Le 25 mai, le Liban célèbre pour la 16 ème année, la fête de la libération (retrait israélien total du Liban ,25 mai 2000).Ce jour là coïncidera hélas, avec l’entrée dans sa troisième année de la vacance présidentielle (depuis le 25 mai 2014).

Par ailleurs cette date coïncide à un jour près, avec celle de l’élection il y a 90 ans, du premier président de la république libanaise autonome (Charles Debbas, 26 mai 1926), deux jours après l’adoption de la première constitution  libanaise ,23 mai 1926).

Ces coïncidences certes symboliques, permettent aux peuples de se pencher, sur leur histoire lointaine ou récente et d’évaluer leur parcours, pour assurer leur continuité mémorielle et politique.

Nous voulons tous célébrer, le souvenir de la libération car elle restitue au Liban, sa souveraineté intégrale mais nous constatons également, le blocage du système institutionnel libanais, par le même parti, qui avait grandement contribué à cette libération, au prix d’immenses sacrifices et qui depuis est passé, du stade local et national, au stade régional voire international. Nous avons été débarrassés d’une occupation honnie, pour nous créer d’autres contraintes, dont nous dépendons et que nous ne maîtrisons pas.

L’entité libanaise ne peut pas reposer, éternellement et uniquement sur notre hostilité, justifiée et légitime vis-à-vis d’Israël, elle doit également reposer, sur notre entente  interne et solidaire  et notre capacité, à nous gouverner nous-mêmes, de manière réfléchie, responsable et autonome. Il ne s’agit pas de troquer une occupation contre une tutelle politique et culturelle, quelle que soit sa provenance. Peut-on réaliser une appartenance nationale forte et fiable, dans un pays pluricommunautaire et pluriculturel ?

Après les prolongations forcées des mandats Hraoui (1989-1998) et Lahoud (1998-2007) dictées par le tuteur Syrien, le retrait Syrien (26 avril 2005), la vacance présidentielle de quelques mois en 2008 et déjà de deux ans depuis 2014, nous continuons à osciller, entre prolongation forcée et vacance prolongée. Et ceux qui dénoncent les prolongations sont les mêmes qui contribuent à la vacance.

Au-delà des personnes et des partis, il y a quelque chose d’ambivalent, voire  de contradictoire, dans cette démocratie sur mesure. Le dysfonctionnement flagrant  du système révèle, autant l’inaptitude arbitraire  des dirigeants, que l’inadéquation approximative du système politique.

Finalement, nous retournons toujours à la case départ et au problème toujours non résolu, de la définition de l’appartenance pluricommunautaire  nationale identitaire. Avec bien sûr en arrière fond, la question de l’équilibre instable  démographique (menace d’implantation périodique des uns et des autres, remise en question de la parité communautaire et recouvrement de la nationalité par les émigrés).Le Liban redevient, un espace de confrontation idéologique, pour lui-même et pour les autres.

Certes les Libanais ont aujourd’hui la sagesse, de ne plus recourir aux armes de manière suicidaire et inutile, pour régler leurs différends politiques  et leurs différences culturelles. Les récentes élections municipales ont démontré, que tous les Libanais sans exception, avaient un désir évident  d’exercice démocratique et de débat pacifique, avec la participation de plus en plus active, de la société civile qui s’est structurée à l’occasion de la crise, toujours non résolue  des déchets et qui va acquérir, de plus en plus, parallèlement aux partis communautaires et familiaux, une plus grande légitimité politique.

La mondialisation, le développement des moyens de communication et des réseaux sociaux dans l’espace public, imposent, une plus grande marge incompressible, des libertés individuelles.

Comment donc un pays peut, revitaliser ses institutions et les bloquer en même temps ? Peut-on continuer à être à mi chemin, entre une société patriarcale et une société démocratique ?

Certes l’esprit de compromis est bien enraciné, chez tous les Libanais qui ont mesuré au fil des épreuves, la valeur ajoutée, de leur pays en tant qu’espace privilégié du dialogue des cultures et de médiateur entre l’Orient et l’Occident. Mais à force d’expérimentations politiques hasardeuses et d’aventures régionales risquées, les Libanais mettent en danger, la stabilité et la continuité de leur système et le livrent  imprudemment, aux interprétations subjectives et circonstancielles.

Le président de la chambre devrait constitutionnellement, recadrer le débat et assurer la continuité des institutions .En tant qu’homme de loi lui-même et en tant  qu’élu à la tête du pouvoir législatif, dans un système parlementaire, il sait que le parlement en période de vacance présidentielle, devient exclusivement un corps électoral et qu’il devrait assurer en toute priorité, l’élection du chef de l’Etat.

Le 25 mai est certes la commémoration de la libération mais c’est également depuis plus de deux ans, le rappel  cuisant de notre incapacité à sauvegarder, avec maturité et responsabilité notre  constitution (qui a 90 ans), la présidence de notre république  et nos institutions démocratiques.

Bahjat Rizk
Avocat à la cour, écrivain libanais, professeur universitaire, attaché culturel à la délégation du Liban auprès de l’UNESCO (depuis 1990) a représenté le Liban à de multiples conférences de l’UNESCO (décennie mondiale du développement culturel-patrimoine mondial

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