La Banque du Liban, les banques et les partis accusés de fraude par Emmanuel Macron

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Outre le fait d’avoir accusé les dirigeants libanais de l’avoir trahi, le Président de la république française a également répondu longuement aux questions des libanais via les réseaux sociaux en accusant les banques libanaises de collusion avec les intérêts privés d’hommes politiques.

Emmanuel Macron, étant lui-même un ancien banquier avant d’avoir entamé une carrière politique, a ainsi décrit de manière très précise le mécanisme qui a abouti au crash du système financier et économique libanais.

Le chef de l’état a ainsi indiqué que tant que les forces politiques se comportent de la manière actuelle, (faisant allusion aux blocages dans la formation du prochain gouvernement), le Liban ne pourra pas progresser.

Le plein emploi du Liban dépend de son système financier, indique Emmanuel Macron, “plus qu’aucun autre pays de la région” en raison de l’absence de production domestique qui permet de subvenir à ses besoins, le Liban présente donc structurellement un déficit de sa balance commerciale qui ne peut être compensé que par des flux financiers entrants.

Pour rappel, ces flux financiers se sont inversés dès janvier 2019, aggravant la crise économique que traverse le pays des cèdres.

La fiabilité du système financier remis en cause en raison de sa proximité avec les hommes politiques Le modèle, constate le chef de l’état, s’est effondré en raison de l’absence de réformes politiques tous secteurs inclus, la corruption et des effets de rente avec des taux d’intérêt élevés.

On a attiré de l’argent en le sur-rémunérant et toutes ces dernières années on a sur-rémunéré les déposants, dans une forme de schéma Ponzi.

Il a ainsi fait allusion à un schéma de fraude typique, un montage financier frauduleux qui consiste à rémunérer les investissements des clients essentiellement par les fonds procurés par les nouveaux entrants.

Il s’agissait pour les hommes politiques ou encore les banques libanaises d’attirer l’argent de la classe moyenne puis de la diaspora libanaise avec des relais à l’étranger faisant miroiter d’importants gains, sans toutefois la création de richesse effective surtout que la majorité des fonds étaient réinvestis dans la dette publique.

En retour, les actionnaires de ces banques bénéficiaient d’importants dividendes qui ont été transférés à l’étranger.

Cette information intervient également alors qu’un rapport de la banque d’affaire américaine JPMorgan note que les réserves monétaires de la Banque du Liban s’épuisent plus rapidement que prévu, plus rapidement également que la consommation des produits de première nécessité qu’elle subventionne.

La banque s’interroge par conséquent sur l’origine de ces pertes, estimant possible que ces transferts se poursuivent même à l’heure actuelle.

Ces propos contredisent par conséquent ceux du gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé qui insistait jusqu’il y a peu sur la non-implication du système bancaire dont il a la tutelle dans le scénario de la crise actuelle.

Ces intérêts privés sont très liés à des familles et des partis politiques, déplore Emmanuel Macron.

Pour rappel, 43% des actions des banques appartiennent à des personnes impliquées politiquement et notamment à Saad Hariri et Nagib Mikati entre autre, notait une étude effectuée par l’économiste Jad Chaaban en 2016.

De nombreuses banques ont été créées pour servir les intérêts de chacun, accuse le Président de la République.

En automne 2019, il y a eu crispation, d’importants mouvements d’argent vers l’étranger et instauration d’un contrôle informel des capitaux, avec certains qui ont pu sortir leurs dépôts, faisant leur jeu avec la Banque Centrale.

Emmanuel Macron a une nouvelle fois accusé la Banque du Liban d’être impliquée aux côtés de ces intérêts dans la mise en place de l’effondrement actuel du système bancaire au dépend des déposants “normaux”.

Plus personne n’a confiance dans le système financier

Le chef de l’état français qui était aussi banquier avant d’aborder une carrière politique estime ainsi que le système bancaire ne peut se voir accorder à nouveau la confiance avec les mêmes acteurs, dans les banques privées et publiques ainsi que dans les administrations.

Ces déclarations contrastent – outre avec celles du gouverneur de la Banque du Liban – avec celles des dirigeants de l’association des Banques du Liban, qui s’étaient pourtant déplacés en France au début du mois de Septembre, pour y défendre leurs intérêts et estimant le secteur financier actuel capable de surmonter cette crise.

Les pertes du secteur financier sont estimées à plus de 100 milliards de dollars au taux de change de 3600 LL/USD.

Ces pertes sont encore aggravées si on prend en compte la parité dite au marché noir, qui serait techniquement la parité réelle de la livre libanaise.

Cependant, une étude conduite par un économiste américain note que les différentes banques libanaises nécessitent une recapitalisation de grande ampleur, 11.9 milliards de dollars pour la BLOM, 11 milliards de dollars pour la Banque Audi ou encore 7.5 milliards de dollars pour la SGBL.

En tout, 63 milliards de dollars sont nécessaires pour le sauvetage des 14 premières banques libanaises alors que les dépôts bancaires nets s’effondrent.

Si les banques libanaises indiquent disposer de 143 milliards de dollars de dépôts, une chute de 25 milliards de dollars par rapport à 2019, certains économistes estiment les dépôts nets à 1 milliard de dollars voire, même négatives selon d’autres.

La Banque du Liban n’est guère en meilleur état avec 30 milliards de dollars de réserves monétaires nettes selon un rapport d’audit confidentiel de 2018 qui a réussi à être leaké.

Ce que veulent faire les partis politiques c’est s’assurer que les mêmes restent aux manettes

Les partis politiques qui ont en fait d’importants intérêts financiers souhaitaient ainsi garder la possibilité de sortir leurs dépôts pour les protéger ailleurs, accuse le chef de l’état.

Il avait précédemment accusé le Hezbollah mais ainsi, il a également fait allusion à l’ensemble des forces politiques très impliquées dans le secteur économique. Le gouvernement de mission comme solution.

Ce cabinet devrait ainsi mener les réformes nécessaires dans l’énergie, le port ou encore les administrations publiques pour que les choses repartent.

L’audit des banques privées et publiques est également nécessaire pour définir qui sont les personnes responsables de la crise actuelle et ainsi recréer un système de confiance pour recapitaliser et refaire marcher le mécanisme.

Le Liban ne s’en sortira pas sans aide internationale, massive mais dans un système assaini. Personne ne remettra de l’argent tant que le système et que les personnes qui ont détenu ce système seront présentes, souligne Emmanuel Macron.

Cette analyse du chef de l’état français rejoint l’inventaire de la situation que les observateurs indépendants du système financier notaient depuis des années. Un changement de leadership non seulement politique mais économique, financier et monétaire est la seule solution réelle à la sortie de la crise actuelle que traverse le pays des cèdres.