Après la fermeture de la Fransabank hier, l’association des banques du Liban et leurs actionnaires tente de se mobiliser pour mettre en échec cette décision judiciaire.

Pour rappel, la magistrate d’execution des peines, la juge Mariana Anani a décidé de faire saisir les biens de cet établissement bancaire suite à une plainte déposé par un épargnant soutenu par l’association “les cris des déposants”.

Le premier ministre Najib Mikati, par ailleurs actionnaire d’une des plus importantes banques du pays a ainsi estimé que les actions judiciaires intentées contre les banques “sont incorrectes et sapent la confiance qui reste” envers le système bancaire.

Pour l’heure également, on attend les réactions du procureur de la république, le juge Ghassan Oweidat qui avait déjà fait annuler une décision similaire en 2020 prise par le procureur financier, le juge Ali Ibrahim.

Les banques craignent désormais une cascade de procès non seulement à l’étranger comme cela était le cas jusqu’à présent avec des décisions en France ou encore en Grande Bretagne ordonnant le versement d’importantes sommes gelées depuis l’imposition d’un contrôle informel des capitaux en novembre 2019, mais également désormais légalement, ce qui conduirait de facto à une panique bancaire et des faillites en cascade.

Face à ces menaces, les banques locales estiment que la responsabilité de la crise de ce secteur revient à l’état, à la Banque du Liban, mais également désormais aux déposants s’ils entreprennent de telles actions et estiment devoir arrêter leur activité. Ils menacent ainsi de geler le versement des salaires tant des employés de la fonction publique que privée.

Toujours côté Fransabank dirigée par un ancien ministre Adnan Kassar, on note que la moitié des salaires de la fonction publique sont versés via cet établissement, y compris ceux des juges ou des officiers de l’armée libanaise. Certaines sources anonymes notent que la banque pourrait faire ainsi pression sur les administrations publiques pour faire annuler cette décision.

Côté justice, on indique que les perquisitions qui ont visé la Fransabank ne touchent pas les guichets avec du personnel et des guichets automatiques permettant le retrait des pensions et des salaires. Il s’agit d’empêcher la banque de disposer de ses actifs jusqu’à ce qu’une solution puisse être trouvée.

La Fransabank indique qu’elle avait fermé le compte du plaignant Ayyad Ibrahim, celui-ci ayant récupéré l’intégralité de son compte, une somme de 35 000 USD, annoncent certaines sources quand d’autres sources estiment cette somme à 100 000 USD incluant les frais de justice et les intérêts en infraction du secret bancaire. Cependant, il a été dans l’impossibilité d’ouvrir un compte auprès d’une autre banque ou de transférer cette somme en cas, ce qui a amené à l’exécution de la procédure visant la banque dont les biens pourraient être ainsi vendus aux enchères.

Pour les associations de déposants, ils répondent au communiqué de l’Association des Banques du Liban publié hier, soutenant l’action de la juge face à la Fransabank et appelant “le pouvoir judiciaire à compléter ses mesures contre toutes les banques au Liban qui détiennent l’argent des déposants”.

Ils lancent aussi un avertissement à “l’Association des banques: toute décision arbitraire contre les citoyens et les déposants au Liban aura de graves conséquences pour leurs intérêts personnels et professionnels.

Même son de cloche pour le mouvement des enseignants ce matin, qui dénonce les mesures de représailles prises par la Fransabank et l’arrêt du versement des salaires. Hamza Mansour, le coordinateur de ce mouvement a ainsi appelé le ministre de l’Education Abbas Al-Halabi, dans un communiqué, à “agir pour arrêter les infractions des banques contre les enseignants contractuels et les propriétaires” concernant la rétention des salaires.

Focus

Le rapport publié en 2020 par la Foundation for Defense of Democracies et intitulé Crisis in Lebanon, Anatomy of a financial Collapse estime toutes les banques libanaises étudiées comme étant insolvables. Elles sont également menacées par des procédures judiciaires, accusées de blanchiment d’argent et en raison du lien de certains établissements avec le Hezbollah aux USA.

• Bank Audi S.A.L.
• Bank of Beirut S.A.L.
• Bank of Beirut and the Arab Countries S.A.L.
• Bankmed S.A.L.
• Banque Libano-Française S.A.L.
• BLOM Bank S.A.L.
• Byblos Bank S.A.L.
• Crédit Libanais S.A.L.
• Fenicia Bank S.A.L.
• Fransabank S.A.L.
• IBL Bank S.A.L.
• Lebanon and Gulf Bank S.A.L.
• MEAB Bank S.A.L.
• Société Générale de Banque au Liban S.A.L.

Parmi les banques citées:

Au total, les 14 banques prises en compte nécessiteraient un apport de 67 milliards de dollars, ce qui est bien éloigné des sommes maximales que le Liban pourrait obtenir dans le cadre d’une aide internationale, soit 26 milliards de dollars (15 milliards de dollars de prêts via le FMI et 11 milliards de dollars via CEDRE à condition de mettre en place les réformes économiques, monétaires et financières nécessaires pour les débloquer).

Selon les calculs effectués par un expert étranger, tous les établissements nécessiteraient des injections massives de fonds, allant jusqu’à 11.9 milliards de dollars pour la BLOM seulement, suivie de 11 milliards de dollars pour la Banque Audi, des sommes aujourd’hui impossibles à trouver au Liban même. Le risque de faillite ou encore de shutdown complet est donc présent pour ces établissements avec d’importantes pertes pour les actionnaires actuels.

Ils ne pourraient survivre qu’à condition de fusionner ou encore de procéder à des haircuts sur les dépôts.

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