Le 9 février dernier, dans la foulée de la promulgation du budget 2024 et de la publication de deux circulaires par la Banque du Liban (BDL) tendant vers l’unification des taux de change et alors que les Libanais célébraient la Saint Maron, un projet de loi du gouvernement Mikati, de la Commission de contrôle des banques et de la BDL visant à restructurer le secteur bancaire et à répartir ses 70 milliards de dollars de pertes a fuité. Il compte une soixantaine de pages.

Le Vice-Premier ministre Saadé Chami qui veut arracher un accord avec le Fonds monétaire international (FMI) a déclaré à l’Agence nationale d’information (ANI) qu’il s’agit du « meilleur projet de loi possible vu les circonstances difficiles que traverse le pays » car il vise à « protéger les dépôts légitimes », « renforcer la stabilité financière » et « réhabiliter le secteur bancaire afin qu’il joue son rôle dans le financement du secteur privé et des citoyens » et cela afin de « stimuler la croissance » tout en s’assurant de la « soutenabilité de la dette publique et de la continuité des services publics » et en « réduisant les risques systémiques du secteur financier ».

Les banques considèrent pourtant que le projet leur fait supporter le poids des pertes et plaident en faveur d’une plus grande participation de l’Etat et de la BDL. Le projet reprend en effet ce que le plan Lazard préconisait concernant la restructuration du secteur bancaire mais manque de clarté concernant la répartition des 70 milliards de dollars de pertes.

Le projet veut imposer aux banques étrangères opérant au Liban l’obligation de payer tous les dépôts sans restructuration. Ainsi, les groupes basés à l’étranger auxquels elles appartiennent seront contraints à assumer les pertes sans en faire subir le poids à leurs clientèles. Toutefois, il faut déterminer quelles sont ces banques étrangères. On peut raisonnablement penser qu’il s’agit de banques telles Arab Bank et Emirates Lebanon Bank (filiale de Bank of Sharjah).

A travers ce projet, le gouvernement instaure le principe de la hiérarchie des droits et des créances ce qui signifie que l’actionnariat des banques sera modifié avec la dilution des actionnaires actuels (« write-off » par la ponction du capital des banques et « wipe-out » ou radiation, éviction des actionnaires) sauf si les actionnaires des banques recapitalisent eux-mêmes les banques ou si ces dernières trouvent de nouveaux investisseurs. 

Le projet consacre la distinction entre les dépôts en lollars constitués avant le 17 octobre 2019 et ceux constitués par la conversion illégale de livres libanaises en devises après le 17 octobre 2019. 

Les banques sont sommées de garantir un remboursement des dépôts jusqu’à 100 000 dollars pour les dépôts en lollars constitués avant le 17 octobre 2019 et jusqu’à 36 000 dollars pour les dépôts en lollars constitués après le 17 octobre 2019. 

En ce qui concerne les dépôts supérieurs à ces sommes, ils seront retirés du bilan des banques qui ne peuvent pas supporter 90 milliards de dollars d’autant que la BDL va effacer une partie de sa dette envers les banques. Ils pourraient être transformés en actions de banques (bail-in) mais au cours de 4 lollars pour un dollar, en livres libanaises (lirification) par une conversion des dépôts à un taux équivalent à 20% de celui du marché ou en titres synonymes de droits sur un fonds de restitution des dépôts à créer (le projet ne présente pas les contours de ce fonds). 

Pour répondre aux exigences de transparence et de lutte contre la corruption dans l’administration, les banques devront s’assurer de l’origine des fonds des fonctionnaires ayant des dépôts supérieurs à 300 000 dollars. 

Pour les actionnaires de banques optant pour la liquidation de leurs établissements, ils pourraient faire face à des saisies conservatoires sur leurs biens et des poursuites judiciaires. 

Un commentaire?

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.