. La forte dépendance aux envois de fonds peut entraîner une surévaluation artificielle de la monnaie locale, rendant les exportations moins compétitives et aggravant les déséquilibres commerciaux. De plus, cette dépendance peut aussi encourager un modèle de croissance non durable, basé sur la consommation plutôt que sur la production et l’investissement dans des secteurs clés pour le développement économique durable qui nous a mené à la crise actuelle d’une ampleur et d’une sévérité inégalable.

L’analogie avec la « maladie hollandaise »—un terme économique décrivant le phénomène par lequel l’abondance de revenus d’exportation d’une ressource naturelle (comme le pétrole ou le gaz) entraîne une appréciation de la monnaie locale, rendant d’autres secteurs moins compétitifs sur le marché international—peut être tentante, mais elle n’est pas tout à fait appropriée dans le cas du Liban. La maladie hollandaise se concentre sur les effets des ressources naturelles, tandis que les envois de fonds de la diaspora libanaise sont une forme de revenu extérieur différente, liée à la mobilité humaine et au travail. Cependant, l’afflux de devises étrangères envoyées par la diaspora libanaise amène à de nombreuses analogies si on considère la main d’oeuvre libanaise comme une ressource naturelle.

La maintenance artificielle de la parité de la livre libanaise à 1500 LL/USD, alors que des analyses économétriques suggéraient que la valeur réelle était bien plus élevée, a des implications profondes. Cette politique a contribué à une surévaluation de la monnaie locale via le flux de devises entretenu par la diaspora libanaise, ce qui, à son tour, a rendu les exportations libanaises moins compétitives sur les marchés internationaux. De plus, cela a encouragé l’importation de biens et services, rendant le pays encore plus dépendant des importations.

Les conséquences directes de ces politiques monétaires et de change sur les secteurs productifs sont significatives. En rendant les exportations moins attractives et les importations plus compétitives, les industries locales ont du mal à se développer. Cela peut entraîner une désindustrialisation, un phénomène où le secteur manufacturier d’un pays diminue en importance relative dans l’économie, similairement aux effets de la maladie hollandaise.

L’un des impacts sociaux les plus préoccupants de cette situation est l’émigration des talents et des cerveaux libanais. Face à un manque d’opportunités économiques et à une économie en difficulté, de nombreux Libanais, en particulier ceux hautement qualifiés, choisissent de chercher des opportunités à l’étranger. Cela accentue donc plus encore la fuite des cerveaux, exacerbant encore les défis économiques du pays en diminuant le potentiel de croissance future jusqu’à ce que crise, il y a.

Il est cependant important de noter que la crise économique au Liban est le résultat de multiples facteurs, y compris une gouvernance faible, une corruption endémique, une dette publique élevée, et des politiques monétaires et fiscales mal gérées. Bien que les envois de fonds de la diaspora puissent avoir contribué à certains déséquilibres économiques, ils sont également une source vitale de soutien pour de nombreux Libanais.

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