« On veut Baha, on veut Baha ». Oui, c’est le nom du fils aîné de Rafic Hariri que scandaient les partisans du Courant du Futur après l’assassinat de leur chef, l’ancien Premier ministre Rafic Hariri le 14 février 2005. Pourtant, l’Arabie saoudite désigna Saad Hariri (le fils cadet de Rafic Hariri) pour reprendre le flambeau et Fouad Siniora (l’ancien ministre des Finances de Rafic Hariri) pour assurer la « régence ». Baha Hariri était de toute façon plus intéressé à fructifier son argent et par les affaires. Une rumeur dit que la Syrie avait également des éléments embarrassants le concernant et qu’elle les aurait divulgués s’il avait été désigné. 

C’est d’ailleurs Fouad Siniora qui fut Premier ministre de 2005 à 2009. Saad Hariri lui succéda au poste de Premier ministre de 2009 à 2011 et le retrouva de 2016 à 2020 après un intermède de l’allié Tammam Salam, également désigné par l’Arabie saoudite, de 2014 à 2016. Fouad Siniora est toujours le chef du Courant du Futur même si Saad Hariri en est le leader. 

Jusqu’à la mort du roi Abdallah en 2015, Baha Hariri se montra donc discret sur la scène politique libanaise. Avec l’ascension au trône du roi Salmane (en janvier 2015), la nomination de son fils Mohammed ben Salmane comme prince héritier (en juin 2017) et l’arrestation en Arabie saoudite de Saad Hariri alors Premier ministre libanais en exercice (en novembre 2017), Baha Hariri se montre de moins en moins discret sur la scène politique libanaise. 

Ainsi, Baha Hariri, farouche opposant au Hezbollah et au Courant patriotique libre (CPL), était opposé à l’élection du général Michel Aoun – le fondateur du CPL – à la Présidence de la République (en octobre 2016) et à la loi électorale proportionnelle (car celle-ci a permis l’élection de députés sunnites traditionnellement opposés aux Hariri et a fait perdre au Courant du Futur la plupart de ses députés chrétiens), a soutenu le récent mouvement de révolte (celui dit du 17 octobre 2019) et a appelé même à la chute du gouvernement dirigé par son frère Saad Hariri. 

Alors que son frère Saad avait été arrêté par Mohammed ben Salmane, Baha Hariri s’était proposé pour reprendre le flambeau. Il s’était alors fait rembarrer par Nouhad Machnouk alors ministre de l’Intérieur et membre du Courant du Futur. Ce dernier lui avait assené : « les sunnites du Liban ne sont pas un troupeau ». Saad Hariri avait finalement été libéré grâce aux interventions du président libanais Michel Aoun et du président français Emmanuel Macron et avait pu reprendre son poste de Premier ministre du Liban. 

Durant le mouvement de révolte qui obtint (le 29 octobre 2019) la démission de Saad Hariri du poste de Premier ministre, Baha Hariri appuya des « forums » dans les quartiers sunnites de Beyrouth, Tripoli et Saïda (dans l’Iqlim el-Kharroub) ainsi que dans le Akkar et dans la Békaa-Ouest. Son objectif ? Créer une nouvelle formation politique et participer aux prochaines élections législatives quitte à affronter le Courant du Futur et son frère Saad Hariri. Il estime avoir suffisamment de soutiens en Arabie saoudite et aux États-Unis et pense pouvoir se faire une place sur une scène sunnite libanaise plus éclatée qu’il y a quelques années surtout qu’il a mieux géré sa fortune que son frère. L’apparition de la pandémie du Coronavirus a stoppé son élan. Il y a quelques semaines, il a soutenu les mouvements émeutiers dans les quartiers sunnites de Beyrouth, Tripoli et Saïda et dans le Akkar et la Békaa-Ouest mais la deuxième vague de cas de Covid-19 l’a encore arrêté.  

Une rumeur dit que Baha Hariri se lancerait officiellement après l’annonce du verdict par la Chambre de première instance du Tribunal Spécial pour le Liban (TSL) concernant l’assassinat de son père. Le jugement, prévu en audience publique à la mi-mai 2020, a été reporté en raison de la pandémie.  Cinq membres du Hezbollah sont soupçonnés d’avoir perpétré l’attentat dont l’un est décédé. 

Pour faire face à Baha Hariri, Saad Hariri va-t-il devenir plus extrémiste (pour lui couper l’herbe sous les pieds) ou va-t-il faire un nouveau compromis avec le Hezbollah et/ou le CPL (et donc jouer la modération pour espérer retrouver le poste de Premier ministre) lui qui bénéficie de l’appui du Président du Parlement Nabih Berri le chef du mouvement Amal, de Walid Joumblatt le chef du Parti socialiste progressiste et de Sleiman Frangié le chef du Courant Marada ?  Du côté « extrémiste » se trouvent l’ancien ministre Nouhad Machnouk (qui lui a récemment réitéré son soutien malgré son départ du Courant du Futur) ainsi que la mouvance proche de la Turquie d’Erdogan qui tente de rivaliser avec l’Arabie saoudite sur la scène sunnite libanaise : le général Achraf Rifi (avec lequel Saad Hariri s’est réconcilié à la mi-mars 2019), les Horras al-Madina (les « Gardiens de la ville ») et la Jamaa Islamiya (les Frères Musulmans libanais). 

Pour l’heure, Saad Hariri se sent attaqué de toute part car il voit dans la politique et les déclarations du gouvernement de Hassan Diab, également de confession sunnite, des attaques en règle contre les politiques financières de Rafic Hariri, Fouad Siniora et lui-même ainsi que contre trois de ses proches ayant toujours des fonctions dans l’establishment : le gouverneur de la Banque du Liban (BDL, la Banque centrale) Riad Salamé, le patron de Middle East Airlines (MEA, la compagnie aérienne nationale) Mohammad el-Hout et le chef des Forces de sécurité intérieure (FSI, la police) le général Imad Osmane. Il cherche donc à mettre la pression sur le gouvernement et sur le Hezbollah et le CPL. C’est pourquoi il a soutenu les mouvements émeutiers dans les quartiers sunnites de Beyrouth, Tripoli et Saïda ainsi que dans le Akkar et la Békaa-Ouest et a déclaré que le plan du gouvernement en vue des négociations avec le Fonds monétaire international (FMI) est voué à l’échec, s’en prenant au passage au Hezbollah et au CPL auxquels il a renvoyé la responsabilité de la crise financière. 

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